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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

33e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Prêts à risque

Car c’est comme un homme qui, partant pour l’étranger, appela ses serviteurs et leur confia sa fortune. À l’un, il remit cinq talents, deux à un autre, un seul au troisième, à chacun selon ses capacités ; puis, il partit. Aussitôt, celui qui avait reçu cinq talents alla les faire produire et en gagna cinq autres. Pareillement celui qui en avait reçu deux en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un s’en alla faire un trou en terre et enfouit l’argent de son maître. Après un long délai, le maître de ces serviteurs arrive et règle ses comptes avec eux. Celui qui avait reçu les cinq talents s’avança et en présenta cinq autres : Seigneur, dit-il, tu m’as confié cinq talents ; voici cinq autres talents que j’ai gagnés. » – « C’est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit son maître, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ; entre dans la joie de ton seigneur. » Vint ensuite celui qui avait reçu deux talents : « Seigneur, dit-il, tu m’avais confié deux talents ; voici deux autres talents que j’ai gagnés. » – « C’est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit le maître, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ; entre dans la joie de ton seigneur. » Vint ensuite celui qui détenait un seul talent : « Seigneur, dit-il, j’ai appris à te connaître pour un homme âpre au gain : tu moissonnes où tu n’as point semé, et tu ramasses où tu n’as rien répandu. Aussi, pris de peur, je suis allé enfouir ton talent dans la terre ; le voici, tu as ton bien. » Mais son maître lui répondit : « Serviteur mauvais et paresseux ! Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé et que je ramasse où je n’ai rien répandu ? Eh bien! tu aurais dû placer mon argent chez les banquiers et à mon retour j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents. Car à tout homme qui a, l’on donnera et il aura du surplus ; mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Et ce propre à rien de serviteur, jetez-le dehors dans les ténèbres ; là seront les pleurs et les grincements de dents.

Commentaire :

Entre Jésus qui l’a prononcée une première fois et la prédication de l’Église primitive à l’intention des chrétiens de la première heure et de leurs besoins spirituels, cette parabole des talents présente sans doute un point d’aboutissement qu’il importe de saisir pour notre bien spirituel d’aujourd’hui. Voyons donc où Jésus voulait en venir, et l’enseignement auquel elle servit dans la primitive Église.

JÉSUS

Cette scène de reddition de compote comporte trois petits tableaux : trois serviteurs se présentent, chacun dit ce qu’il a fait de l’argent confié par le maître et entend le jugement que ce dernier rend sur sa conduite. Hors de tout doute, la scène de comparution du troisième serviteur retient davantage l’attention. Les deux premiers reçoivent un même éloge, alors que le troisième retient surtout le jugement du maître. Sans doute touchons-nous ici la clé de la parabole.

Le récit souligne davantage l’idée que le troisième serviteur se fait de son maître : son peu de souci de justice, sa dureté. D’où sa conduite : retenu par une crainte justifiée, le serviteur cache le peu que le maître lui a confié, pour éviter le risque d’un mauvais placement. « Seigneur, voici ta mine ! » ce qui t’appartient, ton bien. En somme, le serviteur n’a nullement lésé son maître, il lui rend simplement son bien, et se croit quitte pour autant, assuré que la justice est de son côté. En droit, admettons-le, il demeure irréprochable. Ce point de vue rejoint assez bien celui des ouvriers de la première heure ( 20 : 12) et du fils aîné, dans la parabole de l’enfant prodigue. (Lc. 15)

La nécessité de veiller et d’être prêt pour que le jour du jugement ne nous prenne pas au dépourvu, thème de la vigilance, fait l’objet de tout ce discours sur le retour du Sauveur. (24 : 43 – 25 : 46) Le Seigneur vise incontestablement les mécontents de toujours que sont les scribes et les Pharisiens, pieux observateurs de la Loi. Malgré leurs obligations morales vis-à-vis le peuple dont ils ont charge, il augmente peu leur rendement spirituel.

MATTHIEU

La parabole chez Matthieu débute par la préposition « car », elle constitue donc de ce fait comme un développement de la sentence déjà portée au v. 13, en conclusion de la parabole des dix vierges : « Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. On peut donc songer ici au problème posé aux chrétiens de la fin de l’âge apostolique : la lenteur du retour du Christ qui semblait à tous pourtant imminente. L’expression «serviteur bon et fidèle » semble comme un écho de la conclusion du sermon sur la montagne : sage est l’homme qui bâtit sa maison sur le roc. (Mat. 7 : 22 ) Même si la parousie, le retour du Christ tarde, les chrétiens doivent demeurer vigilants à la pensée du jugement qui sera porté sur leur conduite. Cette vigilance est fidélité dans l’accomplissement des tâches assignées, devoirs de la vie chrétienne : il ne suffit pas d’écouter la parole de Dieu, encore faut-il la mettre en pratique. Le croyant, sourd à l’invitation, serait comparable au convive entré dans la salle du festin sans le vêtement de noce, aux jeunes filles insensées, à l’homme qui a bâti sa maison sur le sable et enfin ce serviteur qui n’a pas pris la peine de faire valoir le talent reçu. L’Évangile est un capital, il importe de le faire fructifier.

L’évangéliste tente de faire comprendre aux médiocres la vraie nature du rapport qui lie l’homme à Dieu. Parce que serviteur, l’homme est tenu d’accepter et d’accomplir la volonté divine manifestée dans le moment présent, et non de vivre dans la crainte servile en quête de refuge et de sécurité contre Dieu dans une exacte observance des commandements. Le moty de saint Paul cadre tellement bien ici : « Nous n’avons pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptif qui nous fait nous écrier :Abba ! Père! » (Rm.8 : 15) Le mauvais serviteur manifeste non un manque à gagner, mais davantage un manque d’aimer, cette liberté que donne l’amour qui ne craint aucun risque. La crainte servile le retient de prendre le risque d’aimer.

Parole et vie

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