On aime vraiment Dieu si on aime son prochain
Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent,
et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve :
« Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? »
Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
Voilà le grand, le premier commandement.
Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Tout ce qu’il y a dans l’Écriture – dans la Loi et les Prophètes – dépend de ces deux commandements. »
COMMENTAIRE
L’accueil de la Bonne Nouvelle de l’Évangile a produit dans la vie des chrétiens de Thessalonique une vraie conversion : en se tournant vers Dieu, ils se sont détournés des idoles ! L’écoute de la Parole de Dieu nous appelle et nous engage à changer de vie, à nous détourner d’une religion idolâtrique ! La Parole de Dieu de ce jour contient un appel à se détourner des idoles pour choisir le vrai Dieu. Cela revient sans cesse dans toute la Bible : la Loi de Moïse, les Prophètes et l’enseignement de Jésus.
Dans le livre de l’Exode, le peuple de Dieu proclame solennellement à trois reprises dans le désert du Sinaï : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons ! » (Ex 19,8 ; 24,3.7). Malgré cela, le peuple trahira cet engagement solennel. En Exode 32, il se fait une idole, un veau d’or : il se détourne du Seigneur et revient à une religion idolâtrique. Il n’est donc pas facile de vivre les exigences d’une véritable conversion !
Le passage de l’Exode de la première lecture de ce dimanche appartient à ce qu’on appelle le « Code de l’Alliance ». C’est un développement du Décalogue énoncé au chapitre 20. Le Code de l’Alliance constitue une sorte de développement pratique des prescriptions générales du Décalogue. Mettre en pratique les dix commandements, c’est respecter très concrètement les étrangers, les veuves et les orphelins. Car toucher à eux revient à s’en prendre à Dieu lui-même qui entend leur souffrance et leurs cris, lui qui – comme il le dit dans le texte – est « compatissant ».
On ne peut pas être fidèle à Dieu sans être respectueux des autres, surtout des personnes fragiles et vulnérables. Notre relation à Dieu se vérifie dans notre respect des autres, dans notre recherche de la justice. « Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et qui n’aime pas son frère qu’il voit est un menteur ! » (1Jn 4,20). Notre attitude religieuse sera vraie et non pas idolâtrique si elle implique une charité concrète, en actes, qui nous conduit à défendre le droit de ceux qui sont sans défense et menacés par les forts ! « C’est par les œuvres que je te montrerai ma foi » écrit saint Jacques (Jc 2,18).
Dans son enseignement, Jésus rappelle cette évidence fondamentale : le prochain et Dieu ne sont pas à dissocier ; si je veux vraiment aimer Dieu, je dois commencer par respecter mon prochain et le défendre quand il est en danger. Qu’on se souvienne de la parabole du bon Samaritain dont l’attitude est exemplaire et opposée à celles des religieux juifs qui se détournent de l’homme laissé à demi mort par les bandits ! Se tourner vers Dieu, c’est se convertir de son égoïsme en s’ouvrant aux autres ! C’est cela qui constitue le cœur de l’enseignement de Jésus et c’est cela qu’il réalise lui-même dans toute sa vie et sa conduite. Quand il rencontre des personnes vulnérables, il les accueille toujours et leur apporte son soutien. Surtout, il va jusqu’à donner sa vie pour nous. La vraie conversion a des répercutions dans notre vie concrète. Se détourner des idoles, c’est nous tourner vers nos frères qui sont les vraies images de Dieu ! C’est cela que le Seigneur attend de nous : « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’aurez fait » (Mt 25,40).
Le plus grand commandement enseigné par Jésus, c’est d’aimer le Seigneur de tout son cœur et, dans le même mouvement, d’aimer son prochain ! Paul, dans l’épître aux Galates (Ga 5,14), pousse plus loin cet enseignement de Jésus en disant que toute la Loi se résume en un seul commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ! La vie chrétienne consiste donc à aimer Dieu en aimant ses frères. C’est comme cela que nous sommes de véritables disciples de Jésus : « Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples si vous avez de l’amour les uns pour les autres ! » (Jn 13,35). C’est notre attitude envers nos frères qui vérifie la vérité de notre foi, de notre relation à Dieu.
Malheur à nous si nous ne pensons qu’à nous-mêmes car notre religion devient idolâtrique et nous risquons de ressembler au riche de la parabole de Jésus qui se retrouve en enfer après sa mort pour avoir oublié le pauvre Lazare ! Dans le passage de la fin du chapitre 25 de l’évangile de Matthieu, les hommes ne sont pas jugés sur leur pratique religieuse et leur foi mais sur la charité : nourrir ceux qui ont faim, accueillir l’étranger, vêtir ceux qui sont nus, visiter les malades et les prisonniers. La charité est l’âme de la vie chrétienne. C’est par la charité que se vérifie la vérité de la foi ! Saint Paul a donc raison d’écrire : « Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ! »
Frère François-Dominique CHARLES, o.p.