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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

Psaume 115 (113 B) : Le Dieu des cieux bénit ceux qui mettent leur foi en Lui.

Imprimer Par Christian Eeckhout, o.p.

1 Non pas à nous, Yahvé, non pas à nous, mais à ton nom rapporte la gloire,
pour ton amour et ta vérité !
2 Que les païens ne disent : « Où est leur Dieu ? »

3 Notre Dieu, il est dans les cieux, tout ce qui lui plaît, il le fait.

4 Leurs idoles, or et argent, une œuvre de main d’homme !
5 Elles ont une bouche et ne parlent pas, elles ont des yeux et ne voient pas,
6 elles ont des oreilles et n’entendent pas, elles ont un nez et ne sentent pas.
7 Leurs mains, mais elles ne touchent point, leurs pieds, mais ils ne marchent point,
de leur gosier, pas un murmure !

8 Que leurs auteurs leur ressemblent, tous ceux qui comptent sur elles !

9 (Maison d’) Israël, mets ta foi en Yahvé, lui, leur secours et bouclier !
10 Maison d’Aaron, mets ta foi en Yahvé, lui, leur secours et bouclier !
11 Ceux qui craignent Yahvé, ayez foi en Yahvé, lui, leur secours et bouclier !

12 Yahvé se souvient de nous, il bénira,
il bénira la maison d’Israël, il bénira la maison d’Aaron,
13 il bénira ceux qui craignent Yahvé, les petits avec les grands.
14 Que Yahvé vous fasse croître, vous et vos enfants !
15 Bénis soyez-vous de Yahvé, qui a fait le ciel et la terre.

16 Le ciel, c’est le ciel de Yahvé, la terre, il l’a donnée aux fils d’Adam.

17 Non, les morts ne louent point Yah(vé), ni tous ceux qui descendent au Silence;
18 mais nous, les vivants, nous bénissons Yah(vé) dès maintenant et à jamais.

Traduit par © La Bible de Jérusalem, Éditions du Cerf, Paris


Le psaume 115 (113 B) appartient à la série des chants de louange appelés « Psaumes du Hallêl » (113 à 118). Ils étaient récités lors des fêtes de pèlerinages juifs au temple de Jérusalem, lors des nouvelles lunes ainsi qu’à l’occasion de la fête de la dédicace du temple (« Hanoukka » en mémoire du 25 du mois de Kislev, après la bataille des révoltés, partisans de Judas Maccabées opposés aux armées d’Antiochus IV Epiphane). Cela signifie l’engagement fort de groupes qui croient en Dieu, qui voient « l’ouverture à la transcendance » comme « un droit pour tous » (Pape François, in La Croix, 17 mai 2016, p.3).

Dans cette prière, les croyants se positionnent en « nous, les vivants » (v.1.12.18) comme « fils d’Adam » c’est-à-dire créatures de Dieu, déclinés en trois groupes de fidèles (Israël, d’Aaron et les craignants-Dieu, v.9-14.16), par opposition aux « païens » (v.2), « auteurs d’idoles » (v.4-8), inertes et comme « morts » (v.17), muets, réduits au silence.

Les premiers veulent toujours bénir Dieu (v.18) qui les aide, les bénit et les fait fructifier en se souvenant d’eux (v.9-15), tandis que les artisans d’idoles matérielles, chosistes, ignorent la réalité spirituelle et cherchent en vain une représentation terrestre de statue figée (v.2). Leur question est comme une critique déjà connue au Ps 79(78),10.

Le genre littéraire de ce psaume est composite. Certes, il est didactique aux versets 3 et 15-16a; 4-8 et 9-14, avec des thèmes hymniques en prélude (v.1-2) et en finale (v.18). On voit bien que l’accent est mis sur l’unicité de Dieu et sa bénédiction (v.12-13.15a) : le psalmiste affirme sa foi en Dieu seul (v.9-11), source de toute vie (v.14-15b.16). On peut alors distinguer six séquences : 1/ la question de l’intervention divine en faveur du peuple de Dieu (v.2); 2/ la supplication (v.1ab) justifiée du point de vue religieux (v.1c.3.4-8); 3/ une exhortation à croire (v.9-11); 4/ l’annonce prophétique de l’action divine de salut (v.12a’); 5/ une bénédiction (v.12a’’-16); 6/ l’appel à l’action de grâce communautaire (v.17-18).

Au v.1, la glorification de Dieu « pour son amour et sa vérité » c’est-à-dire pour sa bonté et sa fidélité envers nous, est un thème fréquent dans les psaumes (cf. Ps 86(85),15.
Les v.3 et 16 font mention du « Dieu dans les cieux » ou du « ciel de Yahvé » pour affirmer la transcendance divine (cf. Is 40,22cd) du créateur de tout l’univers, par opposition au système religieux des Babyloniens. Le ciel est une manière ancienne d’évoquer Dieu qui réside au-dessus ou, de façon imagée se tient « au sommet » de sa création. Cf. Ps 123(122),1.

Aux v.4-7, l’affirmation du néant des idoles d’or et d’argent – fabriquées de toutes pièces, palpables mais inactives et dont il ne faut pas avoir peur – est déjà bien inscrit dans les versets du livre de Jérémie qui insiste sur le Dieu vivant et véritable, créateur du ciel et de la terre (Jr 10,3-5.9-10.14); il reprend les thèmes proches de la 2e partie du livre d’Isaïe : le Dieu véritable et le néant des faux dieux muets, plaqués d’or (cf. Is 40,19). Le Ps 135(134),6.15-20 répétera ces v.3-6a et 8-11.
Au v.8, le psalmiste demande que les fabricants d’idoles deviennent – comme les statues – incapables d’agir, de proclamer une bonne nouvelle, de s’émerveiller, de comprendre la sagesse, de construire un monde plus juste, de marcher à la rencontre des autres. Ce psaume qui glorifie l’amour et la vérité de Dieu montre comment la foi en un Dieu unique s’est affinée au long des siècles, tellement marqués par le polythéisme ambiant du Proche et Moyen-Orient. Cette marque du monothéisme absolu est apparue après le retour d’exil des israélites à Babylone (VIe s. av. J.-C.) et date ainsi ce psaume dans la période du second Temple.

