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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

Psaume 135 (134), Hymne de louange et de gratitude envers Dieu

Imprimer Par Christian Eeckhout

1. Alleluia ! Louez le nom de Yahvé, louez, serviteurs de Yahvé,
2. officiant dans la maison de Yahvé, dans les parvis de la maison de notre Dieu.
3. Louez Yahvé, car il est bon, Yahvé, jouez pour son nom, car il est doux.
4. C’est Jacob que Yahvé s’est choisi, Israël dont il fit son apanage.
5. Moi je sais qu’il est grand, Yahvé, que notre Seigneur surpasse tous les dieux.
6. Tout ce qui plaît à Yahvé, il le fait, au ciel et sur terre, dans les mers et tous les abîmes.
7. Faisant monter les nuages du bout de la terre, il produit avec les éclairs la pluie, il tire le vent de ses trésors.
8. Il frappa les premiers-nés d’Égypte depuis l’homme jusqu’au bétail;
9. il envoya signes et prodiges au milieu de toi, Égypte, sur Pharaon et tous ses serviteurs.
10. Il frappa des païens en grand nombre, fit périr des rois valeureux,
11. Sihôn, roi des Amorites, et Og, roi du Bashân, et tous les royaumes de Canaan;
12. et il donna leur terre en héritage, en héritage à Israël son peuple.
13. Yahvé, ton nom à jamais ! Yahvé, ton souvenir d’âge en âge !
14. Car Yahvé prononce pour son peuple, il s’émeut pour ses serviteurs.
15. Les idoles des païens, or et argent, une œuvre de main d’homme !
16. elles ont une bouche et ne parlent pas, elles ont des yeux et ne voient pas.
17. Elles ont des oreilles et n’entendent pas, pas le moindre souffle en leur bouche.
18. Comme elles seront ceux qui les firent, quiconque met en elles sa foi.
19. Maison d’Israël, bénissez Yahvé, maison d’Aaron, bénissez Yahvé,
20. maison de Lévi, bénissez Yahvé, ceux qui craignent Yahvé, bénissez Yahvé.
21. Béni soit Yahvé depuis Sion, lui qui habite Jérusalem!
[La Bible de Jérusalem © Les Éditions du Cerf, Paris 1997]

Pour qui voudrait chanter son admiration, son émerveillement au créateur et rédempteur de l’humanité, de manière désintéressée, ce poème est excellent. Parce que Dieu est grand et ses œuvres merveilleuses, il est bien d’aller jusqu’à louer et bénir Dieu sans nous lasser !

Présentation :

Le genre littéraire de ce psaume est hymnique, avec l’élément invitatoire au début et à la fin du poème (v.1-3 & 19-21). Entre deux il y a les motifs de louange (v. 4-9 & 10-18) où la mention hébraïque de la terre « ’eres » (v. 6b, 7a & 12a) et de l’humain « ’adām » (8b &15b) se répondent.
La structure est celle d’un diptyque avec une composition stylistique très cohérente.
En regardant de plus près ce Psaume à l’honneur de Dieu, nous voyons que l’invitatoire fait inclusion (v. 1-3 &19-21) et qu’il comporte quatre impératifs à chaque fois : « louez, jouez » au début et « bénissez » en finale.
Il s’adresse à tout le peuple d’Israël dans une intention de liturgie communautaire qui appelle à commencer la prière par la louange d’admiration de Dieu « Yahvé » qui est le Seigneur d’Israël et à l’achever par la bénédiction qui va s’élargissant jusqu’à l’universel des croyants: « ceux qui craignent Yahvé », ce qui désigne les fidèles ou les pieux et par la suite les prosélytes. On commence par la mention de la maison de Dieu « bêt ’ĕlohim » (v. 2a) et on aboutit à « Sion » à Dieu « qui habite Jérusalem », ce qui est une indication topographique qui précise où se trouvent les parvis de la maison de notre Dieu (v. 2b).
Le principal motif de cette louange est la révélation de Dieu dans l’histoire : Il est celui qui sauve. Le salut à travers l’histoire de Jacob-Israël (v. 4) d’abord choisi par élection, puis comblé d’une terre en héritage (v. 12) après la triple manifestation de la grandeur de Dieu : Sa grandeur par rapport aux autres divinités (v. 5) ; par rapport aux éléments naturels (v. 6-7) les artisans du cosmos ; et par rapport à la domination des rois d’Égypte (v. 8-9) et des rois de Canaan (v. 10-11). Ici aussi revient par quatre fois la racine « mlk » désignant la royauté.
Il s’agit en fait d’une intervention victorieuse de Yahvé contre les chefs des habitants des régions du bas Négeb (au sud de Be’er Sheba), de haute Galilée et de Jordanie actuelle.
Une originalité est marquée par le fait du changement narratif qui passe de la 3e personne à la 2e en style direct dans l’expression équivalent à la permanence « Ton nom pour toujours et ton souvenir de génération en génération » (v. 13) qui correspond au v. 1 à « le nom de Yahvé » empli de « bonté » et de « douceur » (v. 3).
Oui le Nom de Dieu « šēm », absolument transcendant, est à célébrer à travers tous les âges (v. 13) car Dieu vibre pour son peuple : Il est capable de compassion (v. 14). Dieu s’émeut. Ce qui n’est pas du tout le cas de ce que l’homme a fabriqué de ses mains : des faux dieux inertes pour les païens (v. 15-17).
Le v. 18 fait inclusion avec le v. 15 quant à la fabrication et insiste sur la foi. Les adorateurs des idoles méritent de devenir sourds et aveugles à leur image. Le Nouveau Testament parlera de ce qu’il ne restera pas « pierre sur pierre » (cf. Mt 24,2). Un appel à la vigilance.
Le Psaume 135 est très proche de deux autres prières du Psalmiste, notamment les Ps 115,3-11 et 136,17-22 : les mêmes thèmes y sont annoncés et repris. Ce qui nous permet de relever ici leur importance dans l’hymnologie israélite pour la compréhension de l’identité du peuple de Dieu, ses « serviteurs » (v. 1) et « son peuple » (v. 12). Le Ps 115,4-6.8.11 disait déjà le néant des idoles que l’on retrouve au v. 15 et qui fait contraste à l’ensemble des manifestations théophaniques de Dieu « au ciel, sur terre, dans les mers et tous les abîmes » en faveur de son peuple (v. 6), car Dieu est le « Maître de la terre » (v. 5), le Créateur de l’univers (cf. Ps 114,7).

