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Quelle sécurité ?

Imprimer Par Paul-André Giguère

Le film Bowling for Columbine (www.bowlingforcolumbine.com) montre d’une manière saisissante comment on entretient savamment auprès de larges couches de la société aux États-Unis un profond sentiment d’insécurité, qui génère à son tour de la violence. En réalité, c’est partout dans le monde aujourd’hui que les mesures de sécurité ont été renforcées dans les lieux publics, particulièrement dans les gares et les aéroports ou les usines de traitement des eaux.

Par ailleurs, comment ne pas voir quels géants les compagnies d’assurances sont devenues ? Le souci de se protéger de la perte de ses biens, mais également de protéger sa santé, sa réputation ou ses actes professionnels est partagé par un nombre saisissant de personnes et d’entreprises. On n’a plus le choix, il faut s’assurer contre le risque. C’est-à-dire contre ce qui pourrait arriver. La contrepartie, c’est que notre environnement apparaît plus menaçant qu’avant : l’eau du robinet, l’étranger qui offre ses services, le patient que l’on traite, le nouveau client qui demande à ouvrir un compte, la rivière au bord de laquelle on a sa maison et qui menace de déborder.

L’être humain a toujours fait face à la précarité et s’est toujours trouvé confronté à la fragilité de sa vie. Mais notre époque voit une exacerbation exponentielle de cette conscience, pour le plus grand bonheur et intérêt des compagnies d’assurances, des agences de sécurité et des vendeurs de systèmes d’alarme.

La recherche spirituelle n’a jamais échappé au désir de trouver réconfort et protection auprès d’une force supérieure et toute puissante. Dans un passé encore récent, lorsque les menaces de guerre ou d’épidémie devenaient imminentes, ou quand des catastrophes naturelles comme des tremblements de terre, des épidémies ou des sécheresses ruinaient les bases mêmes de la vie personnelle et sociale, des foules compactes convergeaient vers les temples et se livraient à des sacrifices et des pénitences, ou s’engageaient par des vœux et des promesses à corriger leurs vies et à poser des gestes d’action de grâce si la menace était détournée. Les mères de famille plaçaient une bougie allumée dans une fenêtre au moment d’un orage et des malades allumaient une lampe devant une statue la veille d’une intervention chirurgicale. Combien d’individus ont trouvé dans la prière et les dévotions la force de traverser des épreuves menaçantes, l’apaisement d’un profond sentiment de culpabilité, la capacité de surmonter l’inquiétude et l’angoisse !

La quête spirituelle se dégrade cependant quand elle se limite aux moments de crise et d’extrême fragilité. Car si elle apporte bien le courage de vivre et la confiance fondamentale que le monde et la vie ont un sens, elle ne saurait se réduire à cette dimension. L’assurance et le réconfort sont ses fruits, et non ses buts.

Un indice non équivoque de santé spirituelle n’est-il pas la capacité d’assumer la fragilité de son existence et de s’ouvrir au risque de l’inconnu ? Aussi bien, le Dieu de la Bible, le Dieu de la tradition juive et chrétienne, est-il d’une manière indissociable celui qui accueille et celui qui envoie. Un Dieu qui dans un même mouvement patiente et exige, comprend et interpelle.

Sa puissance ne vient pas d’une manière magique modifier le cours des choses. Ce n’est pas une puissance d’intervention, qui met à l’abri de la fragilité. C’est une puissance de relation. Une relation indéfectible au sein de la précarité humaine. Dans la Bible, et dans l’expérience spirituelle de ceux et celles qui s’en sont inspiré aussi bien dans les arènes romaines qu’à Auschwitz, retentissent comme un refrain les paroles « Ne crains pas, je suis avec toi. Je suis au milieu de vous. Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. » Croyants juifs comme chrétiens proclament depuis deux millénaires et demi, avec Paul qui était l’un et l’autre : « Ni la mort, ni la vie, non, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu ».

Cette présence qui procure une assurance radicale demeure souvent infiniment discrète, attendant le moment de sa révélation. N’est-ce pas ce que révèle cette émouvante parole d’un mourant demandant récemment d’être accompagné dans les dernières semaines de sa vie : « Je suis un athée auquel Dieu a toujours été fidèle » ?

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