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Le jeûne que je préfère

Imprimer Par Paul-André Giguère

J’aime mieux vous prévenir tout de suite : je n’aime pas le jeûne. Je me réjouis de savoir que Jésus n’y tenait pas non plus. Les gens pieux de son peuple, qu’on appelait les pharisiens, pratiquaient le jeûne et, comme leur maître, les disciples de Jean le Baptiste menaient aussi une vie d’austérité. Mais Jésus n’imposait rien de tel ni à lui-même, ni à ses disciples. S’il y a une parole que les évangélistes n’auraient jamais inventée, c’est bien celle qui fait écho à sa réputation auprès des milieux religieux de son temps : Il mange, il boit et l’on dit : Voici un glouton et un ivrogne ! (Matthieu 11 19).

C’est que le Dieu qu’il aimait n’a pas besoin de se faire tirer l’oreille, ni qu’on expie dans le sacrifice pour le mal et le péché de nos vies, avant de nous être bienveillant. Plus encore, le Dieu qu’il aimait et dont il nous a montré le visage ne nous veut pas privés : il préfère nous voir dans l’abondance. Le Dieu qu’il aimait et vers qui il nous tourne ne veut pas que nos fêtes soient sobres : s’il le faut, il ira jusqu’à transformer l’eau en vin. Quand il se laisse aller, il multiplie cinq pains pour une foule affamée, et il en reste. Nous, les chrétiens, nous avons appris de lui que je nous ne sommes pas faits pour le silence mais pour la musique. Nous ne sommes pas faits pour l’obscurité, mais pour la lumière. Nous ne sommes pas faits pour le manque, mais pour la plénitude.

Mais Dieu ne serait pas Dieu si cette abondance et cette plénitude étaient le privilège de quelques uns. Et voilà pourquoi, à leur manière, les chrétiens sont invités à jeûner. Pour rendre l’abondance de la vie accessible à tous. Le jeûne que je préfère, dit Dieu, n’est-ce pas de dénouer les liens provenant de la méchanceté, de détacher les courroies du joug, de renvoyer libres ceux qui ploient, bref, de mettre en pièce tous les jougs ! De partager ton pain avec qui a faim, d’héberger les pauvres sans abri, de couvrir quelqu’un qui est nu, de ne pas te dérober devant ta propre chair (Esaïe 58 6-7). Le jeûne des chrétiens n’a rien à voir avec la purification des toxines et la mise en forme, bien que les chrétiens sachent l’importance de prendre soin de son corps. Le jeûne des chrétiens n’a pas non plus, on l’a dit plus haut, de fonction expiatrice destinée à faire pression sur Dieu. Le jeûne des chrétiens a une dimension prophétique. Orienté vers le partage, il se fait ouverture de la vie sur la vie.

Le jeûne des chrétiens a aussi une signification pédagogique. Il a pour qui jeûne fonction de rappel. Quand je jeûne, je réapprends que rien ne m’est dû et que tout m’est donné. Quand je jeûne, je redécouvre que le fait d’être en vie est plus important que la nourriture et que le corps est plus important que le vêtement. Quand je jeûne, je me souviens que je suis plus qu’une consommatrice ou un consommateur.

Si bien que quand j’y pense, s’il y a quelque chose que j’aime dans le jeûne, c’est qu’il conduit au dé – jeûner. Comme chrétien, je trouve le sens du jeûne dans le chocolat qui suit les privations. Dans la terre promise à la sortie du désert. Dans la mer aux limites des plaines arides. Dans le don au terme de l’attente. Dans la résurrection au-delà de la mort. Dans Pâques à la fin du carême.

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