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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

32e Dimanche du temps Ordinaire. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Veillez !

Il en sera du Royaume des cieux comme de dix vierges qui s’en allèrent, munies de leurs lampes à la rencontre de l’époux. Or cinq d’entre elles étaient sottes et cinq étaient sensées. Les sottes, en effet, prirent leurs lampes, mais sans se munir d’huile ; tandis que les sensées, en même temps que leurs lampes, prirent de l’huile dans des fioles. Comme l’époux se faisait attendre, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Mais à minuit, un cri retentit : « Voici l’époux ! sortez à sa rencontre ! » Alors toutes ces vierges se réveillèrent et apprêtèrent leurs lampes. Les sottes dirent aux sensées : « Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. » Mais celles-ci leur répondirent : « Il n’y en aurait sans doute pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez les marchands et achetez-en pour vous. » Elles étaient parties en acheter quand arriva l’époux : celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte se referma. Finalement, les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! » Mais il répondit : « En vérité je vous le dis, je ne vous connais pas. » Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure.

Commentaire :

Les trois derniers dimanches de l’année liturgique nous présentent comme lecture d’évangile le chapitre 25e de saint Matthieu : la parabole des dix vierges, celle des talents et la scène du jugement denier. Existe-t-il un lien entre ces trois textes ? Pour l’Église des temps apostoliques, le retour du Seigneur semble tarder. Une exhortation à la vigilance importe ; la meilleure façon de nous préparer au retour du Maître ne consisterait-elle pas à mettre en valeur tout ce qu’il nous a confié : non d’amasser quelques trésors sur la terre, mais de vivre dans l’amour, ce sur quoi nous serons jugés. C’est dans cet esprit qu’il nous faut lire la parabole des dix vierges. L’introduction pourrait ainsi se lire : « Il en est du Royaume des cieux comme d’une noce au cours de laquelle… » Jésus abrège singulièrement tout le protocole inhérent à toute noce. Même si les coutumes peuvent varier d’un lieu à un autre, il ne retient ici que le cortège des noces.

La fiancée attend chez elle que le fiancé vienne la chercher pour la conduire en sa nouvelle demeure. A nous d’imaginer la mise en scène absente du récit : les danses, les chants, les torches, l’ambiance de la fête et la célébration des amours humaines, éléments de protocole si admirablement décrits dans le Cantique des Cantiques. Dix jeunes filles, disons des demoiselles d’honneur, vivent dans l’attente. Le terme vierge utilisé ici fait sans doute allusion au comportement virginal ou célibataire souhaité (1 Co. 7 : 25) en prévision du retour prochain du Christ. Il importe de se dépouiller de tout souci susceptible de paralyser le cœur : « Le temps cargue ses voiles. Désormais, ceux qui ont femme, qu’ils soient comme n’en ayant pas, » écrivait l’apôtre Paul.

Ce groupe de vierges compte des sages et des mal avisées, insensées, qui négligent de se munir de toute l’huile nécessaire à ce temps d’attente. Car l’époux se fait attendre, il tarde dans la nuit. Habituellement, c’est la fille qui n’arrive plus, la famille retenant le plus possible celle qu’ils ont tant aimée. C’est au milieu de la nuit que l’époux arrivera, le temps de la parousie (Lc. 12 : 39-40 ; Mc. 13 : 35-36). « Vous savez vous-même que le Seigneur arrive en pleine nuit, comme un voleur. » (1 Th. 5 : 2) Cri dans la nuit ! Des chants et la musique du cortège auraient été plus vraisemblables. Mais il importe d’évoquer ici la soudaineté du retour : « C’est à l’heure où vous n’y penserez point que le Fils de l’homme viendra. » (24 : 44) Comme on le réalise, le récit comporte bien des anomalies : filles d’honneur qui s’endorment, retard de l’époux, cri au milieu de la nuit…

Sous le voile d’une histoire de noce, Jésus tente donc de donner un enseignement très grave. Il ne s’agit plus d’une histoire de noces palestiniennes, mais d’une histoire divine. Le Seigneur, l’époux, maître du temps, peut arriver à l’heure et dans les circonstances qui lui plaisent. L’irruption de l’éternité dans le temps surprend toujours, non que Dieu veuille nous prendre en défaut, mais l’homme abaisse sa garde, suspend sa vigilance et sombre dans le sommeil. Le but de la parabole n’est pas de renseigner sur les retards de Dieu, mais d’insister sur l’ignorance de l’heure de sa venue et la nécessite de demeurer toujours prêt.

APPENDICE

Alors que la parabole aurait pu se terminer avec l’entrée dans la salle des noces, l’évangéliste prolonge le récit avec l’arrivée des vierges insensées et la porte close. Récit authentique ou ajout de Matthieu ? On retrouve un passage presque identique chez Luc (13 : 24-25), mais là, la porte étroite chez Luc devient chez Matthieu la porte fermée. La prière désespérée demeure toutefois la même : « Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous ! » Et si la séparation chez Luc se fait entre Juifs et païens, chez Matthieu, elle se réalise en fait sein même de l’Église. Et le rejet de l’époux reprend les termes mêmes trouvés dans la bouche du Seigneur : « Je ne vous connais pas. » (7 : 21-23)

Veillez : tout le sens de la parabole tient en ce petit mot. Matthieu le fait entendre à la communauté partagée entre l’espérance d’un retour imminent et la tristesse d’un long délai. Cette attente n’est pas un temps perdu, mais le temps d’une intense préparation.

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