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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

5e Dimanche du Carême. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Montre de poche

Vivaient à Jérusalem quelques Grecs qui montaient au Temple pour adorer durant la fête. Ils abordèrent Philippe, de Bethsaïde, en Galilée, et lui firent cette requête : « Seigneur, nous voudrions voir Jésus. » Philippe court le dire à André et tous deux vont le dire à Jésus. Jésus leur répondit : « La voici venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Père, glorifie ton nom ! » Une voix vint alors du ciel : « Je l’ai glorifié et le glorifierai à nouveau. » La foule qui se tenait là et avait entendu, disait que c’était un coup de tonnerre ; d’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. » Jésus reprit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, mais pour vous. C’est maintenant le jugement de ce monde, maintenant le prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. » Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir.

Commentaire :

Objet personnel porté dans la poche de la veste, en or avec chaîne en or et couvercle ciselé, souvenir, trésor, une montre de poche constitue le dernier article du patrimoine familial dont nous nous départirions. Après l’heure cosmique rythmée par le soleil, puis l’heure civile sonnée au clocher du village, vint l’heure personnelle rythmée par la montre de poche. Grand-père ne pouvait vivre sans elle, surtout les jours de fête alors qu’il revêtait son habit du dimanche.

Pour Jésus, la montre de poche, c’était son cœur, son ardent désir d’accomplir la volonté de son Père et réaliser sa mission de salut. En cela consistait l’ « Heure », comme il disait souvent : « Mon heure » (Mt. 26 : 45 ; Mc 14 : 35 ; Jn 2 : 4 ; 4 : 23 ; 7 : 30 ; 12 : 23 et 27 ; 13 : 1 ; 17 : 1 ) . Ce dimanche, l’épisode nous rapporte l’agonie de Jésus confronté à son heure : « La voici venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié… Que dirai-je : Père sauve-moi de cette heure, mais c’est pour cette heure que je suis venu. »

HEURE DE JÉSUS

Dans l’évangile de Jean, l’épisode proclamé ce dimanche se situe après l’onction de Béthanie (12 : 1-11), annonce de sa sépulture, et l’entrée de Jésus à Jérusalem (12 : 12-19) qui marque le comble à l’incompréhension des foules dont Jésus a tenté de corriger toutes les espérances messianiques. Aujourd’hui encore, dans la célébration du « Fils de David » et ses Hosannas, cette même foule témoigne de ses attentes purement matérialistes et politiques. Pourtant telle ne sera pas sa glorification ; la passion, la mort et la résurrection de Jésus apporteront réponse à sa prière : « Père, glorifie ton Fils. » Ce n’est qu’au lendemain de Pâque que les disciples saisiront enfin la véritable nature du triomphe du Christ. (16).

L’évangile de ce dimanche constitue le récit de l’agonie de Jésus selon Jean, le Gethsémani du 4e évangile. (12 : 27-30) Devant la démarche des Grecs demandant à le voir, une immense émotion intérieure s’empare de l’âme de Jésus. « L’heure approche, » elle est venue. Fuir cette heure pour laquelle il a vécu tout son existence terrestre lui était impensable. Comme « Fils de l’homme », Jésus a incarné l’existence terrestre avec toute sa profondeur et son caractère dramatique afin de vivre non pour lui-même mais pour les autres. Alors la voix du Père se fit entendre : « Je l’ai glorifié et le glorifierai encore. » C’est une première dans le 4e évangile cette mention de l’intervention du Père. Mais la foule n’y comprit rien ; elle exprime abondamment sa sympathie, son respect, mais aucune compréhension ne peut être décelée chez elle.

L’heure de Jésus : l’heure du grain qui meurt. Loin de Jean le souci d’inviter ici les croyants à une quelconque vie d’ascèse ; ce grain qui doit mourir pour assurer la fécondité n’est autre que Jésus. Par sa mort, il communiquera la vie en abondance à tous les humains. (32) Il serait opportun de joindre à cette parabole celle du grain de sénevé (Mc. 4 : 30-32) appelé à devenir la plus grande de toutes les plantes et capables d’abriter tous les oiseaux du ciel. Le prophète Daniel avait prédit cette glorification du Fils de l’homme. (4 : 7-9) Il reste que pour le Christ le chemin de la reconnaissance et de la gloire passe par la Mort, « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu » affirmera le centurion romain au pied de la croix. Pour nous, il doit en être ainsi si nous voulons vraiment nous identifier comme disciples et assurer une certaine fécondité : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » (Mc. 8 : 34) Relisons le beau texte de Paul, il donnera sens à ces propos : « Je tiens tout pour désavantageux au prix du gain suréminent qu’est la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur… Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort…» (Ph. 3 : 8 + 10)

HEURE DES PAÏENS

L’épisode raconté ici se situe le jour où des païens de la diaspora, étrangers dispersés dans le monde et reconnus comme croyants (Ac. 10 : 2,22,35), des grecs interviennent auprès de Philippe et lui demandent : « Nous voudrions voir Jésus. » Ils désirent en somme parler avec Jésus. Tout ce qu’ils peuvent savoir de Jésus, ils l’ont appris par oui-dire, la prédication des apôtres sans doute, l’évangile qui leur a été prêché. Mais leur foi deviendra réalité avec le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus. L’heure de Jésus deviendra véritablement l’heure de ces païens. Et pour Jésus, l’heure à laquelle ils demandent à le voir devient pour lui l’heure de sa glorification par sa mort et sa résurrection. En somme, la requête des Grecs, l’heure des païens constitue pour Jésus un geste d’accueil incomparable à son entrée à Jérusalem. Mais tout ce qu’une telle reconnaissance va impliquer pour lui ! « La voici venue l’heure… Que dirai-je ? Sauve-moi de cette heure. »

NOTRE HEURE

« Élevé de terre, j’attirai tous les hommes à moi. » (12 : 31-32) À l’heure de l’iconoclaste de la croix, que reste-t-il de notre foi en Jésus mort et ressuscité pour nous. On veut bien parler de la vie que sa Résurrection apporte ; mais sa mort et sa Passion… Tout signe de souffrance, toute réalité crucifiante doivent être aujourd’hui bannis de notre existence, voilà l’hédonisme d’actualité. Sans retomber dans un certain dolorisme, ascèse inhumaine, est-il encore possible en ce dimanche communément appelé « Dimanche de la Passion » de croire en la mort de Jésus autant qu’en sa résurrection. Se peut-il que la croix et ce qu’elle signifie attirent encore les supposés croyants que nous sommes. Tous les sacrements puisent sens et grâce dans la mort et la résurrection de Jésus. S’ils mettent notre existence humaine à l’heure de Jésus, tout païens que nous soyons ou presque, sachons ne pas vendre à l’enchère cette « montre de poche », l’Heure de Jésus qui seule peut donner sens et valeur à notre existence humaine.

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