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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

Le psaume 147 : « Il est grand notre Dieu »

Imprimer Par Michel Gourgues, o.p.

Alleluia!

1Louez le Seigneur,
il est bon de chanter notre Dieu,
douce est la louange.

2 Le Seigneur qui bâtit Jérusalem
rassemble les déportés d’Israël,
3 lui qui guérit les cœurs brisés
lui qui bande leurs blessures ;
4 qui compte le nombre des étoiles,
et il appelle chacune par son nom.

5 Il est grand, notre Seigneur, tout-puissant,
à son intelligence point de mesure.
6 Le Seigneur soutient les humbles,
jusqu’à terre il abaisse les impies.

7 Entonnez pour le Seigneur l’action de grâces,
jouez pour notre Dieu sur la harpe.

8 lui qui drape les cieux de nuées,
qui prépare la pluie à la terre,
qui fait germer l’herbe sur les monts
et les plantes au service de l’homme,
9 qui dispense au bétail sa pâture,
aux petits du corbeau qui crient.

10 Ni la vigueur du cheval ne lui agrée,
ni le jarret de l’homme ne lui plaît ;
11 Dieu se plaît en ceux qui le craignent,
en ceux qui espèrent son amour.

Fête le Seigneur, Jérusalem,
Loue ton Dieu, ô Sion !

Il renforça les barres de tes portes,
il a chez toi béni tes enfants ;
il assure ton sol dans la paix,
de la graisse du froment te rassasie.

Il envoie son verbe sur terre,
rapide court sa parole ;
il dispense la neige comme laine
et répand le givre comme cendre.

17 Il jette sa glace par morceaux :
à sa froidure, qui peut tenir ?
18 Il envoie sa parole et fait fondre,
il souffle son vent, les eaux coulent.

il révèle à Jacob sa parole,
ses lois et jugements à Israël ;
pas un peuple qu’il ait ainsi traité,
pas un qui ait connu ses jugements.
Alleluia!

(Traduction de la Bible de Jérusalem)

Voilà un psaume qui n’en forme qu’un seul en hébreu, mais dont les traductions, en grec et en latin, ont fait deux psaumes indépendants : le psaume 146 formé des versets 1 à 11, et le psaume 147 des versets 12 à 20. Son unité, pourtant, saute aux yeux. Comment expliquer qu’on l’ait ainsi coupé en deux?

Le psaume commence et se termine par un Alleluia. Cela laisse tout de suite pressentir un ton de jubilation et des appels à se réjouir.

D’un bout à l’autre, c’est bien, en effet, d’un psaume de louange qu’il s’agit. Non qu’il s’adresse à Dieu directement en lui disant « Loué sois-tu », « je te loue » ou « nous te rendons grâce » comme d’autres psaumes. C’est plutôt aux croyants que le psaume s’adresse, en les invitant à louer Dieu et en suggérant des motifs à leur louange.

Louez, jouez, fêtez

C’est à trois reprises, en effet, au début (verset 1), au milieu (verset 7) et au début de la dernière partie (verset 12), que ce psaume invite à louer Dieu. « Louez », « jouez », « fêtez », « entonnez l’action de grâce » : en hébreu, deux verbes se répètent, pour lesquels nos traductions multiplient les synonymes. Dans le premier membre de chaque invitatoire, Dieu est d’abord désigné par son nom, « Yahvé » ou « le Seigneur », puis, dans le second membre, comme un Dieu de relation : « notre Dieu » ou « ton Dieu ».

Et qui donc le psaume convoque-t-il ainsi à la louer Dieu? Les deux premiers invitatoires (versets 1 et 7) ne le précisent pas. Formulés à la deuxième personne du pluriel, ils laissent penser tout naturellement qu’ils s’adressent aux croyants en général. En interpellant ceux-ci à la deuxième personne du singulier à travers les désignations collectives de Jérusalem et de Sion, le troisième invitatoire (verset 12) montre que telle est bien la perspective.

Un triptyque

On obtient ainsi un triptyque, avec trois volets (versets 1-6, 7-11 et 12-20). Chacun se présente sur le même modèle, avec une invitation initiale à louer Dieu, suivie de l’énoncé des motifs de louange.

