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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

24e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Identité chrétienne

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. » Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne. Et, pour 1a première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera.

Commentaire :
La confession de Pierre tient une place centrale dans l’évangile de Marc. Jusque là (1,14–26) Jésus était apparu comme un homme extraordinaire. Il enseigne avec autorité, davantage par ses miracles que par ses paroles. Venu établir le règne de Dieu « tout proche » de justice, de paix, d’amour et de vérité, chacun de ses nombreux miracles repousse l’emprise de Satan sur ce royaume. C’est ainsi qu’il faut saisir toute la portée de l’expression : il enseignait avec autorité. Jésus pose question : « Qui suis-je », qui est-il celui qui fait toutes ces choses ? (4,41 ; 1,27 ; 2,7 ; 6,2). Jusque là, Jésus a gardé le silence sur sa véritable identité. Tel est le fameux secret messianique chez saint Marc. À Césarée-de-Philippe, Pierre confesse qui il est : le Messie. À partir de ce moment, tout change. Nous ne sommes plus en Galilée, Jérusalem deviendra le centre du suivi. (10,1,52) Et l’enseignement de Jésus, les trois annonces de la passion montre à quel point Jésus s’ouvre désormais à ses disciples et découvre progressivement le secret dont jusque là il voulait entourer sa personne.
On l’aura certes remarqué, cette fois, la question concernant l’identité de Jésus ne vient pas des gens mais de Jésus lui-même. « Qui suis-je au dire des hommes ? » Comparé à Jean-Baptiste mis à mort par Hérode, à Élie attendu comme annonciateur des derniers temps et à quelques anciens prophètes, Jésus ne figure pas comme un simple mortel dans l’esprit du monde. Mais s’il pose la question à ses disciples, c’est qu’il lui semble évident que ces derniers ne partagent pas l’avis de la foule. La réponse de Pierre en constitue la preuve. La foule pourrait se comparer à l’aveugle de Bethsaïde : ce dernier ne voit qu’à moitié, vraie figure de ces gens qui ne soupçonnent que vaguement ce que peut être Jésus. C’est suite aux nombreux miracles de Jésus que les disciples, comme l’aveugle qui recouvre la vue grâce à Jésus, que les disciples perce le secret de la véritable identité de leur Maître.
La défense de Jésus aux disciples, « n’en soufflez mot à personne », ne signifie en rien une mauvaise note pour Pierre et les siens. Il met en garde contre le perpétuel danger de le confondre avec un thaumaturge alors qu.’il vient établir le règne de Dieu sur terre, et tous ses miracles en sont le signe. Mais les gens sont incapables d’en saisir la portée, le sens. « Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas ». C’est pourquoi Jésus interdit à ses disciples quelque révélation que ce soit.
Un autre motif de ce secret réside dans la nécessité de la Passion. Si les gens savaient, ils ne l’auraient sûrement pas crucifié. C’est ainsi que sera manifesté sa gloire. Le Messie ne sera pas seulement un Roi puissant, mais l’humble « serviteur souffrant ». Les disciples ne tarderont point à faire opposition. (32b) Pierre le prend à l’écart pour le mettre sous sa protection. Ce n’est pas la Maître qui doit suivre le disciple, mais le disciple qui doit suivre le maître. La Passion de Jésus est de volonté divine, pourquoi s’y opposer.
On comprend dès lors la raison d’être de ce qui suit : les conditions requises pour suivre Jésus. Marc s’adresse à des chrétiens menacés par les persécutions. Certains vont jusqu’à nier que Jésus est le Christ. Alors l’évangéliste donne un vigoureux coup de barre et réagit clairement. Impossible au chrétien de fuir la souffrance, la persécution sans renier son identité de chrétien.
Cette page d évangile vaut certes encore pour notre temps, même si la mort à cause de Jésus ne semble pas nous guetter. Il est vrai qu’ailleurs dans le monde les confesseurs de la foi tombent par centaines. L’existence chrétienne ne peut être qu’une participation à tout le mystère du Christ rédempteur et sauveur de l’humanité. Sauver sa vie, c’est la perdre, mais la perdre pour le Christ et avec le Christ c’est la sauver.
Tel est dans la lumière du Christ le secret de la véritable identité chrétienne.

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