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Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
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« Je n’oublierai pas ce que vous m’avez dit »

Imprimer Par Jacques Marcotte & Anne Saulnier


Encore Trump nous direz-vous ! Eh oui, difficile de passer une semaine ou un mois sans entendre parler de ce personnage haut en couleur et président d’un des pays les plus puissants du monde, surtout quand il s’agit d’un événement historique comme celui auquel nous venons d’assister. Pour la première fois, en effet, un président visitait en un seul voyage les lieux saints des trois religions monothéistes.

Devant le mur des Lamentations à Jérusalem, nous avons vu le président Trump s’avancer seul et se recueillir, la kippa bien en place sur la tête, glisser une intention de prière dans une des fentes du célèbre mur. À Ryad, le président concluait un contrat d’une valeur de 110 milliards de dollars avec l’Arabie Saoudite pour la vente d’armes et appelait les musulmans à lutter contre le terrorisme.

À Rome cependant, sa rencontre avec le pape aura été beaucoup plus discrète. Ce dernier a reçu le président dans un face-à-face privé. Alors que le président remettait au pape cinq ouvrages de Martin Luther King dont un signé de la main du prix Nobel de la paix lui-même, le pape offrait au président un médaillon frappé d’un olivier, ainsi qu’un texte de son discours pour la journée mondiale de la paix. Comme il le fait généralement avec les dignitaires qui le visitent, le pape remettait aussi au président un exemplaire de ses exhortations les plus récentes, dont la lettre-encyclique Laudato Si’ qui porte sur l’écologie et la nécessité de sauvegarder la terre, notre maison commune.

On connaît l’importance que le pape accorde à la compassion et à la paix dans le monde. On sait aussi qu’il mesure bien l’enjeu des changements climatiques et la nécessité d’agir au plus vite pour en contrer les causes et les effets négatifs. Le sort des réfugiés dans le monde constitue aussi une de ses grandes préoccupations. Il ne cesse de nous mettre en garde contre le capitalisme sauvage, tel que nous le pratiquons, et qui met à l’écart une grande partie de la population de la planète en exploitant les plus démunis.

Difficile donc d’imaginer deux personnalités aussi différentes que le pape François et le président Trump, ce dernier étant un climatosceptique reconnu qui prône la méfiance envers les étrangers, encourage le protectionnisme et le capitalisme, le port des armes à feu, la réduction des mesures sociales etc. Si la paix semble être une valeur importante pour le président Trump comme en témoigne le cadeau qu’il a choisi d’offrir au pape, le contrat colossal de vente d’armes qu’il vient de conclure avec l’Arabie Saoudite nous porte à nous interroger quant à ses véritables intentions. Ce geste ne risque-t-il pas d’être l’étincelle qui mettra le feu à la poudrière qu’est devenu le Moyen-Orient?

« Je n’oublierai pas ce que vous m’avez dit » a confié le président Trump au pape François au moment de le quitter. Quelle suite va-t-il donner aux propos du pape? Saura-t-il les traduire dans un réel engagement pour la paix?

Chose certaine, la suite des événements nous laisse croire que Monsieur Trump n’a peut-être pas assimilé le message du pape autant que nous l’aurions souhaité. Lors du G7 qui vient de se terminer en Sicile, le président Trump, fidèle à lui-même, est resté sur ses positions concernant le changement climatique et les règles du commerce international. Par son attitude et ses propos, il se mettait à dos les autres participants au G7. Leur réaction ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. Angela Merkel a indiqué que « l’Europe ne pouvait plus totalement compter sur les États-Unis » et le chef de la diplomatie allemande, Monsieur Sigmar Gabriel, en a rajouté en accusant le président Trump « d’affaiblir l’Occident en ayant une politique à courte vue. » (La Presse Mobile du 29 mai 2018)

La grande force du pape François est sa capacité de parler au cœur humain, dans une relation authentique empreinte de simplicité. Personne ne peut prédire les fruits de l’entretien qu’il a eu avec le président Trump la semaine dernière, mais chose certaine cela n’a pu qu’améliorer les relations bilatérales entre les parties et faciliter les échanges futurs. Il se peut que plusieurs d’entre vous soient déconcertés par les discours et les agissements de Donald Trump. Nous le sommes nous aussi. Mais qui sait ce qui peut se passer dans le cœur humain et surtout, qui peut savoir comment et dans quelle direction soufflera l’Esprit Saint ? Parfois, il faut du temps, beaucoup de temps avant que ne germe et grandisse ce qu’on a semé. Ayons donc confiance que cette rencontre, encore toute récente, avec le pape portera un bon jour ses fruits. N’est-ce pas cela être chrétien ?

Anne Saulnier et Jacques Marcotte, op
En collaboration
Québec, QC

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