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Responsable de la chronique : Nicolas Burle, o.p.
Méditation chrétienne

Pourquoi je suis catholique

Imprimer Par Gilbert Keith Chesterton

Auteur : Gilbert Keith Chesterton ((1874-1936) est un écrivain anglais extrêmement prolixe dont l’oeuvre de plus de 80 livres compte aussi bien des romans policiers que des poèmes et des apologies du christianisme. Il se convertit en 1922 au catholicisme suite à la publication de “l’homme éternel”. Son intelligence perçante continue de révéler de façon lumineuse les travers de notre temps : “Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Elles ont viré à la folie parce qu’on les a isolées les unes des autres et qu’elles errent indépendamment dans la solitude.”


Il y a dix milles raisons d’expliquer pourquoi je suis catholique, toutes se résumant en une seule raison : c’est que le catholicisme est vrai ! Je pourrais remplir tout mon espace par des phrases indépendantes les unes des autres, chacune commençant pourtant par les mots » L’Église catholique est la seule chose qui… » Comme par exemple
– L’Église catholique est la seule chose qui empêche vraiment un péché de demeurer secret.
– L’Église catholique est la seule chose dans laquelle le supérieur ne peut être supérieur aux autres c’est-à-dire de manière hautaine.
– L’Église catholique est la seule chose qui libère l’homme de l’esclavage de son temps.
– L’Église catholique est la seule chose qui parle en vérité, comme s’il elle était un messager authentique refusant d’accommoder un authentique message.
– L’Église catholique est le seul type de christianisme qui regroupe réellement tout type d’hommes, surtout l’homme de respect.
– L’Église catholique est la seule grande tentative de changer le monde de l’intérieur, y travaillant de toutes ses forces et non pas par la force ; etc…
Aussi bien, je pourrais traiter ce sujet personnellement en décrivant ma propre conversion ; mais il se trouve que j’ai le sentiment que cette méthode minimise les choses plus qu’elles ne le sont en réalité. Nombre d’hommes bien meilleurs que moi ont été convertis à de bien pires religions. Je préférerais de beaucoup essayer de dire ici, au sujet de l’Église catholique, des choses qui, précisément, ne peuvent être dites sur ses respectables rivaux. En bref, je dirais principalement de l’Église catholique, qu’elle est catholique… Je préfèrerais essayer de démontrer qu’elle est non seulement plus vaste que moi, mais aussi plus vaste que tout ce qui existe dans le monde ; qu’elle est en effet plus vaste que le monde. Cependant, puisque en ce court espace je ne peux écrire qu’une partie infime de ce qui concerne ce sujet, je la considérerais dans sa capacité d’être la gardienne de la vérité.

L’autre jour, un écrivain bien connu, et plutôt mal informé, déclara que l’Église catholique est toujours l’ennemie des idées nouvelles. Il ne lui est probablement pas venu à l’esprit que sa propre remarque n’était pas exactement dans sa nature une idée nouvelle. Ceci est une des notions que les catholiques doivent continuellement réfuter, parce que c’est une si vieille idée ! En effet, ceux qui se plaignent que le catholicisme ne peut dire quelque chose de neuf pensent rarement qu’il soit nécessaire de dire quelque chose de neuf sur le catholicisme. En fait, une étude sérieuse de l’histoire montrera que – bizarrement- cela est contraire aux faits. Dans la mesure où les idées sont vraiment des idées, et dans la mesure où de telles idées ne peuvent être par définition que nouvelles, les catholiques ont continuellement souffert à les soutenir parce qu’elles étaient réellement nouvelles, parce qu’elles étaient trop nouvelles pour être comprises et trouver d’autre soutien qu’eux même. Le catholicisme n’était pas seulement le premier dans ces domaines, mais il était aussi seul, là où il n’y avait encore personne d’autre pour comprendre ses avancées.

Ainsi, par exemple, presque deux cent ans avant la déclaration d’indépendance et la Révolution française, en un siècle dévolu à la fierté et la louange des princes, le cardinal Bellarmin et l’Espagnol Suarez ont lucidement élaboré l’entière théorie de la démocratie véritable. Cela en un siècle de droit divin. Pour cette raison ils donnèrent l’impression d’être des jésuites sanguinaires et comploteurs, rampant avec des poignards dans le but d’assassiner des rois. Pourtant les casuistiques des écoles catholiques dirent tout ce qui pouvait être réellement dit sur les problèmes nouveaux de notre époque, deux siècles avant qu’ils ne se soient produits. Ils ont dit qu’il y avait réellement des problèmes de conduite morale chez les gouvernants ; mais ils ont eu la malchance de le dire deux siècles trop tôt. À une époque de débats fanatiques et de vitupération libre et gratuite, ils ont simplement réussi à se faire traiter de menteurs car ils ont été psychologues avant que la psychologie ne soit à la mode. Il serait aisé de donner de nombreux autres exemples jusqu’à aujourd’hui de ces faits et de ces cas d’idées qui sont encore trop nouvelles pour être comprises. Il y a des passages de l’encyclique du pape Léon sur le travail Rerum Novarum, sortie en 1891 qui commencent seulement maintenant à être utilisés comme guides pour des mouvements sociaux plus neufs que le socialisme ! Et quand monsieur Belloc écrivit sur l’état servile, il avança une théorie économique si originale que c’est à peine si quelques personnes ont compris ce dont il s’agissait. Dans quelques siècles par conséquent, d’autres personnes répèteront probablement que l’Église catholique est toujours l’ennemie des idées nouvelles, et ils le répèteront erronément. Et alors, si les catholiques font des objections, leur protestation sera facilement expliquée par le fait bien connu que les catholiques ne s’occupent jamais des idées nouvelles !

Néanmoins, l’homme qui a fait cette remarque sur les catholiques voulait dire quelque chose qui mérite considération, et il serait loyal envers lui de le comprendre plus clairement qu’il ne l’exprima. Ce qu’il voulait dire, c’était que, dans le monde moderne, l’Église catholique est souvent l’ennemie de beaucoup de modes influentes ; la plupart d’entre elles se targuent d’être neuves alors que beaucoup d’entre elles commencent en réalité déjà à être éculées. En d’autres termes, dans la mesure où cet homme voulait dire que l’Église attaque souvent ce que le monde encourage à un moment donné de l’histoire comme étant une nouveauté, il avait parfaitement raison. L’Église se porte souvent contre la mode de ce monde qui passe ; et elle a assez d’expérience pour savoir avec quelle rapidité elle passe. Mais pour comprendre exactement de ce dont il s’agit, il est nécessaire de prendre plus de recul et de considérer la nature ultime des idées en question, de considérer, si l’on peut l’extirper, l’idée de l’idée.
Neuf fois sur dix, celles que nous appelons des idées nouvelles sont simplement de vieilles erreurs. L’Église catholique possède comme l’un de ses principaux devoirs, celui de protéger les gens de retomber dans ces vieilles erreurs ; de les refaire encore et encore et toujours, comme les gens font toujours lorsqu’ils sont abandonnés à eux-mêmes. La vérité sur l’attitude catholique face à l’hérésie, ou comme certains le diraient, face à la liberté, peut probablement être le mieux exprimée par la métaphore d’une carte. L’Église catholique porte en elle une sorte de carte de l’esprit qui ressemble à la carte d’un labyrinthe, et qui, en fait, est un guide pour le labyrinthe. Elle a été formée à partir d’une connaissance qui, même considérée comme connaissance humaine, est sans aucun parallèle humain.

Source : G.K. Chesterton. « Why I Am A Catholic. » From Twelve Modern Apostles and Their Creeds (1926)

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