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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

15e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par François-Dominique Charles

Prenons le temps de jardiner notre lopin de terre

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac.
Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage.
Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur est sorti pour semer.
Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger.
D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde.
Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché.
D’autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés.
D’autres sont tombés sur la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »
Il leur répondit : « A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n’est pas donné.
Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a.
Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, qu’ils écoutent sans écouter et sans comprendre.
Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur cœur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris !
Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent !
Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.
Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur.
Quand l’homme entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : cet homme, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.
Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est l’homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ;
mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il tombe aussitôt.
Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est l’homme qui entend la Parole ; mais les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole, et il ne donne pas de fruit.
Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »

Voici que commence le troisième des cinq grands enseignements que Jésus fait dans l’évangile de saint Matthieu. Après le long « Sermon sur la montagne » (Mt 5-7) et le deuxième enseignement qui suit immédiatement l’appel des Douze (Mt 10) et qui est appelé parfois « discours missionnaire » ou « discours apostolique », Jésus s’exprime en « paraboles » dans le chapitre 13. Entre les deux premiers discours, Jésus a accompli dix miracles, chiffre qui semble rappeler les dix signes que Moïse avait accomplis pour que Pharaon laisse sortir le peuple d’Égypte (Ex 7-12). Saint Matthieu décrit volontiers Jésus avec des traits empruntés au personnage de Moïse : les cinq discours de Jésus rappellent les cinq livres de la Loi de Moïse : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Pour l’évangéliste Matthieu qui est d’origine juive, Jésus vient renouveler, par son enseignement et ses actes, la compréhension de la Loi donnée par Dieu à Moïse sur la montagne du Sinaï : les allusions à « la montagne » dans l’évangile de Matthieu sont nombreuses. Jésus dont le nom signifie « Dieu sauve » (Mt 1,21) est ce prophète promis à Moïse (Dt 18,15) dont la mission est de sauver non seulement son peuple mais aussi toute l’humanité comme l’annonce la venue des mages païens dès sa naissance (Mt 2). Loin d’abolir la Loi de Dieu, Jésus vient l’accomplir (Mt 5,17) en sa personne et l’inscrire dans le cœur des hommes.

En effet, c’est le don du Saint Esprit qui constitue l’accomplissement de la Loi qui a été donnée au Sinaï ; la Loi de Dieu est devenue, selon l’expression de saint Paul, « la Loi du Christ » (Ga 6,2). L’essentiel de la mission de Jésus a donc consisté à répandre dans le cœur de ses disciples le Saint Esprit qui est la Loi nouvelle et vivante de Dieu. « Nous avons commencé par recevoir le Saint Esprit, écrit saint Paul aux Romains, et nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps. » C’est le Saint Esprit, répandu dans nos êtres, qui nous donne l’adoption filiale (Rm 8,14-16). C’est lui qui fait de nous des enfants de Dieu parce que nous devenons capables, avec son aide, de pratiquer le difficile commandement de l’amour qui résume toute la Loi (Ga 5,14).

Et chaque fois que nous progressons dans la voie de la charité, nous découvrons que nous sommes conduits par l’Esprit de Dieu (Ga 5,25) et que le mal peut être vaincu dans nos vies par la force du Saint Esprit qui nous assiste dans notre combat quotidien contre le mal ! N’est-ce pas cela qu’on appelle le salut ? Devenus des « temples du Saint-Esprit » (1Co 3,16), nous pouvons connaître dès maintenant la vraie liberté et la gloire des enfants de Dieu. Ainsi, nous pouvons pratiquer la Loi du Christ qui consiste à nous aimer les uns les autres comme lui-même nous a aimés (Jn 13,34).

La première des « sept » paraboles du troisième discours de Jésus est celle du semeur. Matthieu nous invite à admirer le travail de Dieu qui envoie Jésus comme un semeur pour semer dans nos cœurs sa Parole de liberté et de vie. Jésus, le « missionnaire » du Père, l’envoyé, l’apôtre du Père, vient dans l’humanité pour y semer la vie de Dieu. La pointe de la parabole nous concerne, nous les auditeurs. En effet, comme le dit si bien le passage d’Isaïe, Dieu envoie sa parole pour « abreuver la terre, pour la féconder et lui donner de germer… » La parole de Dieu est vivante, elle est semée pour être active ! « La parole qui sort de ma bouche ne reviendra pas sans résultat, sans avoir accompli sa mission. » Jésus est venu semer le Saint Esprit en nous pour qu’il produise des fruits de libération et de charité espérés par le Père. Cela est possible si « l’homme entend, reçoit et comprend » cette Parole semée, s’il est réceptif à l’Esprit de Dieu, si sa terre est préparée, travaillée.

La parabole de Jésus insiste sur la terre qui reçoit la semence. Sommes-nous de la bonne terre ? Sommes-nous un sol pierreux et résistant à l’entrée de la semence ? Sommes-nous un sol non entretenu, couvert de ronces et de mauvaises herbes qu’il est si difficile d’arracher ? Tous ceux qui font du jardinage connaissent bien tout cela. Sommes-nous un sol sans profondeur où la semence ne peut pas faire entrer ses racines ? L’insistance de la parabole porte sur les efforts que nous faisons pour travailler notre terre afin de la rendre fertile. Ne soyons donc pas paresseux ! Mettons-nous au travail comme tous ceux qui bêchent et arrosent la terre où ils ont plantés des haricots, des petits pois, des poireaux… Souvent le jardinier peine et sue pour que son jardin produise de beaux légumes : il oublie ses efforts et se réjouit quand vient le temps de la récolte !

En ce temps de vacances qui commence, les textes de la Parole de Dieu nous invitent à prendre soin de notre terre. Si nous ne faisons aucun effort pour enlever en nous tout ce qui encombre la terre de notre cœur, la Parole de Dieu que nous entendons et qui est semée en nous ne pourra pas germer et produire du fruit. Quant à l’eau de la grâce du Saint Esprit, elle ne pourra pas s’infiltrer en nous pour féconder notre existence. La vie « spirituelle » est un art qui ressemble à celui du jardiner. Profitons de ce temps de vacances pour regarder les jardiniers : ils connaissent le secret d’une vie qui devient féconde quand elle est accueillante à la semence et à l’eau de Dieu. Jésus connaissait ce secret et c’est pourquoi il nous en parle avec les paraboles toutes simples du semeur, de la semence, de l’ivraie… Hélas, nous avons souvent perdu aujourd’hui l’art de jardiner.

Par cette parabole toute simple, Jésus nous invite clairement à changer nos comportements mauvais qui entravent le travail de la grâce de Dieu dans nos existences et qui empêchent l’action de la pluie de l’Esprit-Saint dans nos cœurs : « Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. » Si chacun de nous travaille son petit lopin de terre, l’Église tout entière deviendra un beau jardin, une terre fertile et réceptrice à la Parole semée par Dieu : comme Marie, qui a accueilli en elle la Parole de Dieu et dont la terre vierge a été fécondée par l’eau vive de l’Esprit-Saint pour porter un « fruit béni », devenons chacun et tous ensemble une terre d’espérance, de charité et de liberté abondamment irriguée par l’eau du Saint-Esprit. Alors, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture, la création (qui englobe toute l’humanité) enviera notre condition filiale et aura « l’espérance de connaître la liberté et la gloire des enfants de Dieu ».

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.

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