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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

27e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Chant de la vigne

« Écoutez une autre parabole. Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta ne vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage. Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘Ils respecteront mon fils.’ Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ‘Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage !’ Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? » On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu. » Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’oeuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit.

Commentaire :

Comment ne pas remémorer ici le « Chant de la vigne » du prophète : « J’en espérais du raisin. Pourquoi seulement du verjus ? Eh bien ! Je vais vous apprendre ce que je vais faire de ma vigne : en ôter la haie pour qu’on la broute, en abattre le mur pour qu’on la piétine.» (Is.5,4-5) Quelle interpellation pour chacun de nous, comme cela fut pour les infidèles d’Israël ! Le prophète Jérémie avait dénoncé la dureté de cœur et l’obstination du peuple : « Sans se lasser, chaque jour, Yahvé avait envoyé les prophètes. Mais ils n’ont pas écouté. » (7,24-26) Un même sort sera réservé au Fils de Dieu. Mais l’important pour l’évangéliste qui expose ici une mise en garde, c’est la promesse qu’un peuple nouveau jaillira et donnera les fruits tant attendus de Dieu.

Cette parabole des vignerons homicides est la deuxième de trois : celle des deux fils proclamé dimanche dernier (21,28-32) et celle du festin nuptial qui suivra dimanche prochain. (22,1-14) On pourrait ainsi résumer l’ensemble : croissance dans la culpabilité, choix du châtiment et exécution.

Le récit de Matthieu raconte l’histoire d’un propriétaire qui a loué sa vigne. Les vignerons se montrent sans merci pour les serviteurs, puis envers le maître. Pour Matthieu et l’Église primitive, l’essentiel du message est de produire du fruit. Il est question du temps puis de la livraison des fruits (21, 34), délais que toute vie chrétienne comporte. La faute des fermiers est de n’avoir livrer aucun fruit. « J’en espérais du raisin, et pourquoi seulement du verjus ? ». Le délit réside dans le refus du Fils de Dieu et de son message.

Tel est bien l’aboutissement de la crise qui débute avec l’entrée triomphale à Jérusalem. Jésus ne désirait rien de plus que d‘une venue pacifique (Za.9, 9 et Mat. 21, 5). Suit l’épisode du Temple d’où il chasse les vendeurs : « Ma maison est appelée maison de prière et vous en faites un repaire de brigands » (21, 12 ; Is. 56. 6) La parabole des vignerons homicides, mise en garde contre tout refus définitif de la personne de Jésus, constituera comme le commentaire prophétique des événements. C’est vraiment une parabole de crise. L’évangile de Thomas, redécouvert en Haute Égypte en 1945, nous permet de mieux comprendre le point de vue de Matthieu : « Un homme important avait un vignoble qu’il avait donné à ses cultivateurs pour qu’ils le travaillent et qu’il en reçoive d’eux le fruit. Il envoya son serviteur pour que les cultivateurs lui donnent le produit du vignoble ; mais ceux-ci s’emparèrent de son serviteur et le frappèrent, il s’en fallut de peu qu’ils ne le tuent. Le serviteur revient et raconta sa déconfiture à son maître. Ce dernier se dit : « Peut-être n’ont-ils pas reconnu mon serviteur. » Il envoya un autre serviteur que les cultivateurs maltraitèrent également. Alors la maître envoya son propre fils : sans doute respecteront-ils mon enfant. Mais quand ils surent que celui-ci était l’héritier du vignoble, les cultivateurs le saisirent et le tuèrent. Que celui qui a des oreilles entende ! »

L.’histoire de Jésus telle que racontée dans cette parabole devait résonner de façon engagée aux oreilles des responsables juifs du temps. Israël est un peuple qui ne se s’appartient pas, il habite la terre Promise comme un hôte, un étranger (Lv. 25,23) Les Israélites ne sont que de simples gérants, non les propriétaires de cette terre. Les Pharisiens et les chefs religieux sont identifiés aux vignerons de la parabole. Ils n’ont pas su préparer au Seigneur un peuple bien disposé, pour la saison des vendanges. Ils sont les « bâtisseurs qui ont rejeté la pierre. Celle-ci deviendra néanmoins pierre d’angle : voilà l’œuvre du Seigneur, admirable à nos yeux ». (118, 22-23)

Le prophète Daniel inspire l’évangéliste quand il écrit : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé et donné à une nation qui produire les fruits ». (Dn.2) Recruté parmi les pauvres, les humbles et les pécheurs, l’Eglise, héritière du Royaume, sera le nouveau vignoble chargé d’espérance, le vrai « Chant de la vigne ».

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