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Je vis où je respire

Imprimer Par Paul-André Giguère

Il ou elle était venu à un maître spirituel réputé lui demander de l’initier aux voies de l’intériorité. Il ou elle attendait évidemment un enseignement, ou au moins un questionnement, inspirant. Le maître lui a posé une seule question : Sais-tu respirer ? Il ou elle s’est rappelé que ses tout premiers cours de chant avaient été consacrés à apprendre à respirer. Chanter et prier auraient-ils donc une secrète parenté ?

La plupart d’entre nous ne savons plus respirer. Certes, puisque nous sommes toujours vivants, aspirons-nous continuellement l’oxygène nécessaire à notre survie. Mais c’est pour la plupart une respiration courte, fréquente, du haut de la cage thoracique. Seul le temps du sommeil subsiste pour nous donner accès à la respiration profonde.

Yoga, zazen, peu importe la technique : l’Occident redécouvre les bienfaits de la respiration profonde. En quoi est-elle une discipline essentielle dans l’apprentissage de l’intériorité ?

Il faut d’abord une posture corporelle favorable. On ne peut respirer en profondeur quand on est courbé, affaissé ou prostré. Il faut se tenir droit. Il faut d’abord se redresser. Et n’est-ce pas un des fruits du travail spirituel ? YHWH redresse tous ceux qui sont courbés dit le Livre des psaumes (145 14 ; 146 8). Venez à moi, vous qui ployez sous le fardeau, et je vous donnerai le repos dit le Christ (Matthieu 11 28). Dieu ne veut pas d’un être humain écrasé : il l’aime debout. Dressé. Fier. Confiant. Léger. Vertical.

La respiration profonde unifie tout l’être, comme on l’expérimente dans l’orgasme et les minutes qui suivent. Dans la respiration profonde, le corps et l’esprit sont tout un, surtout quand on devient capable de rendre son esprit présent à la respiration, et à rien d’autre. Il se produit alors un apaisement. Une réconciliation. La conscience du temps se concentre alors sur le présent.

Car la pratique de la respiration profonde rend intensément présent au présent. Ma vie n’est pas ailleurs, ni dans l’espace, ni dans le temps : je vis où je respire. Elle est libératrice, cette conscience-présence à ce qui est là, à ce que chaque instant comporte d’unique. Elle est libératrice, cette capacité de se tenir là, immobile, sur cette pointe d’aiguille qu’est le présent, dans l’instant qui vient d’apparaître et qui est sur le point de devenir passé. Elle est capacité de Dieu. Comme le dit avec finesse Madeleine Delbrêl : Mon Dieu, si vous êtes partout, comment se fait-il que je sois si souvent ailleurs ?

La pratique de la respiration profonde nous apprend en outre que la vie ne nous appartient pas. Elle nous est toujours donnée et nous ne saurions la retenir. À chaque minute, nous nous recevons. À chaque minute, nous devons nous dessaisir et faire confiance que nous recevrons encore. La respiration profonde est une pratique qui nous apprend à la fois la gratitude, le détachement et la confiance.

La pratique de la respiration profonde nous ouvre enfin sur ce que les anciens appelaient la longanimité, littéralement le souffle long. Il n’y a pas de cheminement spirituel sans la capacité de durer. Il n’y a pas de cheminement spirituel si on s’essouffle à la première difficulté. Ou même à la longue . La pratique de la respiration profonde comporte donc une fonction symbolique. Elle nous invite à avoir du souffle. De la puissance, telle celle d’un chanteur ou d’une chanteuse. Pour l’expression de notre vie. Et pour la joie du monde.

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