Un texte du Frère Didier Berthod, Fraternité Eucharistein, Suisse
J’ai rencontré un jour un chrétien qui me disait croire en tout sauf en l’Eucharistie. Ca lui paraissait trop difficile à croire. C’est vrai que l’Eucharistie est indéniablement un très grand mystère de foi: actualisation sur l’autel du sacrifice du Christ, présence réelle de Jésus alors que nos yeux ne voient que du pain et du vin… Mystère sacré, sacré mystère !
Avec la crèche de Bethléem et la croix du Calvaire, l’Eucharistie est un de ces trois grands moments où la foi devient difficile. On pourrait même dire que ce sont là les trois moments clés de la vie chrétienne: Dieu qui fait “areu areu” dans la crèche, Dieu qui meurt sur une croix au Calvaire et Dieu qui est présent sous l’apparence du pain dans l’Eucharistie. Rien de plus paradoxal !
Mais si la foi est difficile pour notre raison, elle ne l’est pas pour notre cœur. Comme le disait Saint-Exupéry, on ne voit bien qu’avec lui, l’essentiel étant invisible pour les yeux. La présence de Dieu dans notre monde est une présence d’amour, et d’un amour infini, un amour de “ouf” qui fait éclater toutes les petites idées sur Dieu.
Avec l’Eucharistie, cet amour prend tout particulièrement la forme de la miséricorde. La messe rend présent le plus grand acte de miséricorde que Dieu est posé à notre égard. Epris de compassion devant l’humanité enfermée dans son péché, esclave de ses désirs et incapable de réaliser ce pour quoi elle est pourtant faite, à savoir s’unir à Dieu pour l’éternité, Dieu choisit de descendre parmi elle et de réaliser, en notre nom et en notre faveur, le chemin nécessaire à notre union à Dieu. C’est comme si un gardien de cabane de montagne, épris de compassion devant des alpinistes qui se seraient perdus, sortait de celle-ci pour se mettre à leur recherche et, une fois les alpinistes retrouvés, se chargeait lui-même de leurs gros sacs à dos et réalisait avec eux le chemin de retour vers la cabane. Comme nous sommes loin ici de l’idée d’un Dieu vengeur ou punisseur!
L’Eucharistie est aussi la source de notre propre agir miséricordieux. Sans l’Eucharistie, il ne nous est pas possible de nous pencher sur la détresse des autres, ou de pardonner. Pour reprendre notre exemple, l’Eucharistie c’est ce qui nous donne la force de sortir de la cabane confortable pour aller à la rencontre de nos frères et sœurs en détresse. Sans cette force venue d’en haut, nous ne sommes guère capables d’actes héroïques ! Au contraire, si nous sortons de nous-mêmes, nous devenons des artisans du Royaume des cieux, d’un monde où règnent le pardon, le partage et l’amour.
Durant cette année, Dieu nous invite à contempler sa miséricorde et à nous laisser saisir par elle au point de prolonger son agir miséricordieux à travers le monde. Or c’est dans l’Eucharistie que se trouve résumé tout son mystère de miséricorde: “Le trône de ma miséricorde, c’est le Tabernacle”, disait Jésus à Sainte Faustine.
Texte emprunté à L’essentiel. Votre magazine paroissial, Unités pastorales du Grand-Fribourg, Suisse, juin 2016, p. 5.