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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Questions de mort et de vie : RÉPARER LES VIVANTS et IQALUIT

Imprimer Par Gilles Leblanc

Dans la vie comme sur le grand écran, il est toujours difficile de voir une personne mourir et il est tellement réjouissant d’en voir une autre survivre à un péril extrême. Deux films récents abordent ces questions. Dans RÉPARER LES VIVANTS, la Française Katell Quillévéré présente un drame émouvant sur le don d’organes tandis que le Québécois Benoît Pilon raconte dans IQALUIT ce qu’il advient d’une femme dont l’époux connaît une fin mystérieuse dans un village de l’Arctique.

 

RÉPARER LES VIVANTS

Avec cette adaptation prenante du roman de Maylis de Kerangal, Katell Quillévéré a réalisé un film magnifique et poignant sur le fil d’une chaîne de solidarité qui conduit à prélever le cœur encore battant d’un mort et à le transplanter dans la poitrine d’un vivant pour le réparer.

Avant le lever du jour, Simon rejoint deux copains, comme lui, amateurs de glisse au large des falaises du pays de Caux, en Normandie. Simon épouse les vagues, fait corps avec la puissance de l’océan, éprouve ses limites. Sur le chemin du retour, dans une demi-somnolence, c’est l’accident. Simon est conduit dans un hôpital du Havre en état de mort cérébrale. Son cœur bat toujours mais il ne sortira plus du gouffre où l’a plongé le choc extrême.

L’équipe médicale doit annoncer aux parents que leur enfant est déjà décédé alors que toutes les apparences, auxquelles ils s’accrochent, laissent croire le contraire. Puis, avec infiniment de précautions, leur demander s’ils consentent au don d’organes. Le dilemme moral que doivent résoudre les parents est traité avec une infinie délicatesse par les médecins chargés de leur expliquer l’enjeu et les procédures.

À des centaines de kilomètres de là,  Claire (jouée avec justesse par la Québécoise Anne Dorval), quinquagénaire et mère de deux enfants, sait que l’état désastreux de son cœur la condamne à court terme. Une seule issue : la greffe. Depuis des mois, elle doit affronter cette éventualité, dompter l’angoisse, guetter le coup de fil, accepter l’incertitude de la dernière chance au bout de la nuit.

Katell Quillévéré présente la dimension métaphysique et sacrée d’un tel don, de ce transport d’un corps à un autre, d’une vie à une autre, dans l’anonymat. Elle montre l’infime précision des gestes au moment crucial et magique de cet acte dramatique, où la moindre anicroche peut tout faire basculer. Virtuose, la réalisatrice l’est. Elle se place toujours à la bonne hauteur pour filmer l’émotion, le vertige symbolique et réel de ce transfert qui exige solidarité et humanité.

IQALUIT

Troisième long métrage de fiction de Benoît Pilon, IQALUIT est avant tout un film d’atmosphère qui fascine grâce à ces paysages à la fois âpres et somptueux. Nous avons l’impression de pénétrer dans un monde inconnu, régi par d’autres codes, soumis à un autre rythme.

Le film raconte l’histoire de Carmen, une Montréalaise, qui doit partir de façon précipitée pour Iqaluit, au Nunavit, au chevet de son mari Gilles, qui décédera peu de temps après son arrivée. Contremaître de chantier, il avait été gravement blessé dans des circonstances supposément accidentelles.

À sa première visite dans le Grand Nord, elle apprend sur place des secrets – dont la double vie de son époux – qui vont la bouleverser. Dans ce contexte, Noah, un ami de son défunt mari, lui fait découvrir un univers bien loin de ses références, ce qui l’aidera à se reconnaître et à retrouver ses repères. Petit à petit, elle partagera de façon insoupçonnée avec lui sa situation dramatique au milieu des remous de la mer du Labrador.

Familier des terres inuites, Bernard Pilon ravive la beauté des paysages arides encerclant Iqaluit sans jamais les magnifier. Et puis, il y a aussi ce plaisir de retrouver Natar Ungalaq, cet acteur magnifique que Pilon avait révélé aux cinéphiles dans CE QU’IL FAUT POUR VIVRE. Il fait également bon de revoir Marie-Josée Croze – toujours solide – tenir un rôle principal dans un film québécois.

Gilles Leblanc

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