Il fait si bon de dormir parfois. Fermer les yeux. Ne plus penser. Ne plus bouger. Ne plus regarder, ni même entendre. Nous éveiller, ça peut tout déranger de notre paix et de nos plans. N’avons-nous pas nos habitudes, nos rengaines, nos convictions, nos refrains, nos chansons? Cela ne nous suffit-il pas? La nouveauté qu’apporte l’éveil est inquiétante, elle nous déstabiliserait ! À quoi bon veiller?
Pourtant, Jésus répète sans cesse cette consigne à ses disciples : « Veillez ! » Il y tient beaucoup. Il leur dit qu’ils doivent prendre garde et craindre d’être trouvés endormis. Nos pratiques font souvent le contraire. Nous nous laissons distraire. Nous haïssons les questions. Pourquoi vouloir changer les choses? Pourquoi les visions d’avenir, l’attente d’autre chose et d’un ailleurs?
Dans l’Église cela a souvent été ainsi, comme si on disait : « Endormez-vous ! Ne bougez pas ! Restez tranquilles ! Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Nous possédons toute la vérité. Notre doctrine est claire et intouchable. » En fait, c’était la bonne façon de faire taire les prophètes, de mettre de côté une fonction « critique » essentielle pour l’évolution du Peuple de Dieu et la vérité de l’Alliance.
On a pensé que le Christ avait déjà tout dit et qu’il avait déjà tout fait. Qu’il y a deux milles ans, il nous avait tout donné. Qu’il fallait seulement retourner puiser en arrière, à la source. Ce n’est pas totalement vrai et suffisant. Le Christ est venu, il vient et il viendra. Pensons à ces deux milles ans où nous avons aussi puisé des éléments et nouveautés utiles dans le présent des siècles. Notre tradition s’est alors enrichie, elle s’est dépouillée aussi. Elle a fait son chemin. Elle a perdu, mais elle a aussi gagné beaucoup.
Maintenant il faut découvrir le neuf d’aujourd’hui, accueillir une présence qui déjà nous précède. Vivre intensément le présent de la rencontre, de la fraternité, de la paix de Dieu. Le propre de l’être humain, c’est d’être debout et de veiller. Rappelons-nous la pensée grecque, les sagesses africaines et amérindiennes, celles de Chine, du Japon et de l’Inde. Il s’est trouvé toujours et partout des humains qui se sont levés, se sont tenus debout, éveillés dans la nuit. Le Ressuscité ne nous donne-t-il pas l’ultime raison de nous tenir en première ligne. Il fait de nous les témoins émerveillés d’un monde nouveau, les hérauts du Royaume qui vient.