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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

25e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par François-Dominique Charles

La sagesse de Dieu est toute différente de celle des hommes

Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache.
Car il les instruisait en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé. »

COMMENTAIRE

La sagesse de Dieu est toute différente de celle des hommes ! « Vos pensées ne sont pas mes pensées et mes voies ne sont pas vos voies. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées… » (Is 55,8-9). Cette sagesse de Dieu s’est manifestée dans la Passion de Jésus : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Quelle étrange logique divine ! Quelle incroyable sagesse de Dieu, que la miséricorde oblige à abdiquer de sa puissance pour aller à la rencontre des faibles que nous sommes. Si cette logique était adoptée par les hommes, combien le monde serait différent ! Mais la logique des hommes est tout autre. Le livre de la Sagesse comme l’épître de Jacques nous jettent à la figure les ressorts obscurs et les effets pervers de nos comportements humains. La jalousie, les rivalités, la recherche des plaisirs sont à la source de nos maux : « La jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions mauvaises. »

Dans nos communautés, dans nos lieux de travail, dans nos familles, la jalousie produit des effets destructeurs et les rivalités conduisent tellement souvent à des conflits et à des divisions profondes. La réconciliation et le pardon sont si difficiles à réaliser… Faut-il alors nous étonner qu’à l’échelle du monde, la violence des hommes puisse se déchaîner en tant de lieux de la terre ? Les forces du mal sont destructrices. La jalousie et les rivalités sont à l’origine de tous les grands conflits : l’histoire de notre monde est si souvent, dans nos livres et dans nos films, celle des affrontements et des guerres. Les statues de nos villes, les noms de nos rues n’évoquent trop souvent que des vainqueurs de guerres !

D’où viennent donc ces guerres et ces conflits, s’interroge saint Jacques ? De la violence de nos instincts qui combattent en nous-mêmes, explique-t-il : « Vous êtes plein de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre… Nous savons combien cela est vrai. Celui qui a peut-être le mieux montré combien tous les désordres s’enracinent au cœur de l’homme est probablement Dostoïevski. Le personnage appelé Dimitri, dans « Les frères Karamazov », a cette phrase sans nuance : « Dieu et le diable se livrent combat, et le champ de bataille, c’est le cœur humain. »

Notre attitude est trop conforme à celle exposée par l’auteur du livre de la Sagesse : nous tuons celui qui nous contrarie, celui qui s’oppose à nous. Les stratégies obscures de nos comportements vis-à-vis des autres nous conduisent souvent, si nous n’y prêtons pas attention, au meurtre du frère : nous l’ignorons, nous l’évitons, notre regard le réduit au silence… Nous devenons alors de nouveaux Caïn ou de nouveaux Achab : nos frères deviennent Abel ou Nabot et n’ont plus le droit de nous faire face.

Telle n’est pas l’attitude de Jésus, Sagesse personnifiée du Père. Jésus choisit de prendre la place de Caïn et de Nabot. Il est mis à mort à cause de sa justice. Voilà la difficile sagesse qu’il nous faudrait imiter. Cette sagesse, nous dit saint Jacques, est une sagesse pleine de miséricorde, elle est porteuse de paix, elle est féconde en bienfaits. Cette sagesse sème la justice et rend féconds les artisans de paix : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. » C’est là que réside le secret de la fécondité de la vie de Jésus. Le Fils de Dieu est le Grand artisan de paix. Il a semé la paix dans notre monde de mort en prenant la place de serviteur : Le grain de blé tombé en terre est mort. Il porte désormais beaucoup de fruits.

Le combat essentiel contre les forces du mal qui anéantissent le monde se joue en nous. C’est du cœur des hommes que sortent les intentions mauvaises, inconduite, vols, meurtres… (Mc 7,21). Les premiers moines du désert le savaient, eux qui partaient lutter, dans les solitudes des déserts d’Égypte, contre leurs passions et leur volonté propre. Dans la 5e lettre d’un corpus attribué à saint Antoine du désert, père des moines, on lit : « Chacun d’entre nous s’abandonnait à ses volontés propres pour commettre le mal et s’en rendre esclave. C’est pour cela que Jésus s’est privé de sa gloire, pour prendre la livrée de l’esclave afin que son esclavage fût notre liberté. Livrés à la folie, nous avions connu toutes sortes de maux ; lui a revêtu cette folie afin que, devenue sienne, elle fût notre sagesse. »

Le monde contient trop de gens qui veulent devenir grands ! Il a plutôt besoin d’artisans de paix, de ces gens qui sont appelés « fils de Dieu ». L’humanité est blessée par le mal qui l’habite en chacun de ses membres. Les hommes sont tous pécheurs. Le péché est cette réalité qui nous détruit à l’intérieur de nous-mêmes et qui nous fait, de mille manières, meurtriers de nos frères par jalousie et par rivalité. Jésus nous invite à le suivre sur une autre voie, difficile : celle de la miséricorde et de la Pâque. Il nous invite à prendre la dernière place, celle du serviteur, et à nous livrer à nos frères, à nous mettre à leur service. Nous commencerons alors à découvrir que la paix nous envahit de l’intérieur parce qu’elle est un fruit de l’Esprit de Dieu qui nous anime au-dedans. Nous découvrirons le vrai chemin de conversion, celui que nous invite à emprunter saint Jean dans sa première épître : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide… A ceci nous avons connu l’Amour : celui-là a donné sa vie pour nous. Et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères » (1 Jn 3,16).

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.

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