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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

Dimanche de Pâques. Année B.

Imprimer Par François-Dominique Charles

Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Le matin de Pâques, Marie-Madeleine courut trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là,
et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

Commentaire

Enfin, c’est Pâques. Quelle joie de pouvoir chanter « alléluia » après quarante jours où l’Église nous en avait privés : pendant le Carême, en effet, on ne prononce plus ce mot avant de proclamer l’évangile au cours des messes. C’est là une tradition bien latine car nos frères chrétiens d’Orient apprennent à jeûner et à se convertir pendant le temps du Carême en multipliant les « alléluia ». Pour nos frères orthodoxes, le jeûne n’a de sens que s’il est pratiqué dans la joie du cœur, dans la louange et l’action de grâce. Comme le demande Jésus, dans le passage du Sermon sur la Montagne que nous avons entendu le mercredi des Cendres, tous les efforts de carême doivent être faits en secret car la véritable conversion concerne le fond du cœur ; c’est de là aussi que peut monter cette louange et cette joie qui sont des signes de la présence du Saint Esprit dans le cœur du croyant.

Dans la nuit du Samedi Saint, la liturgie latine nous fait chanter un grand nombre de fois « Alléluia ! » Dans beaucoup de lieux, avant la proclamation de l’évangile de la résurrection, on reprend à trois reprises le chant du traditionnel grand Alléluia grégorien ; c’est d’abord le prêtre ou le diacre qui l’entonne, en montant d’un demi-ton à chaque fois, puis il est repris par toute l’assemblée qui remplit ainsi l’église de son acclamation de plus en plus forte. Ce grand alléluia pascal précède la proclamation solennelle de l’évangile dans lequel est annoncée la bonne nouvelle de la résurrection de Jésus d’entre les morts : « C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé au tombeau. Il vit et il cru. Jusque là, en effet, les disciples ne savaient pas que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ! »

Le mot « Alléluia » ne se trouve pas dans les évangiles, ni dans les lettres de saint Paul. C’est un mot hébreu. On le trouve surtout dans le livre des Psaumes qui contient des prières très anciennes de la liturgie israélite. Ce mot veut dire : « Louez le Seigneur ! » Les plus anciennes traductions de la Bible ont gardé précieusement ce mot : on ne l’a pas traduit ; on l’a simplement transcrit. Ainsi, quelles que soient les langues des croyants juifs ou chrétiens, tous nous pouvons crier ensemble ce mot biblique par lequel nous nous invitons les uns les autres à chanter la louange de Dieu qui aime l’humanité et veut sauver tous les hommes (cf. 1 Tm 2,4 ; 4,10) ! En effet, celui qui prononce ce mot ne peut se réjouir tout seul. Il invite tous ceux qui l’entourent à se réjouir avec lui. Mais sa joie a sa source dans la certitude de la fidélité du Seigneur envers lui et tous ceux qui l’aiment. « Alléluia ! » veut dire : « Venez tous pour louer Dieu avec moi, car il a fait des merveilles pour moi et pour nous tous ! » Chanter « alléluia » tout seul n’a guère de sens puisque prononcer ce mot implique d’appeler les autres à s’unir pour chanter ensemble la louange de Dieu.

Toutefois, n’hésitons pas à chanter souvent du fond du cœur cet « alléluia » pendant les cinquante jours de ce temps pascal, même si nous sommes seuls ! Car la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur vient illuminer la nuit épaisse de l’humanité empêtrée dans trop de drames, de peines et de soucis. Laissons l’aurore de Pâques s’infiltrer dans nos cœurs endormis et les éveiller à la louange universelle qui s’exprime par le chant de l’« alléluia ». Dans l’Église ancienne, il était interdit de jeûner pendant le temps pascal et de prier à genoux. Il était conseillé de prier debout, dans la position du Seigneur qui s’est levé d’entre les morts. Le temps de Pâques est un temps où la lumière du Seigneur ressuscité peut entrer partout où il fait sombre : cinquante jours pour que la joie profonde fasse fuir nos peurs et nos doutes.

