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Jean PROULX. En quête de sens sur les traces du Dieu cosmique

Imprimer Par Jean-Claude Breton

cosmiqueCeci n’est pas un livre spécifiquement chrétien, même s’il est truffé de références et de valeurs chrétiennes. C’est un livre porté par l’idée du pari de Pascal, en faveur de l’existence de Dieu, mais opposé à la conception pascalienne de Dieu. Le Dieu des philosophes est préféré à celui d’Abraham, Isaac et Jacob… et Jésus.

Je me dois d’inscrire tout de suite une remarque destinée à ceux et celles qui ont suivi mes cours et qui vont se demander: «Qu’est-ce qui lui arrive: se mettre à parler du Dieu cosmique?» Ma réponse est simple. Je ne suis pas devenu un partisan de cette approche de Dieu, mais je respecte celle de Jean Proulx, qui avoue sa foi et cherche à en rendre compte. Il ne prétend donc pas rendre Dieu évident et l’imposer comme un objet ordinaire de connaissance, mais relever le défi de montrer qu’il peut être raisonnable de parler de Dieu à partir du cosmos.

UN PROJET EMBALLANT

L’ouvrage se déploie en quatre parties, pas toutes d’égale longueur, mais toutes remplies à profusion de citations anciennes et contemporaines. La première partie porte sur le divin et explore la définition du Dieu cosmique. Il y a là une analogie entre la kénose chrétienne et l’autolimitation de Dieu dans le cosmos qui mériterait d’être précisée, pour ne pas évacuer l’altérité de Dieu.

Dans la deuxième partie, l’univers, l’auteur explore «le déploiement de l’Esprit universel». L’expression montre bien la façon habituelle de fonctionner de Proulx. Les citations sont nombreuses encore une fois et elles sont reliées de façon un peu superficielle. On marche d’un sommet de montagne à l’autre, sans trop tenir compte des fondements et des racines. J’évite le soupçon de concordisme ou de syncrétisme voulu, mais il y a des rapprochements qui posent question. Parler de l’âme des êtres chez Aristote pour rendre ce qu’il appelait la forme, peut être suggestif, mais il y a là un peu de récupération chrétienne. Et je pourrais multiplier les exemples.

La troisième partie ouvre sur la vie organique et la prodigieuse émergence et offre une occasion privilégiée à l’artiste Proulx de parler de création.

Enfin, la quatrième partie, la plus longue, traite de l’être humain confronté au défi d’être «l’artiste de la vie». Le projet est emballant et proposé avec beaucoup de dynamisme, mais je trouve que la dimension éthique y occupe une place un peu trop importante.

AGRÉABLE DE PENSER À DIEU

Je reconnais que Jean Proulx a bien mené son entreprise et qu’il offre une réflexion sur Dieu qui plaira à beaucoup de nos contemporains. Il écrit bien et son mélange habile des images et des citations crée un monde enchanté où il devient agréable de penser à Dieu, voire de désirer entrer en relation avec lui.

Malgré, toutefois, le nombre imposant de références à des maîtres de toutes les époques, ceux que Proulx appelle ses guides, on ne peut pas dire que ce livre soit une réflexion systématique, qui emporte la conviction. Au fond, non seulement l’auteur témoigne de sa foi dans le Dieu cosmique, mais aussi de sa démarche pour rendre raisonnable à ses yeux son geste de foi. En ce sens, il est bien difficile de reprocher quoique ce soit à ce projet. Mais il serait aussi bien audacieux de voir là un produit philosophique ou théologique (l’auteur se reconnaît ces deux compétences) systématique. Je parlerais plutôt d’un écrit suggestif, et j’ajouterais réussi. À la manière des impressionnistes en peinture, l’auteur marque une rupture avec une forme d’académisme antérieure, mais sans parvenir, à mon avis, à une nouvelle pensée aussi solide que l’ancienne.

DES AVENUES NOUVELLES

Je ne conseillerais pas ce livre aux habitués des philosophes et théologiens «professionnels», car ils risquent d’être déçus ou même de développer une résistance. Mais pour les personnes que la question de Dieu intéresse et qui ne se croient pas capables de lire les ouvrages savants sur le sujet, le livre de Proulx ouvre des avenues nouvelles, qu’elles apprécieront sans doute.

Jean PROULX. Préface de Jacques Languirand, Montréal, Le Jour, 2011, 297 pages

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