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Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
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La religion à l’école

Imprimer Par Jacques Marcotte, o.p.

Dans son édition du 27 août 2019, le journal Le Devoir, de Montréal, publiait un texte signé par Madame Andréa Richard. Sous le titre Enseigner les religions ou la laïcité? Madame Richard préconisait rien de moins que l’abolition complète du cours sur les religions à l’école. Ce cours donnerait trop à entendre, selon elle, qu’en parlant religion dans les classes, on ferait rétrograde et attardé, et on empêcherait la société d’avancer.

Depuis l’adoption de la loi 21 sur la laïcité de l’État, il s’en trouve pour dire, comme elle, qu’en toute logique l’État ne devrait d’aucune façon aborder le sujet de la religion à l’école, sinon pour la dénoncer, la refuser, l’enlever de la tête et du cœur des enfants Cette volonté d’enlever chez les jeunes l’idée même de la religion s’apparente à la stratégie du système marxiste; elle est injuste, regrettable et porteuse d’un vide, d’un manque, d’un mal.

L’État n’a pas charge – en lui-même – de promouvoir la religion. C’était une saine démarche que de vouloir prôner la neutralité de nos institutions et de notre image collective, et d’en faire une loi. C’était la volonté, il me semble, de mieux protéger la diversité, la pluralité et la liberté dans l’affichage et la pratique des religions qui ont cours dans notre société moderne.

Mais il ne faut pas être hypocrite et cachotier. Il y a de la religion dans l’air et dans notre monde. Nous vivons tous sous l’influence de quelque tradition religieuse. Nous nous inscrivons dans la suite d’une histoire, ou plutôt d’histoires, qui ne sont pas que noirceur et ténèbres dont il faudrait nous débarrasser. La sagesse veut que nous ne portions pas trop vite un jugement de valeur et une condamnation sur ce dont nous avons hérité, sur ce qui nous a bâtis. Ce serait un déni malheureux, ce serait nous condamner, nous blâmer nous-mêmes.

L’enseignement du religieux à l’école doit se faire. Il doit se vivre dans le respect, une juste neutralité, sans doute, comme une histoire qu’on se raconte, un témoignage qui nous interpelle, pourquoi pas? Il y a là une réalité qui a sa cohérence et son sens et sa part de mystère. Il suffit de considérer la religion pour ce qu’elle est, non pas un montage scientifique, mais une ouverture de tout l’être à ce qui est transcendant, plus grand que soi, le Mystère.

Par respect pour le pluralisme et la liberté de chacun, l’attitude de l’enseignant se doit donc d’être neutre devant les énoncés et les contenus du programme. Cela suppose évidemment qu’on a une bonne maîtrise du sujet. Le but n’est pas de comparer, d’évaluer, de se prononcer sur la valeur de telle ou telle religion, mais de les décrire pour ce qu’elles sont ou pour ce qu’elles tendent à rejoindre du vécu humain au cours des siècles. 

Certes l’évolution des sciences et des techniques a servi à purifier certains concepts explicatifs et notre représentation du monde. Mais la science ne suffit pas. On le sait bien. Elle a ses limites radicales. Elle ne donne pas pleine réponse aux questions existentielles fondamentales qui demeurent présentes et toujours pertinentes : d’où venons-nous? Où allons-nous? Qui sommes-nous?

Merci à nos dirigeants scolaires et aux enseignants de comprendre cela et de ne pas entrer dans un négativisme et des interdits qui viendraient occulter une part très importante de qui nous sommes et de ce que nous avons reçu. Nous avons mission de transmettre la part utile de cet héritage aux plus jeunes. Nous avons tous le droit d’être connectés à l’une ou l’autre des grandes traditions religieuses qui ont traversé les siècles. De quel droit peut-on priver l’homme et la femme d’aujourd’hui et de demain d’avoir un accès pédagogique à une sphère aussi importante de la réalité humaine?

Jacques Marcotte, O.P.

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