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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

2e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Daniel Cadrin

Que la fête commence

Il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples.
Or, on manqua de vin ; la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira. »
Or, il y avait là six cuves de pierre pour les ablutions rituelles des Juifs ; chacune contenait environ cent litres. Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau les cuves. » Et ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. Le maître du repas goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas interpelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier, et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »
Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

COMMENTAIRE

Il y a ce texte à écrire ou ce contact à faire. Vient un moment où il faut bien commencer. Je peux toujours remettre à demain cette réponse à un message, cette réconciliation qui me tient à cœur, ou cette fête à organiser. Je ne suis pas prêt. Mais le serais-je jamais? Et puis, toutes ces autres choses importantes, ou plutôt urgentes, me sollicitent, me distraient, me permettent de retarder l’heure où il me faudra bien commencer. Heureusement, d’autres autour de moi peuvent me pousser un peu, me rappeler que le meilleur moment pour commencer, c’est maintenant.

Le récit de Jean nous parle du commencement des signes de Jésus, ces actions qui annoncent une réalité à venir attirante, dérangeante, transformante. Après ce premier signe, les disciples sont touchés, un changement advient en eux : ses disciples crurent en Jésus. Dans son geste, ils entrevoient, encore obscurément, une lumière qui vient du plus profond du mystère de Dieu, de sa gloire. Ils s’interrogeaient déjà sur cet homme, ils voulaient le suivre, mais avec ce premier signe, ils sont mis en marche.

Mais ce signe, Jésus ne l’accomplit pas avec empressement, de lui-même. Quelqu’un d’autre initie le mouvement qui le conduira jusqu’au dernier signe, celui de la croix glorieuse. Marie est là à cette noce. Elle regarde et voit. Elle constate un manque et elle le dit à Jésus, comme un appel. Celui-ci prend vite ses distances, cela ne le concerne pas, du moins pas encore. Mais Marie ne se contente pas de ces remises à plus tard. L’heure de la nouveauté, c’est maintenant. Les gens sont en besoin. Elle ose faire confiance : quelque chose peut advenir de nouveau, la réalité n’est pas figée à jamais dans le manque.

Par delà ces hésitations de Jésus et cette initiative de Marie, ce qui est plus étonnant et significatif dans ce premier signe, qui annonce les autres à venir, c’est son côté réjouissant : il s’agit d’un manque de vin, ce vin qui réjouit le cœur de l’humain. Et le contexte est celui d’une noce. Il faut que la fête soit une vraie fête : c’est de cela qu’il s’agit dans nos vies. Jésus vient pour donner une vie en abondance, non pour accentuer notre goût de la mort ou nous annoncer que la vie humaine ne mène nulle part, qu’elle est sans intérêt, sans joie.

Ce vin de Cana n’est pas une pure création. Il est le fruit d’une réalité existante, transformée : l’eau des jarres de purification, cette eau dont parlent les Écritures, source de vie et de renaissance. Cette eau qui est un don porté par une tradition longue, celle de l’Alliance, peut devenir signe d’une alliance nouvelle, renouvelée. En Jésus, en son premier signe, s’annonce ce renouveau de l’alliance, qui déborde la continuité prévisible et donne un goût nouveau à la vie. Mais ce renouveau s’inscrit dans une histoire et ses symboles. La noce, la fête, le vin : voici que le salut promis par le Dieu vivant se fait proche. Voici que le Messie s’approche de plus en plus près pour renouveler l’alliance avec son peuple. Voici que les derniers temps commencent, qui seront une fête qui ne finit plus, inauguré par le l’Oint, le Messie, qui ouvre la fête. Juste avant, Jean le Baptiste l’a annoncé et André, Philippe, Nathanaël se sont interrogés à son sujet. Et juste après le signe de Cana, il est question du signe ultime, qui sera donné à la Passion, celui du temple nouveau, du corps détruit et relevé des morts.

Ce commencement annonce la fin, dans les deux sens. La visée du ministère de Jésus est exprimée par ce don d’un vin nouveau et bon; et en même temps, c’est le temps lui-même qui arrive à sa fin, dans l’heure à venir, celle de la croix et de la gloire. Mais même Jésus ne peut attendre indéfiniment le bon moment, en esquivant la nécessité de commencer. Marie lui donne l’heure juste, qui est aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’il nous faudrait commencer maintenant, sans plus attendre, et qui serait signe de vie nouvelle, qui ferait entrer dans une fête, qui se partagerait avec d’autres et nous rapprocherait les uns des autres? Que nous faut-il oser commencer, sans encore le remettre à plus tard, et qui touche un besoin, un manque, un appel? Et qui s’inscrit dans une histoire, la mienne, la nôtre, mais vient la transformer, lui donner un nouvel élan,? Et si Cana était ici, maintenant, à cette heure, celle des commencements.

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