Relecture pour aujourd’hui :

En partant de l’Ancien Testament, nous lisons dans ce poème la contemplation de Dieu comme Celui qui fait toutes choses : dans un plan de sagesse, Il dispose tout comme Il lui plaît. Commençant à partir du domaine cosmique en tant que Créateur, Il vient au domaine ecclésial en tant que sauveur et Rédempteur. La création et le salut sont bien les deux pôles théologiques habituels des hymnes du Psautier.
Il est beau de remarquer l’analogie entre la création de l’univers et l’éclosion du peuple d’Israël, toutes deux résultant de l’action de Dieu. C’est Yahvé qui a agi jusqu’au salut !
Le psalmiste veut sublimer les mythes anciens en s’attachant à l’histoire de son peuple, à la naissance d’Israël et il s’investit dans la célébration de celui qui est l’origine de tout, comme artiste ou comme père de l’univers et de son peuple Israël.
L’origine de ce poème pourrait donc bien être la volonté de célébrer le passage d’Égypte et l’installation du peuple en Canaan, dans un cérémonial cultuel de l’époque d’Ézéchias ou de Josias (au VIIe s. avant Jésus-Christ) qui énumère les bienfaits dont Dieu a comblé son peuple et invite à la constante reconnaissance.
De plus, nous lisons aussi que tout essai de rivaliser avec l’action de Dieu ne produira que des œuvres incapables de vivre par elles-mêmes puisqu’elles seront muettes, aveugles, sourde ou inertes, bref sans nez ni souffle c’est-à-dire dépourvues d’esprit. Soyons donc des pierres vivantes qui adorons « en esprit et en vérité, parce que Dieu est esprit » (Jn 4,24).
L’ensemble des motifs de louange est ainsi réparti en deux développements polémiques. D’une part, Yahvé est sauveur d’Israël, faisant céder les égyptiens « mişerāyim » (v. 8) comme les païens « gôyim » (v. 10). D’autre part Yahvé est créateur et il n’y a aucun succès pour les « idoles des païens » (v. 15).

Approche chrétienne :

Ce poème est rempli de réminiscences d’autres poèmes et du récit des merveilles de Dieu dans l’histoire. Il est dans l’esprit du « Magnificat » de la vierge Marie lors de sa visitation à Élisabeth, sa cousine. Ce poème qui décrit les bienfaits de Dieu en plus de Son pouvoir d’être par Lui-même et de Son immense bonté nous prépare également à reprendre les louanges de Jésus lui-même quand il voit les oiseaux du ciel et les lis des champs (cf. Mt 6,26-30) aussi bien que la foi de la Cananéenne (cf. Mt 15,28).
Le récit des bienfaits de Dieu sont des signes qui figurent les biens spirituels, comme l’a bien précisé Blaise Pascal dans ses Pensées. Il revient par conséquent au peuple chrétien sauvé par le Christ Jésus et d’autant plus au clergé offrant le sacrifice de louange, de redire sa gratitude en permanence, comme on le fait à la prière œcuménique de Taizé : « Tout vient de Toi et notre seule offrande est de rappeler Tes merveilles et Tes dons ». (cf. Max Thurian, Marie, mère du Seigneur, figure de l’Église, Presses de Taizé, 1970, p.153).

Dans la liturgie de l’Église catholique :

Le Psaume 134 (135) est repris en entier aux prières de l’office du matin du lundi de la 4e semaine et aux prières du soir du vendredi de la 3e semaine, dans sa première partie (v. 1-12). La liturgie eucharistique du samedi de la 13e semaine du temps ordinaire propose les 6 premiers versets.

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