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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

33e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Daniel Cadrin

Vigilance et résistance

Certains disciples de Jésus parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles. Jésus leur dit : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? »
Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom en disant : ‘C’est moi’, ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et çà et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel. Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom. Ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n’avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »

COMMENTAIRE

« Des jours viendront où ce que vous admirez sera détruit. Des jours viendront où vous vivrez des temps de troubles et de confusion. Des jours viendront où vous ferez face à la persécution. » Ce discours de Jésus à ses disciples est plutôt inquiétant. Il le fait au Temple de Jérusalem, centre de la vie religieuse de son peuple. Au temps où Luc écrit, ce temple a été détruit par le pouvoir romain. La tradition juive a dû alors se repenser sans ce haut lieu. Et elle y a réussi. La phrase de Jésus est lapidaire : tout sera détruit. En fait, il reste un mur, objet de vénération et de controverses.

Les troubles de toutes sortes et les persécutions sont advenus et continueront d’arriver. Ce qui est intéressant et même encourageant dans les paroles de Jésus, c’est son appel à la vigilance et à la résistance. Dans les temps de crise, les faux prophètes abondent, aujourd’hui comme hier, qui nous annoncent la fin imminente ou la solution miracle. Nous en voyons de tous genres sur nos écrans. Les consignes de Jésus sont claires : prenez garde, ne suivez pas, n’ayez pas peur. Ne vous laissez pas avoir par n’importe quelle fable exaltante ou stupéfiante. Gardez l’œil ouvert, tenez-vous debout, avec cette confiance lucide qui regarde de près et voit plus loin.

Les disciples de Jésus ont affronté l’hostilité de leurs proches et des pouvoirs publics assez rapidement. Déjà au temps de la mission de Pierre et Paul dans les années soixante, des milliers de chrétiens seront éliminés. Dans la suite de l’histoire, périodes de calme et d’adversité se succéderont, variables selon les régions et les régimes politiques. Au 20ème siècle, les États totalitaires, au nom de l’athéisme ou du néo-paganisme, chercheront à détruire toute source de résistance, de pensée différente. Les Églises chrétiennes, parmi d’autres groupes, paieront un lourd prix en vies humaines et souffrances. Cela n’est d’ailleurs pas terminé. Aujourd’hui même, des chrétiens sont persécutés systématiquement par des fanatiques politico-religieux dans des pays du Proche-Orient où ils sont présents depuis le premier siècle. En d’autres endroits, leur liberté religieuse est réduite au minimum.

Ici, l’approche est différente; il s’agit plutôt d’un certain harassement et du mépris face à la foi chrétienne. Ce rôle est exercé par les grands médias qui, ayant remplacé l’Église comme définisseurs du sens et de la rectitude, tolèrent peu de voix dissidentes. Pour que tous participent allègrement dans le grand marché mondial de la consommation et du divertissement, il vaut mieux tasser dans le coin ou ridiculiser tout ce qui se rapporte à la tradition judéo-chrétienne. Clichés, mythes, inventions se mêlent aux faits historiques pour alimenter cette dérision.

Les consignes de Jésus face à l’hostilité rencontrée dans le monde privé ou public sont elles aussi encourageantes. Il appelle à ne pas s’énerver! Il invite même à saisir l’occasion pour rendre témoignage. Ce n’est pas facile, évidemment, car cela suppose de résister aux nouveaux conformismes ambiants, d’oser faire entendre une autre voix dans le chœur de la pensée unique. Mais cette consistance est possible, nous dit Jésus, parce que nous ne sommes pas seuls, abandonnés. Le Vivant demeure parmi les siens pour leur inspirer les paroles de sagesse. Peut-être n’osons-nous pas assez y faire appel ou hésitons-nous trop à plonger. Nous ne sommes pas sûrs de la présence d’un sauveteur près de l’eau! Ou nos mots semblent si fragiles pour annoncer une joyeuse nouvelle. Pourtant, cette longue aventure spirituelle, qui tient encore la route, n’a pas commencé autrement que par des paroles d’espoir, des gestes de bonté et des témoins qu’un souffle intérieur a rendus audacieux.

La clé qui permet d’ouvrir ces portes de la vigilance et de la résistance pour en tirer des trésors est donnée à la fin. Il s’agit d’un mot riche, un peu oublié, et chargé d’avenir : la persévérance, ou la constance. Un mot que Paul utilise fréquemment dans ses lettres, quand il parle de situations de détresses et d’épreuves. Persévérance, comme dans tenir, ténacité, avec un mélange de patience et de fidélité. Au bout du chemin, ou plutôt sur le chemin même, cela donne naissance à l’espérance.

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