À l’intérieur de chaque volet, les motifs se répètent et s’enchaînent. S’il faut louer Dieu, c’est en tant qu’il est le Dieu d’Israël, le Dieu de la création et le Dieu des croyants individuels. Ou, si l’on veut, le Dieu qu’il convient de célébrer est celui dont l’action et la puissance se laissent voir à travers le déroulement de l’histoire collective et individuelle aussi bien qu’à travers la dynamique impressionnante et la marche réglée du cosmos.

Le Dieu du peuple

D’Israël et de son Dieu, il est question au début du premier volet (versets 2-3), puis au début (versets 13-14) et à la fin (versets 19-20) du troisième.

Dans le premier cas, le psaume paraît évoquer la situation particulière du peuple rentrant de l’exil et témoin de la reconstruction de Jérusalem (verset 2). Ce peuple éprouvé et meurtri est en train de voir ses plaies se cicatriser (verset 3). Grâce à Dieu, enchaînent les versets 13-14, il peut de nouveau goûter la sécurité, la paix et la prospérité.

Tout à la fin (versets 19-20), la perspective se fait plus théologique et intemporelle. Elle chante le privilège unique du peuple que Dieu a choisi entre tous, bénéficiaire de sa parole et éclairé par sa loi.

Le Dieu de l’univers

À trois reprises également, une fois dans chaque volet, la louange est dirigée vers le Dieu tout-puissant qui régit l’univers.

Lui seul connaît l’immensité de l’univers et le monde sidéral lui-même en son mystère n’a pour lui aucun secret, à la différence des humains dont l’intelligence et les perceptions restent limitées (versets 4-5).

Dans l’univers qu’il a créé, tout est bien harmonisé, comme sous la baguette d’un chef d’orchestre. Nuages aux cieux, pluie sur terre, tout vient en son temps pour assurer la fécondité des champs, la subsistance des humains comme celle du moindre des animaux ( versets 8-9).
Dans ce cosmos que Dieu a si bien réglé, tout se passe comme si, obéissant à ses ordres, chaque élément entrait en scène au bon moment : la neige, le givre, la grêle en hiver; au printemps, le dégel qui, sous l’effet du vent chaud, provoque le gonflement des cours d’eau (versets 15-18).

Le Dieu de chacun

S’il rien ne lui échappe de l’immensité des espaces sidéraux, s’il connaît par son nom chacune des étoiles, Dieu connaît aussi chaque être humain et sa sollicitude s’étend jusqu’au plus humble.
« Le Seigneur », proclame le verset 6, « soutient les anawim », c’est-à-dire les petits et les pauvres qui comptent sur lui, laissant à eux-mêmes et à leur suffisance ceux qui choisissent de mener leur vie sans lui.

Plus loin encore, au cœur du second volet, le psaume chante la faveur de Dieu pour les personnes qui s’ouvrent à lui et lui font confiance, par opposition à celles qui, disposant de grands moyens, se fient à leurs propres forces et s’appuient sur leurs seules ressources (versets 10-11).

« Il envoie son verbe sur terre »

À une oreille chrétienne, cette traduction du verset 15 évoquera inévitablement des résonances dont la portée dépasse de beaucoup le sens premier du texte. « Le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente parmi nous » (Jn 1,14): ce n’est évidemment pas ce mystère fondamental de la foi que proclame ce verset. Dans le contexte, où il est question de l’ordonnance du cosmos, ce qui est célébré, c’est plutôt la parole en tant que régulatrice du cours de l’univers terrestre. Le Dieu qui, à l’origine, a tout créé par sa parole, est aussi celui qui, comme le dira l’épître aux Hébreux, soutient l’univers par sa parole puissante (He 1,3).

Et après cette parole régulatrice qu’il situe dans le prolongement de la parole créatrice originelle, le psaume célèbre encore en finale la parole révélatrice : « Il révèle à Jacob sa parole » (verset 19). Celle dont l’épître aux Hébreux encore retracera le cours jusqu’à son terme : « Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé en un Fils. » (He 1,1-2).

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