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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

5e dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par François-Dominique Charles

Je serai ton messager ! Envoie-moi !

Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth : la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu.
Il vit deux barques amarrées au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets.
Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’éloigner un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait la foule.
Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson. »
Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. »
Ils le firent, et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient.
Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient.
A cette vue, Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. »
L’effroi, en effet, l’avait saisi, lui et ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient prise ;
et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses compagnons. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.

COMMENTAIRE

« Malheur à moi, je suis perdu ! » s’écrie le prophète Isaïe. « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre », écrit Paul. « Éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur », dit Pierre. Ce sont trois paroles de croyants, confrontés à la présence mystérieuse de Dieu dans leur histoire personnelle, qui font l’expérience bouleversante de sa proximité et de sa transcendance : Dieu, tout autre que moi, s’est approché de moi ! Dans la Bible, une telle expérience s’accompagne toujours d’un appel et d’un envoi en mission. On ne rencontre pas le Seigneur pour le contempler sans rien faire, en restant immobile, en extase. Quand le Seigneur bouleverse la vie de quelqu’un, c’est parce qu’il a besoin de lui.

Dans une vision, Isaïe entrevoit la grandeur et la gloire de Dieu qui siège « sur un trône très élevé » ; les séraphins qui l’entourent crient « Saint ! Saint ! Saint ! Le Seigneur de l’univers ! » Le prophète se trouve en présence du Seigneur du ciel et de la terre ! Mis en présence du Dieu trois fois Saint, Isaïe prend conscience de son péché. Comment pourrait-il soutenir cette présence du Dieu Saint ? « Malheur à moi ! Je suis perdu ! » La rencontre de Dieu éclaire notre vie et révèle notre péché. Mais, au lieu de nous détruire, cette rencontre nous guérit et nous purifie. Le Saint sanctifie le pécheur ! Et le pécheur devient saint, grâce à l’action de Dieu. Isaïe se trouve ainsi purifié : « Ceci a touché tes lèvres, maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné ! » lui dit le séraphin. Alors, Isaïe entend l’appel : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Et le prophète s’offre à Dieu pour réaliser la mission demandée : « Je serai ton messager ! Envoie-moi ! »

Dans la première épître aux Corinthiens, Paul raconte brièvement son histoire : « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre car j’ai persécuté l’Église de Dieu. » L’apôtre confesse ce qui lui semble être un grand péché : il a persécuté l’Église de Dieu ; en s’opposant à la communauté que Dieu a fait surgir, il s’est opposé à Dieu ! Mais la rencontre sur le chemin de Damas a fait tout basculer : « Il m’est apparu à moi, l’avorton ! » Paul a fait la même expérience que le prophète Isaïe. Il n’a pas rencontré Dieu dans une vision au Temple de Jérusalem, mais dans une vision sur la route de Damas. Alors, il a été purifié de son péché et sa route a changé : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu. » Il faut comprendre ici que c’est la grâce, l’action de Dieu, qui a transformé Paul et qui agit à travers lui ! La grâce a transformé le persécuteur de l’Église en missionnaire de l’Évangile.

Dieu a envoyé son messager Isaïe. Le Seigneur Jésus a fait de Paul un envoyé, un « apôtre », au service de l’Évangile : « Je vous ai annoncé la Bonne Nouvelle, l’Évangile ! » Isaïe et Paul, dans des contextes très différents, ont fait la même rencontre du Dieu vivant. Cette rencontre a bouleversé leur existence : Isaïe est devenu « Messager » ; Paul est devenu « Apôtre ».

Dans l’évangile, Pierre fait la même expérience. Il est dans la barque avec Jésus. Sur son ordre, il jette les filets après une nuit de pêche sans résultat. Et voilà que les filets sont remplis de poissons ; ils se déchirent, tellement il y en a ! À la vue de ce signe, Pierre tombe aux pieds de Jésus. C’est le geste de ceux à qui Dieu manifeste sa présence. Devant le buisson ardent, Moïse tombe la face contre terre. Pierre fait de même devant Jésus : il vient de reconnaître en lui la Présence de Dieu et c’est pourquoi il l’appelle « Seigneur ». Comme Isaïe, comme Paul, comme tous les croyants de la Bible qui sont mis en présence du Seigneur, Pierre confesse son péché : « Éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ! » Mais Jésus le rassure. Le péché de Simon ne fera pas obstacle à la mission qui lui sera confiée : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ! »

Les expériences d’Isaïe, de Pierre et de Paul nous semblent de nature exceptionnelle. Nous n’avons pas vu comme eux le Seigneur de l’univers en vision, nous n’avons pas vu Jésus faire un miracle bouleversant, nous n’avons pas été projetés à terre sur la route de Damas ! Nous avons le sentiment d’être des gens très ordinaires à qui de telles histoires sont loin d’arriver. Pourtant, dans nos vies banales, il y a des moments où nous sommes dans des situations semblables à celles d’Isaïe, de Pierre ou de Paul. Il est un moment où, d’une manière sacramentelle, nous vivons une telle expérience. Au cours des messes, nous reprenons le chant des séraphins : « Saint ! Saint ! Saint ! Le Seigneur Dieu de l’univers. Le ciel et la terre sont remplis de sa gloire. » Nous disons aussi : « Je ne suis pas digne » et « Je suis un homme pécheur ». Dans nos vies ordinaires et banales, nous accueillons l’extraordinaire de la rencontre de Dieu chaque fois que nous nous rassemblons pour la célébration eucharistique. Nous n’en avons pas toujours conscience et c’est pourquoi beaucoup ne vont plus à la messe.

Nous commençons par demander à Dieu de pardonner nos péchés, de purifier nos lèvres, de convertir nos cœurs. Et avant de communier, nous reprenons les paroles du Centurion : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et je serai guéri » (Mt 8,8 ; Lc 7,6). Cette parole ressemble tellement à celles d’Isaïe, de Paul et de Pierre. Nous sommes de pauvres pécheurs. Mais le Saint vient pour nous rencontrer, nous purifier, nous sanctifier. À la messe, nous nous reconnaissons pécheurs, trop loin de Dieu. Alors, comme pour Isaïe, c’est lui qui s’approche et touche nos lèvres pour nous purifier par le feu de sa Présence. Ainsi, la Sainteté de Dieu n’est pas dangereuse pour le pécheur qui reconnaît son indignité et confesse son péché. La Sainteté de Dieu sanctifie le pécheur et lui permet de devenir apôtre, messager. Que le Seigneur nous donne la grâce de répondre à son appel. « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » : « Moi, je serai ton messager ! Envoie-moi ! » À la fin de chaque eucharistie, le Seigneur nous envoie vers tous ceux qui ne le connaissent pas : « allez dans la paix du Christ ! » Alors, allons-y !

Fr. François-Dominique CHARLES, o.p.

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