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Quand on est au bout de son âge

Imprimer Par Jacques Marcotte

Il m’a été donné de vivre une situation particulièrement difficile ces derniers temps. Celle de devoir veiller sur le bien-être de certains confrères dont l’âge a miné les ressources physiques et mentales. Ma responsabilité au sein de la communauté m’a amené à devoir décider du moment où tel de mes frères devrait nous quitter à cause d’handicaps majeurs. Le moment n’était-il pas venu pour lui de se retrouver dans un foyer d’hébergement où lui seraient assurés tous les soins nécessaires ? J’avoue que cette tâche à laquelle je suis confronté m’a fait beaucoup réfléchir sur les motivations et les modalités de cet exercice difficile.

Avec le vieillissement de notre population, il est inévitable que cette situation affecte beaucoup de monde. Quoi faire quand la personne n’est plus capable d’assumer seule les détails de sa vie quotidienne ? Jusqu’à quel point pouvons-nous combler adéquatement ses besoins d’hygiène, de conduite personnelle, de déplacement, de médication, etc. Les besoins élémentaires de la vie intime d’une personne non autonome sont nombreux et ils nécessitent de la compétence, du savoir faire et beaucoup de miséricorde. Et n’est-ce pas au nom de cette miséricorde qu’il nous faut alors nous tourner vers l’extérieur et demander de l’aide ?

Il arrive parfois que la personne elle-même consente à se mettre à l’écart de la communauté pour gagner, dans les secteurs publics ou privés, l’accès à des soins plus professionnels. Ce qui libère pour autant les confrères ou la parenté de corvées répétitives assez exigeantes. Mais il y a aussi les cas où la personne en cause s’accroche et ne veut pour rien au monde quitter sa demeure. Elle dénie même cette incapacité où elle se trouve pour décider de ce qui convient dans les circonstances. Avoir à ce moment-là à nous substituer à son jugement, pour le bien de cette personne, voilà une responsabilité qui est bien lourde.

Dans les cas qui m’occupe, je sais que la communauté dans son ensemble appuie sans réserve la décision de placer dès que possible telle personne dans une institution spécialisée. Or je constate que devant l’inévitable et l’incontournable, j’ai cherché à gagner du temps. Fallait-il attendre le moment favorable, une opportunité miracle ? Comme si, par magie, les choses allaient se régler d’elles-mêmes ? Fallait-il y aller avec autorité et force pour qu’on n’en parle plus ? Faut-il se durcir le cœur…? Comment gérer sereinement cette responsabilité ? Le groupe ne doit-il pas être jusqu’à la fin un havre de tendresse, de miséricorde et de communion pour tous ses membres ?

Quoi qu’il arrive, il y a un deuil et une tristesse à vivre. Le sentiment de culpabilité accompagnera toujours les manœuvres radicales et les ruptures même nécessaires dans le domaine des relations humaines. On a beau se dire : il faut faire ce qu’il faut. Ou bien répéter à l’intéressé quel bon service on lui rend, ou qu’il doit nous faire confiance. Il y a une part d’eugénisme dans notre démarche. Difficile qu’il n’y ait pas un peu de rêve et d’utopie dans la recomposition d’une communauté.

Peut-être que cette démarche si laborieuse à poursuivre auprès de telle personne doit-elle passer d’abord par une réflexion personnelle sur soi-même ? Il faut nous dire en toute sagesse que bientôt ce sera notre tour à chacun chacune… de laisser la place à d’autres, et de laisser les autres veiller sur nous et décider de notre propre sort. Ainsi va la vie ! Hier c’était lui, aujourd’hui c’est nous, demain sera un Autre.

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