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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

22e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Daniel Cadrin

Heureux les cœurs purs

Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de cruches et de plats. –
Alors les pharisiens et les scribes demandent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas sans s’être lavé les mains. » Jésus leur répond : « Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l’Écriture : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Il appela de nouveau la foule et lui dit : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
Car c’est du dedans, du coeur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »

COMMENTAIRE

Après cinq semaines avec Jean, nous revenons à Marc. L’évangile de ce jour est un collage de trois morceaux du chapitre sept, portant sur la question du pur et de l’impur, catégories religieuses fondamentales à l’époque et ayant d’abord une dimension cultuelle et non morale.

Jésus est en discussion avec des Pharisiens et scribes, qui attachaient beaucoup d’importance à cette dimension. Ils insistaient sur le respect de rites et pratiques assurant une vie conforme à l’alliance avec Dieu : lavage des mains, des plats, …. (Il est intéressant de noter que Marc explique ces coutumes : il écrit pour des lecteurs non-juifs, des chrétiens d’origine païenne; cela montre bien le caractère catéchétique des Évangiles.) Jésus utilise ces catégories de pur et d’impur mais en déplace les enjeux et transforme la signification. Il recentre sur l’essentiel de l’alliance, qui fait appel à un engagement personnel, à la fois intérieur et extérieur.

Aujourd’hui, nous fonctionnons facilement comme ces interlocuteurs de Jésus, tant dans notre vie sociale que religieuse. Nous cherchons des critères clairs et précis qui nous permettraient d’identifier avec certitude les bons citoyens et les vrais chrétiens. Ah ! S’il était possible d’établir une liste de comportements, d’observances, d’idées justes qui garantissent notre salut ! Nous saurions alors ce qu’il faut penser et faire, ce qui est permis et interdit, pour plaire aux humains et à Dieu. Et du coup, nous pourrions classifier les gens plus aisément : les bons et les méchants, les purs et les impurs, les corrects et les déviants, comme dans les westerns, les médias et la politique.

En fait, nous établissons ces listes de règles pour identifier la pureté, la rectitude. Conformités anciennes : la messe le dimanche, faire ses pâques, le mariage à l’Église, le clergé dans le choeur et le monde derrière la balustrade, les rubriques plus longues que les prières, … Ou conformités diverses : nouvelles rubriques liturgiques, le corps en santé (diète, aliments naturels), agendas remplis, techniques nécessaires pour accéder au soi ultime, ligne politique juste, allure dynamique, épanouie et détendue, …

Mais nos aspirations de fichiers sont déçues avec ce texte de Marc ! Nos observances variées, nos normes facilement utilisables, ne servent pas de critères premiers au Dieu de Jésus pour ses évaluations. Ses catégories semblent bien globales à nos yeux de comptables. Elles ne parlent que du cœur ! Ce lieu intime où naissent nos pensées et actions, où se prennent nos décisions. Jésus, en prophète, rappelle que le culte qui plaît à Dieu, c’est celui où les lèvres parlent du coeur, où les rites extérieurs ne garantissent pas la pureté.

Nous avons besoin de nos rituels et lois : ils expriment nos valeurs et convictions, les rendent visibles, concrètes ; ils nous donnent une identité. Mais la pureté ne s’y enferme pas, ni Dieu. Ces « traditions » deviennent facilement pour nous des idoles, et ainsi se forment des barrières et des obstacles qui nous séparent et nous éloignent les uns des autres, murs épais qui nous éloignent de Dieu. Elles en viennent à s’opposer à leur propre but. Et alors, place aux exclusions et aux intransigeances. Les non-conformes, de part et d’autre, peuvent être repérés, catalogués et isolés pour éviter le contact avec eux : ces étrangers qui ne mangent pas assis autour d’une table, ces corps handicapés, obèses, qui ne répondent pas aux normes du corps fonctionnel, ces couples incertains aux noms différents, ces assistés qui osent avoir Internet, ces jeunes qui s’intéressent à la religion…

Les coutumes et rites divers sont des expressions nécessaires de nos identités. Mais aux yeux de Dieu, notre identité profonde, c’est notre cœur humain : là où nous sommes frères et soeurs, dans les beaux projets comme dans les desseins mauvais, dans nos constructions et dans nos illusions. Ce cœur aussi où chacun est unique au regard d’un Dieu qui a brûlé depuis longtemps les dénonciations qu’on lui envoie et qui n’a pas d’ordinateur pour décider à sa place. Ce Dieu de Jésus sonde les coeurs et les reins et ne nous juge pas à nos simagrées. II donne un cœur nouveau, fait de chair, une Loi nouvelle inscrite en nos coeurs mêmes. Un Dieu qui s’amuse peut-être de nos catégories, car il-elle a sûrement plus d’humour que nous.

Que faire alors ? Vivre ce difficile mais libérant passage de la peur à la confiance, du mérite au don, de la loi à l’appel, de la sécurité à l’humilité. Humilité comme dans humour. L’humour qui brise les idoles, les faux dieux enrobés de sérieux. Qui est pur ? Qui est impur ? Le critère n’est sûrement pas d’être en accord avec cette chronique …

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