Spiritualité 2000 met à votre disposition 22 années d’archives, soit près de cinq mille articles. Un grand merci à tous nos artisans qui ont su rendre possible cette aventure ayant rejoint des millions d’internautes.

Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

6e Dimanche de Pâques. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Milieu divin

Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que fait son maître ; je vous appelle amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi qui vous ai choisis et institués pour que vous alliez et portiez du fruit, un fruit qui demeure. Tout ce que vous demanderez alors au Père en mon nom, il vous l’accordera. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.

Commentaire :

Dimanche dernier, nous entendions proclamer l’évangile de la vigne, et le thème « Porter du fruit » était particulièrement souligné (15 : 2,4,5,6,8 ). Le passage de ce jour insiste sur la source de cette fécondité : « demeurer en » ; il compare cette « demeure » à l’amour du Père pour le Fils, du Fils pour les disciples et des disciples entre eux. L’amour du Père occupe le premier plan du passage tandis que l’amour du Fils remplit le deuxième. Si l’amour constitue l’élément important du salut, celui-ci vient du Père par le Fils aux disciples ; et le Fils, dans son amour, ne fait que reporter sur chacun de nous l’amour de son Père en ce sens que le Père fait pour nous comme il agit pour son Fils. (17 : 23, 26) Ainsi peut-on résumer le message de l’évangile que d’aucun ont titré « circuminsession » : le fait de « demeurer en ». Cela ne paraît pas facile à saisir, mais il vaut la peine de s’y concentrer.

AIMER

Au soir ce la Cène, dans une atmosphère d’intimité, Jésus dévoile à ses disciples sa relation intime avec le Père, lien qu’il voudrait partager avec eux. La raison en est que non seulement l’amour du Fils révèle le Père, mais fonde aussi la mission donnée par le Fils. Le mandat de Jésus a son origine dans l’envoi du Père ; la venue de Jésus et le salut du monde définissent l’accomplissement de la volonté de son Père qui l’a envoyé. Tout ce qu’il dit et ce qu’il fait, Jésus l’accomplit au nom de son Père. Ainsi se trouve dévoilé le lien intime du Fils avec son Père, que Jésus révèle et veut partager avec les siens. « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » L’amour seul est au principe de cette joie.

Si Jésus est venu sauver l’humanité par l’amour qu’il manifeste, ainsi par l’amour, les disciples réaliseront-ils la mission à laquelle Jésus veut maintenant les associer. Mais quel est cet acte d’amour et sa mesure ? L’amour du Père est bouleversant : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a livré son propre Fils non pour condamner le monde ou le juger, mais le sauver. » Cet amour qui origine du Père et rejoint le Fils, veut non seulement témoigner de l’amour du Père à tous les hommes, mais aussi se diffuser parmi eux. Ainsi l’amour de Jésus pour le Père, réalisé par son obéissance, les disciples doivent l’imiter par leur observance du commandement.

Il faudrait relire ici le passage de la Première Lettre de Jean où l’auteur dénonce l’impossible amour de ce Dieu invisible sans amour du prochain qui est visible. (1 Jn. 4 : 19 – 5 : 3) L’amour pour Dieu ne peut se vérifier que dans l’observance de son commandement, le précepte par excellence, celui de l’amour fraternel (4 : 21) Et pour conclure, il écrit de cet amour : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais lui qui nous a aimés et envoyé son Fils, victime pour nos péchés… Puisqu’il nous a tant aimés et aimés le premier, aimons-nous les uns les autres. » (4 : 10,19). L’amour est donc un commandement dont la mesure doit être l’amour du Fils pour son Père et l’amour du Père pour nous. En somme, la mesure de l’amour est d’aimer sans mesure. « Soyez saints comme votre Père céleste est sain. »

DEMEURER

En ce chapitre, Jean utilise à maintes reprises le terme « demeurer ». Le mot est pris non en un sens spatial, mais dans le sens d’une relation du disciple avec son Maître. L’intimité de cette nouvelle relation a comme comparaison l’union du sarment avec le cep. Or cette union se réalise par la fidélité à la Parole de Jésus. (7) Demeurer en Jésus équivaut à demeurer fidèle à sa parole. L’amour constitue le lieu où nous devons demeurer, et la fidélité à la parole, la condition pour y parvenir. Demeurer : non un effort passager, un état occasionnel, mais une situation constante ou constamment renouvelée. Telle est le milieu divin qui nous est révélé et auquel nous sommes conviés.

En ce milieu divin se rencontreront tous ceux auxquels Jésus révèle ce qu’il a entendu du Père, pour lesquels il donne sa propre vie et qu’il traite personnellement comme ses « amis ». Non seulement le sacrifice de sa vie prouve cette amitié hors de tout doute, mais également le partage de la révélation du Père : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. » (1 : 18) Jésus place toujours son enseignement en relation avec sa vie filiale et la volonté du Père : « Quand vous aurez élevé le fils de l’homme, vous saurez que je suis et ne fais rien de moi-même. » (8 : 28) Le serviteur ou l’esclave, en saint Jean, est le pécheur qui refuse la foi, c’est-à-dire Jésus et sa parole. « Tout homme qui commet le péché est esclave… Au contraire, celui qui demeure dans ma parole, sera mon disciple, il connaîtra la vérité et la vérité le rendra libre. » (8 : 31-35) La liberté est acceptation de la foi et vie dans l’amour.

Les « amis » de Jésus ne sont pas ceux qui choisissent Jésus : « Nul ne peut venir à moi si le Père ne l’attire. » (6 : 44). Ces « amis » sont-ils seulement les disciples ou faut-il inclure tous les humains fidèles à la parole et choisis préalablement dans la pensée éternelle du Père selon la vision de Paul ? (Eph. 1 : 1+ ) Loin de nous l’idée d’une destinée : personne ne peut se perdre s’il n’est responsable de sa réponse. Certains peuvent accepter Jésus comme d’autres le refuser. Le témoignage de cette responsabilité n’est rien d’autre que la fidélité à la parole et au commandement de l’amour : « Si vous vous aimez les uns les autres comme je vous ai aimés. » Entrer dans l’amitié du Christ donne la capacité de porter du fruit, l’assurance d’être exaucé par le Père et enfin de posséder la joie parfaite.

Au terme de ces « Ultima verba » , paroles au soir de la Cène, Jésus pouvait conclure : « Maintenant je viens à toi, Père, et je dis ces choses, encore présent dans le monde, pour qu’ils aient en eux-mêmes ma joie en plénitude. » Et d’ajouter : « Ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom…Demandez et vous recevrez, et votre joie sera parfaite. »

Tel est le milieu divin auquel nous sommes tous conviés : source d’amour et de fécondité.

Parole et vie

Les autres thèmes