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Simplement une étoile

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Je m’imagine vivre, il y a 2000 ans, au temps de la naissance de Jésus. Je suis installé en Orient. Profession: mage. Je scrute le ciel avec ma lunette comme les autres savants de l’époque. J’étudie les étoiles et les planètes. J’invente des systèmes astrologiques pour essayer de comprendre le langage de la vie et du destin.

Un jour, une nouvelle étoile vient se promener dans mon ciel. Alors, je fais mes bagages. Je choisis les meilleurs chameaux de la région. J’engage les serviteurs les plus dévoués. Et je pars dans mes plus beaux atours. J’apporte mes plus précieux trésors. Et je suis l’étoile.

Qu’est-ce qui me prend de chambarder ma vie comme ça? Qu’est-ce qui est si important que j’en laisse mes recherches de savant? À l’époque, on croit qu’une nouvelle étoile apparaît à la naissance de chaque personnage important, de chaque être exceptionnel. Et l’étoile naissante met en route. Il faut trouver celui pour qui elle brille. Il faut trouver cet être extraordinaire et lui rendre hommage, lui offrir des cadeaux.

Me voilà donc parti en voyage. De désert en cours d’eau, de vallée en montagne, je me laisse guider par l’étoile. La route est longue. La fatigue ne manque pas. Un chameau n’a rien de vraiment confortable. La poussière du chemin m’incommode. L’insécurité de la route m’inquiète parfois. Je rencontre des étrangers, beaucoup d’étrangers. J’adopte les préjugés de mon époque. Je crains la différence. Et le doute s’insinue en moi. Mon étoile me mènera-t-elle vers un vrai personnage? Ne suis-je pas en train de m’illusionner? Naïveté de ma part? Crédulité? Tant d’autres autour de moi me regardent passer sans bouger. Ils n’emboîtent pas le pas. Souvent même ils se tournent vers moi avec le sourire du sceptique. Ils me font douter. Ai-je raison de croire?

Je me vois à la porte de la petite ville de Bethléem. Avec tout mon attirail et mes somptuosités, j’en fait tourner des regards. Un vrai cirque qui traverse la place publique. Je suis un curieux personnage qui croit à une étoile et qui s’est affublé de tout un patrimoine pour traduire sa foi. Il m’arrive _ et c’est le cas, à deux pas de la demeure de l’enfant que je cherche _ d’espérer la solidarité d’autres croyants sans nécessairement la trouver.

Voyage difficile de ma foi. Désert, terre aride, desséchée, sans eau (Psaume 62, 2). Pèlerinage qui me dépouille de toutes certitudes. Je perds progressivement toutes mes croyances et il ne me reste qu’une foi nue, fragile, vacillante. Je crois sans preuve. Je crois sans les appuis de la science ou de la raison. Je crois pour rien. Je crois gratuitement. Quel mot qualifierait le plus justement cette curieuse sensation de marcher sans comprendre, d’avancer sans certitude…

Devant la maison de Jésus, Marie et Joseph: stupéfaction. Avoir voyagé si longtemps et si durement pour arriver devant une maison ordinaire et trouver un bébé ordinaire, encadré de parents ordinaires. Me voilà bien embarrassé avec mon or, mon encens et ma myrrhe. Me voilà mal à l’aise dans mes habits somptueux devant une petite famille dépouillée. Moi le riche devant la pauvreté!

Peut-être que l’essentiel est invisible pour les yeux, comme on dit dans le conte d’un autre petit prince. Peut-être que mes plus beaux atours, mes bagages luxueux, mon troupeau de chameaux ne valent pas la plus petite parcelle de tendresse.

À genoux devant l’humble enfant, j’apprends que le plus important n’est pas dans ce que je possède mais dans ce que je suis en train de devenir. J’aurais beau posséder la terre entière, je serais plus pauvre qu’un enfant qui sourit parce qu’il est heureux.

Dieu n’est-il pas en train de me sourire lui-même? La plus grande richesse de Dieu, c’est sa faiblesse. Faiblesse nécessaire pour aimer et donner, faiblesse essentielle pour accepter de s’immerger dans l’humanité, faiblesse indispensable pour s’abandonner entre mes mains d’homme et solliciter mon amour.

Avec tous les mages du monde en quête de vérité, je découvre qu’il n’y a rien de plus fort que la faiblesse de l’amour. Et j’apprends que ma foi ressemble à mon Dieu, qu’elle ne peut que ressembler à lui. Faiblesse. Gratuité. Fragilité consentie. Simplement une étoile.

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