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Dieu en famille,

Responsable de la chronique : Raphaël Pinet
Dieu en famille

Le Juif et le mendiant, le préjugé et le croissant

Imprimer Par Raphaël Pinet
Seul, bras croisés, au milieu des saluts nazis

Le 10 juillet 1941, la population catholique du petit village de Jedwabne en Pologne orientale, inspirée par les nouveaux occupants allemands, ont massacré 1600 de leurs concitoyens avec l’assentiment du conseil municipal et du prêtre. Le récit des sept survivants donne la nausée devant le raffinement de cruauté déployée. Il faut préciser que les victimes que leurs bourreaux connaissaient et côtoyaient depuis de nombreuses années, étaient juives. Seule une famille a eu le courage d’héberger cachés dans leur ferme, les survivants le restant de la guerre. Elle n’a jamais voulu que leur courage soit reconnu publiquement de peur de représailles du reste des villageois !

Dans un tout autre domaine, et sur une note plus légère, une expérience de philosophie morale a montré que les gens se montraient plus généreux et compatissants envers les mendiants lorsqu’on diffusait dans le voisinage une odeur de croissants chauds !

Dans ces deux situations, le comportement des uns et des autres semblent conditionné par l’environnement : l’entraînement des semblables sous le coup d’une haine basée sur des préjugés, une simple odeur de croissant dans l’autre. Depuis l’apport de Gustave Le Bon dans son livre La psychologie des foules (1895), on en sait un plus sur le comportement grégaire des foules mais toujours bien peu sur l’influence du croissant chaud sur la bonté humaine ! Mais là n’est pas la question.

Comment une famille a eu le courage de l’humanité au milieu du déferlement de la barbarie ? Pourquoi cette famille a persisté à voir dans le visage de ces gens pourchassés celui familier de leurs voisins ? Pourquoi certaines montreront de la compassion même en absence de croissant chauds ?

Comme croyants, nous pensons que Dieu est à l’origine de l’amour que nous portons à nos frères et sœurs. Mais il n’y a pas d’amour sans geste d’amour. Rester les bras croisés devant l’ami en détresse tout en priant pour lui, relève du pharisaïsme le plus pur. Or, nous affrontons notre vie durant une foule de situations où nos semblables ont besoin de notre humanité. Parfois les situations sont anodines et, par conséquent, fréquentes. D’autres relèvent de l’extrême et sont par le fait même plus rares. Dans tous les cas, notre devoir de fils et fille de l’humain est de nous préparer à ces situations pour vivre debout face aux exigences de solidarité avec l’Autre.

Cette préparation, cet entraînement nécessite au quotidien de prier, de renoncer à désespérer, de ne pas remâcher la rancœur, de rester vigilant face aux injustices, de se faire exigent face aux atteintes à notre environnement. C’est au fond, au fil des jours que nous tissons une vie plus humaine devant le regard de nos enfants, de notre conjoint et de nos amis. Au prix de ces efforts, nous aurons plus de chances de toujours percevoir le visage de notre prochain, avec ou sans odeur de croissant chaud. Alors peut se faire le passage de l’amour de Dieu en nous vers l’autre.

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