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Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
Éditorial

Enregistrer les armes à feu. Oui ou non?

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Il peut sembler que cela ne soit pas une bonne affaire

Il s’en trouve pour dire que ce serait une atteinte à la liberté des gens que de les obliger à déclarer qu’ils possèdent une arme à feu. Chacun n’a-t-il pas le droit de disposer de son argent comme il le veut et de s’approprier les objets qu’il désire? À chacun son hobby! Posséder une arme et s’en servir correctement ne fait de mal à personne! Il faut faire confiance aux gens.

D’autres s’insurgent contre toute ingérence dans leur vie privée. Cela ne regarde qu’eux seuls le fait de posséder une arme. De quel droit viendrait-on contrôler ce que j’ai dans ma maison. Est-ce qu’un simple permis ne suffirait pas à valider mon acquisition et ma possession d’une arme?

La possession d’une arme à feu concerne un petit nombre d’individus, à savoir les passionnés de la chasse, les compétiteurs de tir à la carabine, les collectionneurs de vieux fusils, etc. A quoi bon faire une loi pour contrôler un petit nombre d’individus qui n’ont aucune intention malveillante et qui souhaitent s’intéresser paisiblement aux armes qu’ils détiennent discrètement chez eux?

 

Pourtant

Nous avons déjà une loi adoptée à l’Assemblée nationale du Québec qui prévoit une échéance pour son application et des sanctions face à toute dérogation. Beaucoup d’argent public a déjà été investi pour mettre en place le registre approprié. Ce serait dommage qu’il ne serve à rien. Les arguments qui militaient en faveur de la mise en œuvre de ce contrôle seraient-ils soudainement devenus périmés?

 

Sérieusement

Il me paraît que nous vivons un rapport amour / haine à l’égard des armes à feu. Autant elles peuvent s’avérer utiles pour sauver notre pays lorsqu’elles sont dans les mains de nos soldats, et autant elles sont nécessaires parfois pour prévenir des crimes lorsqu’elles sont dans les mains de nos policiers, elles deviennent dangereuses quand elles sont entre les mains d’un bandit, d’un maniaque, d’un imbécile, d’un terroriste. Combien d’attentats ont eu lieu où l’arme à feu a été dévastatrice? Nous savons les histoires de tireurs fous, d’assassins surgis de quelque mouvement extrémiste. Rappelons-nous les massacres dans les écoles, les attentats dans un magasin, dans un marché, dans une foule, ici ou ailleurs, aux USA, en France.

Chaque fois qu’il arrive un drame, on se dit : cela doit cesser! Il faut contrôler le port et la possession des armes. Le danger n’est pas illusoire. Nous avons eu suffisamment de catastrophes mortifères. Il faut développer une manière de contrôler la circulation, la mise en marché et la possession des armes à feu.

Certaines armes sont plus dangereuses que les autres. Certains possesseurs d’armes sont plus à risque que d’autres. Or il vaut mieux prévenir que guérir. Certes le registre ne nous assurera la sécurité pas à 100%, mais il constituera une banque utile d’informations; il sera un outil de travail important pour la prévention, pour les enquêtes éventuelles, pour une gestion plus efficace de la paix publique et privée, etc.

 

À bien y penser

La liberté de chacun n’est pas un absolu dans le monde sociétal où nous sommes. Le bien commun passe avant le bien particulier. Les valeurs de non-violence et de sécurité l’emportent sur le droit personnel à disposer d’instruments essentiellement dangereux dont l’usage peut causer la mort. Il est donc normal que certaines contraintes concernant la possession personnelle d’armes à feu, vue leur dangerosité, puissent nous rassurer et mettre de l’ordre quant à leur répartition et leur circulation dans nos communautés.

Il faut prévoir que l’usage du registre des armes sera limité à la Sureté du Québec et à la Gendarmerie Royale Canadienne ou à d’autres corps de police mandatés. Tout l’monde n’aura pas accès à ces documents. La confidentialité doit être protégée. On peut penser que ce contrôle est globalement analogue à celui déjà bien établi et respecté de l’enregistrement des automobiles.

Il est certain que tous ne sont pas concernés par cette politique. Tous ne possèdent pas d’armes à feu. Mais tous éventuellement vont profiter de cette régie. Il s’agit d’une démarche collective dont la rigueur d’application est essentielle pour, à la fin, assurer une meilleure protection de chaque individu dans notre société.

Fr Jacques Marcotte, OP

Québec


Note : c’était le 28 janvier, en la fête de saint Thomas d’Aquin, quand j’ai écrit cet article. J’ai voulu – tout en m’amusant un peu – imiter la manière d’argumenter de ce théologien, telle que nous la retrouvons dans la Somme théologique.On me pardonnera ce petit exercice qui m’a rappelé le temps de mes études.

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