Il y a dans les psaumes de très belles acclamations que nous pouvons reprendre sans modération durant ces cinquante jours : « Alléluia ! Rendez grâce au Seigneur car il est bon, car éternel est son amour ! » (Ps 106,1) ; « Alléluia ! Louez, serviteurs du Seigneur ! Louez le Nom du Seigneur ! » (Ps 113,1) ; « Fort est son amour pour nous, pour toujours sa vérité, alléluia ! » (Ps 117,2) ; « Alléluia ! Loue le Seigneur ô mon âme ! Je veux louer le Seigneur tant que je vis, chanter pour mon Dieu tant que je dure ! » (Ps 146,1-2) ; « Alléluia ! Qu’il est bon de chanter notre Dieu ! Douce est la louange ! » (Ps 147,1) ; « Alléluia ! Louez le Seigneur depuis les cieux ! Louez-le dans les hauteurs ! » (Ps 148,1) ; « Alléluia ! Chantez au Seigneur un chant nouveau, sa louange dans l’assemblée de ses fidèles ! » (Ps 149,1) ; « Alléluia ! Louez Dieu dans son sanctuaire, louez-le au ciel de sa puissance ! » (Ps 150,1) ; « Que tout ce qui vit et respire loue le Seigneur ! Alléluia ! » (Ps 150,6). Cette acclamation finale du psautier convient bien à la solennité pascale où Marie-Madeleine, courant vers Pierre et les apôtres pour leur annoncer que le tombeau est vide, semble leur dire : « Allez vite au tombeau de Jésus ! » ; « vous verrez qu’il est vide ! » ; « Alléluia, le Seigneur est ressuscité ! Que tout ce qui vit et respire crie : Alléluia ! »

Dans le Nouveau Testament, le mot « alléluia » ne se trouve que dans des acclamations liturgiques ; elles sont toutes au chapitre 19 du livre de l’Apocalypse : « J’entendis dans le ciel comme la voix forte d’une foule immense qui clamait : ‘Alléluia ! Le salut, la gloire et la puissance sont à notre Dieu !’ » (Ap 19,1) ; « Les vingt-quatre vieillards et les quatre vivants se prosternèrent pour adorer Dieu qui siège sur le trône en disant : ‘Amen ! Alléluia !’ » (Ap 19,4) ; « J’entendis comme la voix d’une foule nombreuse, comme la voix des eaux nombreuses, comme la voix de puissants tonnerres, disant : ‘Alléluia ! Car il a pris possession de son règne, le Seigneur tout-puissant !’ » (Ap 19,6). Ces acclamations liturgiques sont des témoins d’un emploi de ce petit mot dans la liturgie chrétienne des premiers temps de l’Église pour exprimer la grande joie de la victoire du Seigneur sur la mort et sur les puissances du mal. Ce petit mot de rien du tout, « alléluia », est proclamé par la foule immense des amis de Dieu : il devient ainsi, parce que clamé par les foules humaines immenses, plus bruyant que les plus grandes cascades comme les chutes Victoria, celles d’Iguaçu ou celles du Niagara ; plus bruyant même que le plus fort des coups de tonnerre !

Puissions-nous en ces jours de grande joie nous inviter les uns les autres à acclamer le Seigneur du ciel et de la terre dans nos liturgies pascales qui se termineront toutes durant ces cinquante jours par un « alléluia ». Que nos églises chantent et dansent de joie comme on sait si bien le faire dans les communautés chrétiennes d’Afrique. Ne restons pas comme morts dans nos églises, souvent si vides et tristes. Et parce que la résurrection de Jésus est certainement l’événement le plus important de toute l’histoire de l’humanité, même si nos medias l’ont probablement oubliée, chantons par toute notre vie l’acclamation qui conclura toutes les eucharisties du temps pascal : « Nous rendons grâce à Dieu ! Alléluia ! Alléluia ! »

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.

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