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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
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Mémoires affectives : BELFAST et LE POUVOIR DU CHIEN

Imprimer Par Gilles Leblanc

Des émotions et des événements vécus pendant l’enfance ont souvent des répercussions qui affectent grandement des personnes tout au long de leur existence. Voilà ce que démontrent habilement deux films récents. D’abord, le réalisateur britannique Kenneth Branagh rappelle les bons et les tristes moments de la vie de Buddy, un enfant au cœur d’un quartier déchiré par des conflits socioreligieux dans la chronique d’époque BELFAST. Pour sa part, la néo-zélandaise Jane Campion réalise avec LE POUVOIR DU CHIEN un western particulier mettant en avant-plan Phil, un homme colérique et mystérieux depuis ses jeunes années.

BELFAST

Le polyvalent Kenneth Branagh (LE CRIME DE L’ORIENT-EXPRESS) verse ici dans la chronique autobiographique, en empruntant allègrement aux classiques du genre. Évoquant à la foi le ROMA d’Alfonso Cuaron (pour son noir et blanc élégiaque et son souffle épique) et le LA GUERRE À SEPT ANS de John Boorman (pour les mille et un détails d’une enfance assiégée), BELFAST dégage un charme certain, mais aussi une impression de déjà-vu. 

À la fin des années 1960, Buddy, petit garçon rêveur, grandit au sein d’une famille ouvrière de Belfast, alors que la ville est secouée par les émeutes opposant les protestants et les catholiques.

Entre les questionnements de ses parents qui hésitent entre partir ou rester, sa fascination grandissante pour une petite fille du voisinage et ses sorties avec ses grands-parents qui lui font découvrir le cinéma, Buddy découvre la vie et rêve confusément de quelque chose capable de la transcender.

Efficace et parfois émouvant surtout vers la fin, le film n’en reste pas moins flou sur le plan politique et un peu facile sur le plan dramatique. Heureusement, Branagh reste un grand directeur d’acteurs, et la distribution qu’il a rassemblée, avec en tête Judi Dench en grand-mère éprise de cinéma, parvient généralement à dépasser les limites de personnages schématiques, et à générer quelques moments d’émotion mémorables.

Dans la catégorie du Meilleur scénario original, Kenneth Branagh s’est mérité l’Oscar 2022 pour cette production.

LE POUVOIR DU CHIEN

De retour au cinéma onze ans après MON AMOUR, Jane Campion a tourné dans sa Nouvelle-Zélande natale ce western rugueux et résolument moderne. Bien construite, son adaptation du roman éponyme de Thomas Savage, prétexte à une dénonciation nuancée du harcèlement et de l’homophobie, est enrichie par la prestation forte et subtile de Benedict Cumberbatch (LE JEU DE L’IMITATION).

En 1925, dans le Montana, le rancher Phil Burbank voit d’un mauvais œil le mariage de son frère et associé George avec Rose, une restauratrice veuve, qu’il soupçonne d’en vouloir à leur argent. En outre, Phil méprise ouvertement le fils de la jeune femme, le malingre et peu viril Peter, inscrit à la faculté de médecine.

Intimidée par son beau-frère, qui habite sous le même toit dans la grande maison des Burbank, Rose, souvent laissée seule par George, noie son angoisse dans l’alcool. Revenu pour l’été au ranch, Peter découvre un secret à propos de Phil. Aussitôt, le comportement de ce dernier à son endroit change radicalement…

Les relations complexes entre les personnages sont habilement développées, tandis que la mise en scène, ample et lyrique dans la veine de celle du PIANO, fait planer un climat de menace diffus, nourri par la trame sonore inquiétante de Jonny Greenwood. Kirsten Dunst (MELANCHOLIA) étonne en femme alcoolique et faible, incapable de protéger un fils mal outillé pour affronter le rude Far West, campé avec sobriété par Kodi Smit-McPhee. Plus en retrait, Jesse Plemons confère une sereine autorité au personnage du frère amoureux.

Avec cette œuvre remarquable, Jan Campion a reçu l’Oscar de la Meilleure réalisation de la dernière année.

Gilles Leblanc

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