Les Québécois forment actuellement plus de 7,6 millions d’habitants. La population canadienne, pour sa part, s’élève à 32,5 millions. Dans l’ensemble du pays, les Québécois forment 23,4% de la population canadienne.
Le slogan «On est 6 millions, faut s’parler!» nous trotte dans la tête depuis plusieurs années. Aussi les chiffres de l’Institut de la statistique peuvent nous donner l’impression que nous avons fait un bond formidable. Eh bien, non! Nous n’augmentons que très lentement.
Le vingtième siècle a connu des chutes remarquables. D’abord, les décès: on n’espérait pas atteindre la cinquantaine au début du siècle. Aujourd’hui, nous parvenons à dépasser 75 ans chez les hommes et 81 ans chez les femmes. Nous comptons de plus en plus de centenaires. Par ailleurs, la natalité a diminué dramatiquement. Enfin, depuis quelques années, le mariage a perdu la faveur des amoureux.
Au cours des années, le nombre des suicides parmi les Québécois augmentent considérablement. Nous nous situons parmi les premiers à l’échelle mondiale. Au cours des vingt dernières années, deux fois plus de jeunes se sont donnés la mort. Ce sont surtout les garçons qui se suicident. Plus précisément cinq garçons pour une fille.
On est 7,6 millions, il faut s’parler plus que jamais. La situation est tragique. Nous ne pouvons pas nous contenter de faire des constatations et de lever les épaules en disant que nous n’y pouvons rien. C’est nous qui sommes en cause. C’est à nous qu’il revient de remédier à la situation. Il nous faut analyser ce qui se passe, découvrir les facteurs qui nous ont conduits là. Mais surtout, il faut chercher des moyens de changer les choses.
Ce n’est pas seulement une question de nombre. Il ne s’agit pas seulement d’assurer la survie de la race ou de la culture. Nous sommes obsédés par l’avenir du français. Nous nous débattons comme si c’était le problème majeur. Mais l’enjeu est plus sérieux. C’est la vie qui est cause ici. La vie tout court!
Les statistiques nous font dire le drame profond qui nous assaille: la vie n’est pas vivable. Vivre et faire vivre ne nous intéressent pas. Ou si peu. Nous donnons beaucoup d’importance à l’individu. Nous faisons attention à notre moi personnel. Mais cet individualisme nous a repliés sur nous-mêmes sans vraiment donner sens à notre vie. Notre vie aura de la signification pour nous dans la mesure où elle restera ouverte aux autres. Notre bonheur se trouve du côté du partage et de la solidarité. Du goût de faire vivre.
Nous avons abandonné des valeurs sans vraiment jauger la portée de cet abandon. Nous avons choisi de vivre à court terme, même dans les grandes orientations de notre vie. Nous nous accommodons d’une culture de fast food, même dans ce qui donne sens à notre existence. Nous avons un sérieux examen de conscience à faire.
Le tableau que je viens de tracer est noir. La lecture que j’en fais n’est pas très réjouissante. Mais l’avenir n’est pas bloqué pour autant. Le tempérament des Québécois s’est façonné à même les coups durs. Nous avons su faire face à bien des situations dramatiques dans le passé. Nous pouvons encore nous ressaisir. Ayons confiance en nous-mêmes. Nous avons intérieurement les ressources pour dépasser notre mal de vivre.
Nous traversons une crise économique majeure. Ces jours-ci, la ministre des finances présentera son budget. C’est important. Il y a sans doute des enjeux de taille dans les propositions de la ministre. Mais la vie, c’est plus que les finances. À notre mal de vivre, il n’y a pas d’abord des solutions économiques, ne l’oublions pas. On est 7,6 millions, il faut s’parler!