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Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
Éditorial

À la veille d’un important débat

Imprimer Par Jacques Marcotte, o.p.

Au moment d’écrire mon éditorial d’avril, le projet de loi annoncé sur la laïcité n’est pas encore déposé au Parlement du Québec. Son dépôt est imminent! Cette loi doit aborder un sujet chaud qui est depuis longtemps débattu dans la belle province. Elle concerne notamment  le droit ou non du port de signes religieux dans l’espace public.

On parle de laïcité de l’État. C’est ce qu’on veut solennellement affirmer et mettre systématiquement en place au Québec. Je me permets ici quelques réflexions qui ne visent pas une critique de la loi comme telle. Je ne la connais pas encore. Elle sera connue et déjà en train d’être discutée au moment où vous lirez ce texte. Mon but n’est pas de prendre parti pourou contrela loi, mais de partager certaines idées qui m’apparaissent utiles dans les circonstances.

D’abord pourquoi parler de laïcité? Ce mot n’est-il pas un peu piégé? Laïcs’oppose à clerc. Il appartient déjà au vocabulaire religieux traditionnel chrétien. Pourquoi ne pas parler plutôt de neutralitéde l’État? De la responsabilité de l’État d’assurer une chance égale à toutes les religions et de ne pas prendre parti pour l’une plus que pour l’autre. Par souci de respect, d’équité, de liberté.

Pourquoi ne pas parler d’une neutralité ouverte sur l’expression du sentiment religieux ou même sur son absence. Dans le respect de toutes les croyances, y compris celle de ne pas croire. L’État n’est pas là pour faire du prosélytisme en vue de promouvoir une religion au détriment d’une autre. Ni non plus pour professer officiellement l’athéisme ou l’incroyance.

La loi devait être permissive au maximum par rapport à la pratique religieuse, par rapport aux signes religieux affichés par les individus.  Sous réserve que l’État ne doive pas se compromettre comme tel dans une adhésion particulière à une religion. Être ni contre, ni pour. Être d’une neutralité respectueuse, déférente, positive, facilitante. Ou bien, de quoi a-t-on peur?

Notre société a beaucoup mûri. Elle est moderne. Elle est pluraliste par la force des choses, vu le progrès d’une certaine pensée moderne, de certaines philosophies, de certaines avancées culturelles, vu l’entrée dans notre pays de gens d’autres confessions chrétiennes, de tenants d’autres religions, de non croyants. Notre pays se doit d’affirmer et d’assurer une liberté empreinte de respect et de discrétion par rapport aux individus, aux familles et aux communautés qui la composent. L’État a pour mission d’accueillir tout le monde, de faciliter l’épanouissement des personnes et donc des éléments essentiels qui les accompagnent et qui les nourrissent. Or la religion en est un à juste titre!

Notre monde québécois a longtemps été unanime au plan religieux, profondément marqué par le christianisme. Les conséquences de l’orientation prise depuis le temps de la « révolution tranquille » sont possiblement douloureuses pour plusieurs. Nous aimions bien la croix au-dessus des édifices publics, la croix au-dessus du siège du Président de l’Assemblée nationale, les symboles chrétiens affichés un peu partout. Il ne s’agit pas de virer à l’iconoclaste. Nous n’avons pas à avoir honte de nos images, de nos églises, de nos croix de chemins, de nos monuments ou statuaires chrétiens. Cela fait partie de nos racines profondes, de notre culture religieuse, de notre état de fait, de notre patrimoine bâtis, artistiques.

Il ne s’agit pas de ramener toutes ces choses à l’état muséal ou à de simples souvenirs. Ces monuments, pour une bonne part témoignent d’une foi toujours vivante chez plusieurs. Ils ont parfaitement droit de cité, et il ne s’agit pas pour autant de les imposer à tout le monde. Ils appellent tout simplement autant de respect et de condescendance qu’une mosquée ou une synagogue ou un temple bouddhiste ayant pignon sur rue et droit à sa publicité, à ses particularités, à ses emblèmes spécifiques.

Quant à l’habillement… Que la loi soit minimale à cet égard. Libre à chacun de s’habiller comme il veut! Qu’on fasse confiance! Qu’on reste calme et serein et largement permissif! Qu’on s’en tienne à la nécessité de montrer ouvertement son visage quand on assume une responsabilité publique d’autorité ou de contrôle, et tout autant évidemment quand il s’agit d’être contrôlé. Le reste importe si peu. Il devrait être laissé à la liberté de chacun, hormis le cas de grossière indécence (!).

Voilà. Notre loi devrait prendre nettement position de neutralité stricte et nette pour l’État. Et que tout le reste soit marqué du signe de la tolérance, de la bienveillance, du respect, de la liberté, d’une belle fidélité aux grandes valeurs de notre société.

Fr Jacques Marcotte, OP

Québec

 

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