C’était fête, hier soir, chez les Xavières de la Côte-Sainte-Catherine! Virginie quitte le pays pour la mère-patrie. Fête n’est sans doute pas le terme juste. Il faudrait dire que nous avons souligné le départ de la nouvelle économe générale. Mais tout avait les allures de la fête. La maison était pleine, des adultes et surtout des jeunes, des enfants.
C’était retour au passé, ces jours-ci, dans ma tête. J’ai rencontré Donald de passage à Montréal. Naguère, nous avons réalisé quelques projets. Dans nos jeunes années! Donc, il y a déjà assez longtemps!… Nous avons parlé de Jules et de Claude qui ont changé leur parcours. Et du même coup, j’ai pensé à Colette et à Gilles. Puis, à Louisiane et à Claude… Et combien d’autres qui faisaient partie du paysage à l’époque.
C’était encore retour au passé quand le journal m’a appris le décès de Paulette que j’ai connue il y a plus de vingt-cinq ans. Elle laisse Pierre, Louise, Mario, Sylvie, et combien de souvenirs du bon temps de mes premiers essais en pastorale.
Retour au passé, nostalgie, souvenirs: les mots du temps _ les maux, peut-être? _ réveillent les émotions, quelques joies, quelques tristesses. Il en est passé des gens dans ma vie. Des milliers. À l’adolescence, à l’époque des compilations, j’avais pensé dresser la liste de toutes les personnes que je connais. Il me manquerait du papier pour le faire aujourd’hui. J’aurais sans doute le disque dur saturé!
Qu’ont-ils laissé en moi, ces proches, ces amis et ces connaissances, et ces anonymes, ces occasionnels, ces inconnus? Toutes ces personnes ont sculpté ma vie d’une manière ou d’une autre, depuis mon père et ma mère qui ont eu la bonne idée de me donner naissance. Mon histoire est marquée par toutes ces rencontres.
Des proches ont eu beaucoup d’influence sur moi. Mais je suis persuadé que certaines rencontres très éphémères ont laissé des traces. Peut-être même des traces plus profondes que les meilleurs colloques, que les relations les plus intimes. Nous ne sommes pas toujours conscients de l’impact de nos paroles et de nos attitudes. Un mot peut impressionner pour toujours. Un silence peut parler et résonner longtemps avec tout ce qu’il peut vouloir dire et laisser entendre. L’écho ne meurt jamais totalement…
Nous sommes reliés les uns aux autres et, ainsi, nous nous fabriquons mutuellement. Même l’ermite le plus retiré ne peut pas dire qu’il n’a pas eu besoin des autres un jour, ni n’a pas encore besoin d’eux maintenant. L’amour des autres nous rend heureux. Mais l’amour n’est pas la seule source de notre bonheur. La liberté ne germe en moi que si j’ai appris des autres la joie de me sentir libre. Bref, je dois tout aux autres, à tous ces autres qui traversent mon existence de près ou de loin.
Et j’ai dû, je dois, moi aussi, avoir quelque impact sur mes rencontres. Je dois, moi aussi, laisser quelques traces dans les nombreuses vies qui croisent la mienne. Je donne, moi aussi. Et probablement que je transmets beaucoup de richesses que j’ai déjà reçues. Les trésors de l’humanité vont de l’un à l’autre en passant par l’un et l’autre. L’univers est le théâtre d’une immense course à relais. C’est le vieux saint Paul qui disait quelque part: Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu?
Virginie rentre chez elle. Donald est retourné dans son patelin. Paulette est décédée. Tout a l’air fini. Mais le fini se multiplie à l’infini. Depuis sa naissance, l’être humain s’étale et l’écho de ses paroles et de ses gestes ne s’éteint jamais. Amis et connaissances, je vous laisse partir car je sais très bien que vous restez!