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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

2e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Le signe de Dieu

Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples. Or il n’y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit: « Ils n’ont plus de vin. » Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa mère dit aux servants : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Il y avait là six jarres de pierre destinées aux rites de purification des Juifs ; elles contenaient chacune deux ou trois mesures. Jésus dit aux servants : « Remplissez d’eau ces jarres. » Ils les remplirent jusqu’au bord. « Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. Le maître du repas goûta l’eau changée en vin ; comme il en ignorait la provenance, tandis que les servants la connaissaient puisqu’ils avaient eux-mêmes puisé l’eau, le maître du repas appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert d’abord le bon vin et, quand les gens sont gais, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » Tel est le premier des signes de Jésus. Il l’accomplit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. Après quoi, il descendit à Capharnaüm avec sa mère et les frères, mais ils n’y demeurèrent que quelques jours.

Commentaire :

À Cana ce Galilée, Jésus révèle pour la première fois son pouvoir divin : il n’opère pas un prodige au nom d’un autre, mais en son propre nom. Cana, signe irrésistible avec lequel la puissance divine fait irruption dans le monde pour le transformer ! Le plan de salut commence à se dévoiler et ce salut se réalisera : Dieu vient sauver l’humanité. Le tout s’opère dans le cadre d’une étonnante simplicité : Jésus exerce sa puissance sans attirer l’attention, les époux eux-même ne réalisent point ce qui se passe. Le danger est grand de passer sans les remarquer à côté des merveilles divines, cette opération de salut.

Rien de plus puissant que l’œuvre de la grâce divine dans une âme, mais rien n’est aussi plus discret et ne s’opère de façon plus simple, même les bénéficiaires ne peuvent souvent les apprécier à leur juste valeur. En réalité, c’est l’amour que le Christ tient à manifester à travers ses signes – miracles. Glorifier Dieu, c’est de reconnaître l’amour dont il nous a aimés. Cette façon d’entretenir la joie des noces le prouve à nulle autre pareille. Sollicitude de Dieu à combler les moindres besoins de l’existence humaine. Aucune détresse matérielle humaine ne peut être indifférente à Dieu ; il vient nous tracer la route du ciel, mais à travers la plus petite de nos joies terrestres. « Dieu est amour », telle est la vérité qui se fait jour aux noces de Cana. Une nouvelle ère commence dans l’histoire humaine : après la révélation du Dieu puissant de l’Ancien Testament, c’est la révélation du Dieu amour ; après la crainte des hommes avant le Christ, c’est la joie des chrétiens qui doit devenir signe du Christ : ivresse d’une vie appelée à devenir dans le Christ et avec le Christ festin de noces.

Le miracle de Cana est unique en son genre ; alors que la plupart des miracles concernent la guérison, c’est ici la transformation d’une matière en une autre. Le miracle de Cana est changement de l’eau en vin. Plusieurs motifs peuvent être évoqués pour l’agir du Christ : outre le besoin de faire présager la transformation, le changement du vin en sang du Christ à l’Eucharistie, la discrétion ne peut être passée sous silence. Éviter les merveilleux d’une apparition du vin dans des jarres vides, accomplir le miracle à partir d’une matière préexistante, et l’intention d’inaugurer une transformation du monde matériel sont motifs tout aussi valables. Jésus débute ainsi son ministère en exerçant sa puissance sur ce qu’il y a de moins noble dans la création, la matière inanimée. Jésus se veut sauveur de la matière parce que la matière est solidaire de la chair humaine, l’univers matériel fait partie du salut, et non seulement l’âme et le corps. Qui ne peut évoquer ici la longue tirade de Paul aux Romains : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm. 8 : 19-21).

La collaboration des hommes s’avère essentielle. Les serviteurs ont du à l’invitation de Jésus remplir les jarres jusqu’au bord pour obtenir le maximum de vin. Mais outre cette participation servile, il importe de souligner la foi dont Marie fait preuve. Foi qui n’est pas une improvisation fantaisiste, mais le résultat d’un long travail de la grâce dans l’âme de la Vierge. Trente années d’intimité dans l’ombre de son fils l’ont amenée à croire en sa puissance et en sa mission de salut. Sans doute, le temps n’étant pas encore venu, Marie n’a jamais été témoin d’actes miraculeux de la part de Jésus, mais elle croit quand même à ce pouvoir : « Heureux qui croit sans voir » (Jn. 20 : 29). Foi audacieuse que la réponse de Jésus ne désarme pas : « Quoi qu’il vous dise, faites-le ». Une vérité inspire la conduite de Marie et son audace : la confiance en l’amour du Christ, pour toutes les réalités terrestres de la vie humaine. Elle remet entre les mains de son Fils une situation désespérée ; Jésus viendra bien au secours de ces pauvres gens.

La puissance de la prière. Malgré la distance que Jésus semble vouloir établir entre sa mère et lui-même, « Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi, mon heure n’est pas encore venue ? », Marie aurait pu retirer sa demande suite à la réponse de son fils ; au contraire, dans sa foi, l’obstacle peut et doit être surmonté. Au fond, Jésus ne repousse pas sa prière mais la met à l’épreuve. et la réaction de Marie devient alors plus délicate et même plus obstinée. Le respect de la puissance divine s’allie en elle à une confiance plus opiniâtre. La prière pourrait-elle donc en un sens provoquer une modification des plans divins ? Ce n’est qu’une impression, car l’obstination de notre prière fait partie de ce plan divin telle la prière de la pauvre veuve devant le juge inique. Peut-on aller jusqu’à dire que nous modifions par notre prière le plan divin parce que cette modification suscitée par la prière fait partie du plan divin ? Qui dira jamais la puissance du cri de la création entière lancé vers Dieu ! Tel peut-être en réponse le signe de Dieu fait homme à l’Univers.

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