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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

2e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

L’inconnu

Le jour suivant, Jean Baptiste voit Jésus venir vers lui et dit : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Voici celui dont je disais : Lui qui vient après moi est plus grand que moi car avant moi il était . Je ne le connaissais pas, mais c’est pour le montrer à Israël que je baptise dans l’eau . Jean témoigne : J’ai vu le Souffle divin descendre du ciel comme une colombe et se poser sur lui. Je ne le connaissais pas mais celui qui m’envoie baptiser par l’eau m’a dit : L’homme sur qui tu verras le Souffle descendre et se poser, c’est lui qui baptise par le Souffle saint . J’ai vu, je suis témoin, il est le Fils de Dieu .

Commentaire :

Rare est l’occasion de nous mêler à la communauté chrétienne de l’évangéliste Jean pour entendre sa catéchèse, le disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits et nous savons que son témoignage est véridique. (Jn.21 :24). Ce jour-là, l’apôtre livrait une réflexion personnelle sur Jésus, et il inspirait sa méditation de la découverte de Jean Baptiste, le précurseur, lors du baptême de Jésus. Les origines de cette reconnaissance de Jésus qu’il veut susciter en ce début de l’ Année ordinaire A , rencontrent les conditions requises de tout apôtre, un de ces hommes qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur a vécu au milieu de nous, en commençant par le baptême de Jean jusqu’au jour où il nous fut enlevé pour qu’il devienne avec nous témoin de la résurrection . (Ac. 1:22) Quel long cheminement personnelle cette expérience représente et quelle balise pour nous qui devons maintenant répondre de notre foi !

Pour Jean Baptiste, Jésus n’était pas un inconnu, mais de sa parenté. Et s’il parle ici d’une autre connaissance, c’est que vraisemblablement, il n’avait jamais vu en Jésus autre réalité que l’homme ; mais au baptême, la véritable identité de Jésus lui est révélée . C’est cette expérience fondée sur celle du Baptiste que l’Évangéliste veut en ce jour partager avec nous.

Qui est Jésus, d’où vient-il ?… La conviction était alors que le Christ quand il viendra, personne ne saura d’où il est . (Jn.7 :27). Jean Baptiste veut rendre témoignage de ce qu’il a vu, mais de là à en avoir une conviction inébranlable… Un jour, de sa prison, il déléguera des messagers pour faire le point sur la véritable identité de Jésus. Les disciples eux-mêmes, au moment de l’Ascension, reviendront une fois encore avec leur espérance purement matérielle, et ce, après trois ans de vie commune avec Jésus. C’est pourquoi Jean l’évangéliste, s’inspirant de l’expérience du Baptiste et de la sienne propre, débute sa catéchèse avec cette méditation sur la baptême de Jésus. Et c’est dans cet esprit que nous devons lire cette page. Et si Jean l’évangéliste utilise ce passage comme enseignement, Jean Baptiste en demeure le personnage principale. Voici l’agneau de Dieu, proclame-t-il en relation avec les propos du prophète Isaïe (53), qui désigne le Messie comme l’Agneau qui prend sur lui le péché du monde, et en vue de la purification que son rite baptismal annonce. Pourtant, c’est d’une autre façon que Jean Baptiste prévoyait cette purification : menaces, châtiments, colère à venir, rien ne manquait. Il faut croire qu’avec le temps, la main de l’évangéliste Jean, le Boanerges, fils de la colère, en est venu à corriger la vision du précurseur.

Le Baptiste n’annonce pas le Messie, il le désigne et le montre : C’est de lui que j’ai dit… Mais l’Évangéliste, à son tour, va le faire d’une manière paradoxale, avec une particulière insistance sur l’infériorité du Baptiste comparée à la supériorité de Jésus. Lui qui vient après moi est plus grand que moi… et d’ajouter : Il est passé devant moi… Avant moi, il était, avant moi, dans sa préexistence divine. L’évangéliste faisait ainsi front aux partisans du Baptiste qui, soucieux de faire campagne pour la messianité de leur maître, recouraient à l’argument chronologique, à savoir que Jean Baptiste avait précédé Jésus dans le temps . La réponse du Précurseur pourtant ne laisse aucun doute : Lui qui vient après moi est plus grand que moi, car avant moi il était . Nous retrouvons ici textuellement la pensée de Jean dans le prologue de son évangile. (Jn. 1 :15) : Voici celui dont j’ai dit : Lui qui vient après moi est passé devant moi, parce qu’avant moi il était .

Qui est Jésus ? la question demeurera perpétuellement . Où demeure-tu ? demandaient les premiers appelés ( Jn 1 :38) ; Es-tu celui que nous doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? interrogeait Jean de sa prison. Jésus lui-même interroge les siens : Pour vous qui suis-je ? (Mt.16 :15) La question est pour tous, et chacun doit avoir l’honnêteté de la reprendre à son compte à l’occasion d’un baptême, de mariages, de funérailles, lieux propices à cette mise au point et ce profond silence dont s’enveloppe toujours le mystère de Jésus.

Du vivant de Jésus, certains ne voulaient pas croire en lui ou n’arrivaient pas à lui faire confiance; ils le percevaient comme un glouton, un ivrogne, ami des petites gens, possédé, imposteur. ( Mt.3.22; 11:19; 27:63) Deux mille ans plus tard, il existe encore en tout chrétien une part d’incroyance ou de mauvaise foi qui amène à voir en Jésus un justicier auquel on fait appel et dont on s’inspire pour de justes causes, ou encore un homme exceptionnel de dignité, de liberté, au sein d’un monde inhumain, bref, la révélation de l’humain à laquelle tout homme peut se reconnaître et se sentir prédestiné, symbole des plus hautes aspirations de l’humanité.

Pour vraiment reconnaître et confesser Jésus, il faudrait suivre le chemin de Jean l’évangéliste et des apôtres et vérifier en soi-même les dire et les actes de Jésus. Cette route devra être jalonnée d’une méditation assidue de la Parole proclamée au cœur de la première communauté chrétienne et nous devrons confronter notre vie à cette parole, dans la docilité à l’Esprit qui s’exprime en de multiples façons dans l’Église. Jean l’évangéliste a trouvé solution à sa méconnaissance lorsqu’il avoue : Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie … nous vous l’annonçons afin que vous aussi soyez en communion avec nous et que votre joie soit complète . (1 Jn 1 :1-4) C’est à travers le témoignage de Jean Baptiste que l’évangéliste Jean peut affirmer : Et moi j’ai vu et je témoigne .

Mais il a fallu à l’Évangéliste un long moment de méditation et de silence pour en arriver à travers la révélation du Baptiste à cette connaissance de l’Inconnu.

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