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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

Épiphanie. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Chercheurs de Dieu

«Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’orient se présentèrent à Jérusalem et demandèrent :« Où est les toi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu en effet, son astre se lever et sommes venus lui rendre hommage.» Informé, le roi Hérode s’émut, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres avec les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où devait naître le Christ. «À Bethléem de Judée, lui répondirent-ils ; car c’est ce qui est écrit par le prophète : «Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement le moindre des clans de Juda ; car de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple Israël.»

Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux la date de l’apparition de l’astre, et les dirigea sur Bethléem en disant :«Allez vous renseigner exactement sur l’enfant, avisez-moi, afin que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage.» Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre qu’ils avaient vu à son lever, les devançait jusqu’à ce qu’il vint s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. La vue de l’astre les remplit d’une très grande joie. En entrant dans le logis, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, tombant à genoux, se prosternèrent devant lui ; puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Après quoi, un songe les ayant avertis de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays.»

Commentaire :

L’Épiphanie, fête des Rois, dernière de nos célébrations familiales des «Fêtes». Mais, c’est aussi le fête des «Chercheurs de Dieu». Cette Fête de Rois est à proprement parler plus grande que Noël. La liturgie célèbre alors l’Épiphanie de Dieu, la manifestation glorieuse du Verbe de Dieu au milieu de nous, celui qui «vient visiter son peuple» (Luc.1:68).

Essayons de découvrir le sens de la narration que nous donne Matthieu de l’événement dont il faisait le récit à ses ouailles dans les premières années du christianisme.

Nous sommes aux environs de l’an 5 avant l’ère chrétienne. Jésus, né depuis une quarantaine de jours, reçoit la visite des Mages. Ces sages, de grande influence dans leur pays, sans doute la Perse, adeptes de la doctrine de Zarathoustra et sans lien de parenté avec les astrologues, arrivent à Jérusalem. Combien étaient-ils : deux selon la fresque de saint Pierre et saint Marcelline, à Rome, trois, quatre, huit, et même douze selon les traditions syriennes et arméniennes ? Le nombre trois prévalut en référence avec les dons offerts et peut être aussi parce qu’ils représentaient les trois races de Sem, Cham et Japhet, issues de Noé. Leurs noms : Melchior, Gaspar et Balthasar, selon un manuscrit italien du IXe siècle.

«Où est le roi des Juifs qui vient de naître», demandèrent-ils ? On imagine la curiosité suscitée par ces inconnus allant et répétant la question à travers les rues étroites de Jérusalem. La question troubla le roi Hérode, mais les juifs eux l’entendaient un peu avec moquerie, sans toutefois demeurer parfaitement indifférents, car ce que ces étrangers annonçaient se trouvait au coeur de leur espérance.

Ces mages avaient été conduits jusqu’à Jérusalem par la marche de l’étoile, l’élément prodigieux du récit. «Ils ont vu son astre se lever.» L’étoile, remarquée en Orient, disparut par la suite pour réapparaître et se déplacer au fur et à mesure que les Mages cheminaient de Jérusalem à Bethléem. Phénomène naturel ou préternaturel ? Si nous options pour un élément figuratif et une intention pédagogique de l’auteur de cet Évangile ! Isaie (9:1-5) donne la clé de l’interprétation : «Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi… Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, il a reçu l’empire sur les épaules»… Le récit prend ainsi plus de sens qu’avec la supposition de l’apparition d’une comète ou de la conjonction de Jupiter et de Saturne.

L’épisode des Mages se termine avec l’hommage rendu à l’enfant : Ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’auteur a sans doute quelques réminiscences du prophète : «Tous ceux de Saba viendront, ils apporteront de l’or et de l’encens et publieront les louanges de Yahvé» (Is. 60:6) Le détail des présents a ici moins d’importance que leur portée significative.

Le but de l’évangéliste en incluant l’épisode de la visite des Mages dans son Évangile de l’enfance était une réponse aux membres de sa communauté primitive, sans doute des Juifs convertis qui se demandaient pourquoi si peu de leurs coreligionnaires avaient suivi le Christ. Le salut ne devait-il pas venir d’Israël ? Quel drame, quel aveuglement : «Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu» (Jn.1:11). Des païens sur d’insignifiantes données, un astre jusqu’alors demeuré inaperçu, signe de Dieu chez les anciens, se dérangent et viennent de loin. Les païens auraient mieux vu qu’Israël.

Pourtant, pour ces païens, un signe a bouleversé l’existence, un signe qu’ils ont gardé dans leur cour pour le méditer, voir toute sa portée. Notre foi sera vraie si elle nous poussait un jour hors de nous-mêmes au lieu de demeurer pur savoir théorique. Nous restons dans nos idéologies, nos idées toutes faites et ce, depuis un bon moment. Au lieu de voir dans notre quotidien et dans le prochain une ou des étoiles qui devraient nous interroger et nous pousser plus loin dans notre quête de Dieu. .

“Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé», écrivait saint Augustin dans ses Soliloques. D’aucun sont toujours «en état de recherche», façon élégante d’exprimer le doute, l’indifférence dans lesquels on s’est plus ou moins installé pour justifier la liberté de n’adhérer à rien. D’autres cherchent toujours parce qu’ils n’ont pas encore trouvé. Ils s’informent, réfléchissent. Leur «gémissement», disait Pascal, ne laisse pas insensible le cour de Dieu. Enfin, une troisième catégorie de chercheurs, ceux qui cherchent parce qu’ils ont trouvé et ayant trouvé, ils cherchent plus encore : tous ces croyants et croyantes à la foi vivante et conscients du caractère insondable de la Révélation. «La foi cherche l’intelligence», quelle définition plus belle et plus simple des chrétiens en quête de Dieu. Par delà les mots, c’est à la vie même de Dieu qu’ils adhèrent, leur foi cherche à acquérir une intelligence plus profonde plus vivante de son mystère. La foi et les signes des temps s’interrogent mutuellement. Aux problèmes nouveaux, la foi tente de trouver des réponses nouvelles en scrutant toujours davantage le cour de la foi. Mais, c’est vers les choses de Dieu qu’elle s’oriente davantage.

Chercher à comprendre toute la tendresse de Dieu, dominer notre crainte de Dieu qui tend toujours à faire prévaloir la sévérité du juge sur la tendresse du Père. Libérer l’Esprit de Dieu qui veut pousser en nous ce cri : «Abba, Père !», le résumé de toute la révélation que Dieu nous a faite de son visage.

Chercher la volonté de Dieu. «Nous ne cessons de prier pour vous, écrivait Paul aux Colossiens (1,9-10) et de demander à Dieu qu’il vous fasse parvenir à la pleine connaissance de sa volonté en toute sagesse et intelligence spirituelle. Ainsi vous pourrez mener une vie digne du Seigneur et qui lui plaise en tout.»

Et, troisième étape de la quête de Dieu, le chercher dans les autres. Aimer les autres tels qu’ils sont, comme le Christ nous aimés. Réalisme de l’amour et non plus le rêve d’un amour impossible, drame de toute désunion. «Alors que nous étions pécheurs, le Christ a donné sa vie pour nous» (Rom. 5.8), «Quiconque aime connaît Dieu parce que Dieu est amour» (1 Jn. 4:7)

«Cherchez Dieu et vous vivrez», (Amos 5;4), «Joie pour les cours qui cherchent Dieu».

Tel sera l’astre que les mages de notre temps poursuivront dans leur quotidien sur des chemins d’adoration, d’extase et d’amour.

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