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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

Psaume 36. Malice du pécheur et bonté de Dieu

Imprimer Par Marc Leroy, o.p.

1 Du maître de chant. Du serviteur de Yahvé. De David.

2 C’est un oracle pour l’impie que le péché
au fond de son cœur ;
point de crainte de Dieu
devant ses yeux.

3 Il se voit d’un œil trop flatteur
pour découvrir et détester son tort ;
4 les paroles de sa bouche : fraude et méfait !
c’est fini d’être un sage.

En fait de bien 5 il rumine le méfait
jusque sur sa couche ;
il s’obstine dans la voie qui n’est pas bonne,
la mauvaise, il n’en démord pas.

6 Yahvé, dans les cieux ton amour,
jusqu’aux nues, ta vérité ;
7 ta justice, comme les montagnes de Dieu,
tes jugements, le grand abîme.

L’homme et le bétail, tu les secours, Yahvé,
8 qu’il est précieux, ton amour, ô Dieu !
Ainsi, les fils d’Adam :
à l’ombre de tes ailes ils ont abri.

9 ils s’enivrent de la graisse de ta maison,
au torrent de tes délices tu les abreuves ;
10 en toi est la source de vie,
par ta lumière nous voyons la lumière.

11 Garde ton amour à ceux qui te connaissent,
et ta justice aux cœurs droits.
12 Que le pied des superbes ne m’atteigne,
que la main des impies ne me chasse !

13 Les voilà tombés, les malfaisants,
abattus sans pouvoir se relever.

(Bible de Jérusalem)


Il y a trois parties dans le Psaume 36 : vv. 2-5, vv. 6-10 et vv. 11-13. Dans les vv. 2-5, on décrit le comportement de l’impie. Dans les vv. 6-10, nous trouvons une demande à Dieu d’agir, accompagnée d’une confession de foi et de l’assurance que Dieu va agir. Dans les vv. 11-13, on demande à Dieu de continuer d’agir en faveur du juste. Le psaume 36 oppose le comportement de l’impie à l’action de Dieu, ce n’est qu’à la fin qu’il parle du psalmiste lui-même (v. 10 : « par ta lumière nous voyons la lumière » ; v. 12 : « Que le pied des superbes ne m’atteigne, que la main des impies ne me chasse ! »). Du point de vue du genre littéraire, il combine proverbes (vv. 2-5), acte de louange (vv. 6-10) et prière (vv. 11-13).

vv. 2-5 : Les versets 2-5 décrivent le comportement de l’impie. Il s’agit de montrer un comportement mauvais à éviter pour ceux qui aiment Dieu.

Le mot hébreu ne’um, « oracle », est habituellement utilisé, dans la Bible, pour les paroles d’un prophète qui parle au nom de Dieu, ou pour la Parole de Dieu. Au v. 1, le mot est ici détourné de son sens premier. De la même façon que nous pouvons écouter la Parole de Dieu parler à notre cœur, nous pouvons aussi, malheureusement, être attentifs à la voix du péché. Le péché est comme enraciné au plus profond du cœur de l’impie, là où naissent, d’après l’anthropologie de la Bible hébraïque, les pensées mauvaises.

On a recourt aux différents sens pour décrire la malice du pécheur. Non seulement son oreille écoute la voix du péché, mais son œil n’est plus capable de reconnaître en lui la présence du péché. Il n’y a plus en lui cet élément si important qu’est la crainte de Dieu, c’est-à-dire un amour plein de révérence de la part de la créature pour son Créateur et Seigneur. Dans son portrait des Juifs et des Grecs, soumis au péché, de l’épître aux Romains (cf. Rm 3,18), saint Paul fait de l’absence de toute crainte de Dieu le point culminant de sa description de la nature du péché.