Pour le v.9, dans la version en hébreu, la « maison » n’est pas mentionnée pour le peuple « Israël ». La version grecque l’a notée. La « maison », parfois traduit par « famille », signifie ici la descendance; celles des prêtres et lévites descendants d’Aaron (v.10) et puis les religieux (v.11). Les v.9a.10a.11a sont une exhortation impérieuse à ces trois groupes à avoir confiance en un unique sauveur et protecteur « Yahvé », ceci par opposition aux « auteurs » d’œuvres de fabrication humaine (v.8)

Au v.12: Dieu « se souvient » c’est-à-dire qu’Il pense à ses créatures et agit avec largesses pour les croyants auxquels Il veut accorder ses bienfaits, le salut qu’ils espèrent. Six bénédictions de Yahvé sont accordées par le psalmiste (v.12-15).

Au v.16b, « les fils d’Adam » désignent les habitants de la planète terre, en relation à Celui qui leur a donné le souffle de vie.

La finale dit que « les morts ne louent pas Dieu », ils en sont inaptes ; le « silence » est cette région souterraine en attente d’existence : ceci révèle que les Israélites ne croyaient pas encore à la résurrection des morts ni même à une survie de l’âme. (cf. Ps 30(29),10b. La louange revient alors comme une nécessité aux vivants et non pas aux défunts. Cet appel à bénir Dieu en permanence et de manière communautaire est le propre des fidèles croyants.

PS : Remarquons que la version des Psaumes en hébreu se termine par l’impératif de la louange: « Hallelu-Yah ! » tandis que la version grecque le rattache au début du Ps 116(114-115).

Réception chrétienne

Si ce psaume n’est pas cité dans le Nouveau Testament, nous pouvons tout de même considérer son importance dans la catéchèse de Jésus. Au v.3a du psaume 115, nous avons « Notre Dieu, il est aux cieux ». C’est dans le même esprit que Jésus nous apprend à prier dans l’évangile selon saint Matthieu : « Notre Père qui es dans les cieux » ou « qui es aux cieux » (Mt 6,9b ; 10,32-33). Cette précision ‘céleste’ pour caractériser Yahvé ou le Père dit Celui qui est à l’origine de tout, le créateur de tout l’univers. Avant de bénir les cinq pains et les deux poissons, Jésus « leva les yeux au ciel » (Mt 14,19; Mc 6,41; Lc 9,16). Jésus lèvera encore les yeux « au ciel » dans sa prière au Père pour rendre grâces avant de rendre la vie à son ami Lazare (Jn 11,41) et pour glorifier son Père dont il a manifesté le nom (Jn 17,1.6), c’est-à-dire révélé et fait connaître l’être personnel qui fait un avec lui.
La référence à « ton nom » du v.1b est utilisée dans la même prière pour demander que Dieu soit « sanctifié » (Mt 6,9c et Lc 11,2). Et cette demande est assortie du binôme « sur la terre comme au ciel » (Mt 6,10c) qui rejoint notre psaume au v.16 : « Le ciel, c’est le ciel de Yahvé, la terre, il l’a donnée aux fils d’Adam. »

Les « idoles » des païens sont toujours à dénoncer. A la suite des prophètes qui luttaient contre les idoles et ceux qui sacralisaient le monde, saint Jacques écrivait il y a bientôt 2000 ans aux riches qui exploitent les ouvriers : « votre or et votre argent sont rouillés » (Jc 5,3). De nos jours, on voit que le Pape François est bien conscient de cette leçon du psalmiste, lorsqu’il « soulève … la question d’un système économique mondial tombé dans l’idolâtrie de l’argent » (in La Croix, 17 mai 2016, p.2). Il s’agit de rester vigilant afin de désacraliser le monde au nom de la Transcendance. De même, l’exégète Adrian Schenker écrivait le 8 mai 2016 : « L’Église locale doit faire face à un milieu ambiant sécularisé et souvent hostile à la foi chrétienne, un peu comme au Québec. C’est un défi qu’il faut relever avec courage et foi. »

Dans la liturgie des heures

Dans la liturgie, le Psaume 115 (113B) est chanté aux vêpres du IIe Dimanche comme un hymne au seul vrai Dieu, rappelant l’affirmation vigoureuse du monothéisme dans l’épître de saint Paul aux Thessaloniciens : « Vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable. » (1 Th 1,9). L’apôtre écrivit également aux chrétiens de Corinthe : « mes chers amis, gardez-vous du culte des idoles. » (1Co 10,14). Il est donc important de devenir à notre tour un « Abraham » capable de renoncer aux objets fétiches ou idoles matérielles et de démasquer les idéologies trompeuses. Prenons le réflexe de bien marquer la prééminence de Dieu, de Lui rendre la première place car Il est une personne sûre, impérissable et le secours final. Ne louez rien que Dieu, car Il reste bienveillant et fidèle (cf. v.1)! Cloué en croix, Jésus nous a secouru ; plus encore, Il nous a sauvé en triomphant de la mort. Son Esprit reste, indéfectiblement, notre meilleur « bouclier » (cf. v.9-11).

fr. Christian Eeckhout, o.p.
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