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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

12e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Daniel Cadrin

Disciples de Jésus

Un jour, Jésus priait à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Pour la foule, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. »
Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prit la parole et répondit : « Le Messie de Dieu. »
Et Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne, en expliquant : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. »

COMMENTAIRE

Devenir chrétien, aujourd’hui comme hier, par-delà les débats et les défis qui affectent les Églises et mouvements se rattachant à la tradition chrétienne, c’est d’abord devenir disciple de Jésus. Un disciple marche à la suite d’un Maître, fait siennes ses options et essaie de vivre, avec d’autres, dans un mode de vie qui s’en inspire.

Dans ce récit de Luc, nous trouvons plusieurs éléments qui tracent le portrait du disciple. Devenir disciple, c’est un choix personnel, qui amène à se distancier de la foule. Plusieurs façons de voir Jésus circulent dans nos milieux. La culture actuelle, avec le rôle des médias, accentue cette pluralité des regards mais tout en construisant des consensus, des visions partagées et dominantes, auxquelles se conformer. Être disciple, c’est rompre avec ce conformisme, ne pas s’en tenir aux idées qui circulent et oser prendre une position. C’est ce que fait Pierre au nom des disciples en proclamant que Jésus n’est pas seulement un autre prophète, comme cela se dit dans la foule, mais qu’il est le Christ, le Messie de Dieu.

Mais là encore, cela ne suffit pas. Le disciple est invité à approfondir l’identité de Celui qu’il suit. Et la messianité de Jésus ne se conforme pas au modèle courant. Elle est différente et déroutante. Elle se révèle dans le mystère pascal, chemin de don et de service et non de puissance et de gloire. Suivre ce Messie, c’est alors s’engager dans des façons de penser et de vivre qui peuvent aller à contre-courant de celles de notre société. Le souci des plus pauvres, le pardon, la générosité, le refus de la force et de ses combines font partie de la marche à la suite de ce drôle de Messie.

Dans les consignes qui suivent la profession de foi de Pierre et les explications de Jésus, des traits bien particuliers du disciple sont soulignés. Ils s’inscrivent directement à la suite des choix et de l’identité de Jésus le Messie. Renoncer à soi-même, prendre sa croix, perdre sa vie : ces appels sont plutôt dérangeants. On peut même se demander si cela a du sens de vivre ainsi. N’est-ce pas le contraire de notre élan naturel, de notre goût d’une vie heureuse?

Il importe d’abord d’en éviter les interprétations doloristes et étroitement moralisatrices, qui ont souvent circulé. Dans la ligne de la vie de Jésus, dont ces consignes s’inspirent, l’enjeu premier est celui du risque et du décentrement de soi. Au premier siècle, la croix n’est pas un objet de piété, un bijou décoratif ou un signe de petits sacrifices à faire pour faire plaisir à une divinité bizarre. Elle évoque le rejet social et le risque de mourir. Elle indique aux disciples que ce choix peut leur faire perdre leur bonne réputation et les conduire à donner leur vie pour l’Évangile. Cela se voit encore aujourd’hui par tous les martyrs modernes qui ont osé s’engager pour la paix, la justice, l’amour, et qui en ont payé le prix, comme Jésus.

Cet engagement risqué se vit au quotidien, comme l’expression chaque jour l’indique, la même qu’on retrouve dans le Notre Père en Luc, pour la demande du pain. Le renoncement à soi est conséquent de ce risque. Dans notre culture où l’obsession de soi prend beaucoup de place ainsi que le souci de sécurité, cette consigne surprend. Elle invite à voir l’existence autrement. Qu’est-ce qui compte dans une vie? Vous trouverez plus de bonheur en vous donnant qu’en vous conservant, nous dit Jésus. Une vie centrée strictement sur soi-même mène à la perte du goût de vivre et de la joie qui l’accompagne. Une ouverture à plus grand que soi, un service attentif aux besoins des autres, avec ses imprévus et son insécurité, brisent les murs et frontières, qui nous enferment dans la banalité ou l’insignifiance, et sont sources d’une vie en abondance.

Un autre trait du disciple de Jésus est présenté dès le début. Luc nous montre Jésus en prière, ce qu’il fait plus que les autres évangélistes. À chaque moment important de sa vie, Jésus se retire pour prier, du choix des disciples à l’agonie au jardin. La prière rythme la vie de Jésus, lui qui est pourtant présenté en Luc comme un homme d’actions et de relations, très engagé auprès des gens. C’est dans cette prière que Jésus trouve le souffle qui maintient vivace son amour et son don. Il serait surprenant que nous, les disciples, puissions faire autrement.

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