Si l’impie n’est plus capable de voir son péché, il se voit en revanche « d’un œil trop flatteur ». Avec le v. 4, on va de l’intérieur vers l’extérieur, du cœur vers les paroles prononcées. Le péché, qui est au cœur de l’impie, trouve sa suite logique dans des paroles mauvaises. L’impie cherche à causer du tort à autrui par ses paroles blessantes. Il a cessé d’agir avec sagesse, c’est-à-dire avec bonté. Jusque sur sa couche, c’est-à-dire jour et nuit, l’impie rumine le mal qu’il peut faire. Il y a deux voies dans la vie, la voie du bien et celle du mal. Certains ont choisi « le conseil des impies » et « la voie des pécheurs » (cf. Ps 1,1).

vv. 6-10 : Les versets 6-10 sont une adresse à Dieu, avec une confession de foi et l’assurance que Dieu va agir. Il s’agit d’un pur acte d’adoration de Dieu car le psalmiste ne lui demande pas d’être sauvé d’un mal particulier. L’amour de Dieu et sa vérité sont si grands qu’ils s’étendent jusqu’aux cieux. C’est une image pour dire combien est grand l’amour divin et aussi combien est juste notre Dieu. C’est tout le contraire de l’impie ! De la même façon que Dieu est infini, son amour et sa vérité ne connaissent pas de limites.

L’expression « les montagnes de Dieu » veut dire les montagnes les plus hautes, celles qui culminent, dans la chaîne du Mont-Liban, à 3088 m (Qornet es-Saouda) ou, dans la chaîne de l’Anti-Liban, à 2814 m (Hermon). La justice de Dieu est comparée aux plus hautes montagnes, et ses jugements au grand abîme. On quitte le domaine des cieux pour rester sur la terre, mais pour qualifier la justice et les jugements de Dieu on est obligé de faire référence à ce qui est le plus haut ou bien au point le plus bas, le plus abyssal (cf. Ps 135,6 : « Tout ce qui plaît à Yahvé, il le fait, au ciel et sur terre, dans les mers et tous les abîmes. »). De la même façon que le péché est caché au plus profond de l’impie, on croit, dans le Proche-Orient ancien, que des puissances mauvaises peuvent se cacher dans les profondeurs des abîmes, mais même là, en ce lieu hostile, les jugements et l’autorité de Dieu se manifestent pleinement (cf. Ps 148,7 : « Louez Yahvé depuis la terre, monstres marins, tous les abîmes »). Dieu est au-delà de tout, et pourtant Il est capable de se faire proche des êtres humains en les prenant sous ses ailes. On comprend que trouver refuge en Dieu veut dire habiter dans son Temple à Jérusalem. Lors des sacrifices au Temple, les fidèles pouvaient boire et manger. On vient au Temple pour s’abreuver car Dieu est comme une source de vie.

vv. 11-13 : Après avoir parlé de l’impie, puis du comportement de Dieu, nous trouvons, enfin, le psalmiste qui ose exprimer son inquiétude. Il demande à Dieu d’agir afin d’éviter que les impies ne lui fassent du mal (cf. v. 12 : « Que le pied des superbes ne m’atteigne, que la main des impies ne me chasse !). On retrouve le cœur. Celui du juste n’est pas rempli par le péché comme le cœur de l’impie. Le cœur du juste est droit.

Les références au pied et à la main sont fortement symboliques. Par le pied, l’impie peut abaisser jusqu’à terre le suppliant. Par la main, il peut le chasser de la communauté, de sa terre. Le v. 13 décrit la chute des impies, c’est une chose qui se passe devant les yeux du suppliant. Les malfaisants sont tombés, cela suppose un agent extérieur qui a fait cela et qui, selon la compréhension que nous propose le psaume, ne peut être que Yahvé.

Bien sûr, une lecture chrétienne verra les choses de façon différente. Jésus nous a invités à aimer nos ennemis, à pardonner de tout notre cœur et à prier pour eux car ils peuvent se convertir et reconnaître en Lui la « source de vie ».

fr. Marc Leroy, o.p.

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