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Aventure spirituelle

Quand le cœur se rappelle…

Imprimer Par Carmelle Bisson

C’était le 2 octobre 1992. Quatre-vingts personnes avaient participé à une journée de ressourcement liturgique à la Fédération des Augustines à Sillery.

«Sanctifier le temps et être sanctifié par le temps», tel était le thème retenu pour les entretiens du père Denis Gagnon, O.P. Faire surgir un nouveau souffle et ce, en parlant des réalités de tous les jours, n’était pas une mince affaire. Prendre le temps… de parler du temps, pensez-y un instant. Prendre le temps… de célébrer, comme si le temps s’arrêtait, voilà une autre chose. Et prendre le temps de le faire, à la fin d’une journée, quand l’activité prévue est terminée, c’est toute une autre affaire.

UN RISQUE

Pourtant, c’est ce risque que nous avons pris. Inviter les participants et les participantes à vivre une courte célébration, au terme de cette journée, pour faire monter vers Celui qui est maître du temps, toute louange, tout honneur et toute gloire. Prendre le temps de célébrer ce que le temps nous a permis d’accueillir aujourd’hui comme hier.

UN DÉFI

De plus, risquer le choix du Psaume 109 pour soutenir la prière se présentait comme un défi. En effet, ce psaume très difficile à saisir s’offre à la prière des assidus de la Liturgie des Heures tous les dimanches soir, à l’Office de Vêpres, et très souvent lors des solennités et fêtes. Comment faire éclater la vie de ce psaume, en libérer la richesse, vu l’importance que lui accorde la prière officielle de l’Église? Qui sont ceux et celles qui aiment ce psaume au point de le prier vraiment et de s’«abreuver en chemin» (v. 7) ? Ces questions sont venues raffermir notre choix pour l’orientation de la prière, d’où une invitation également à entrer dans le mystère du Fils: «Comme la rosée qui naît de l’aurore, je t’ai engendré.» (v. 3b).

Suivez-moi maintenant jusque dans ce lieu de prière… voyez ce que je dis, écoutez ce qui se vit et entrez dans le mouvement d’adoration.

UNE ICÔNE

Une à une, les personnes pénètrent dans la grande chapelle. Un profond silence se révèle Présence et les accueille. Prendre le temps… de déposer le poids du jour. Tout au pied de l’autel, l’icône de la Trinité s’offre au regard. Une icône? L’icône est une parole de foi traduite en image. Elle est chemin d’intériorité et de contemplation pour celui ou celle qui se laisse pénétrer par son mystère. Icône de la Trinité? Une invitation à entrer dans le mystère de communion des Trois à la manière d’un chemin tracé qui ouvre sur l’invisible. Voir avec le cœur et entendre déjà: «Siège à ma droite» (v. 1b), «je t’ai engendré»,(v. 3b), «tu es prêtre à jamais» (v. 4b).

Pendant que la paix s’installe, le Père Denis fait son entrée et se dirige à l’ambon. L’ouverture de la célébration se présente comme une alternance heureuse de versets psalmiques dialogués avec la communauté réunie. Prendre le temps… d’entrer en prière. Cette façon d’introduire la prière permet de creuser un sillon pour accueillir la Parole et de s’apaiser pour pénétrer dans le mouvement de l’Esprit. Si l’éparpillement nous a gardés dispersés lors du premier verset, la proclamation du second ou du troisième, nous sollicitera à reprendre le chemin de l’intériorité au contact des frères et sœurs déjà envahis par la Parole proclamée.

Soudain, les voix se taisent. Comme dans un léger murmure de source, l’orgue prend le relais dans des harmonisations qui annoncent et soutiendront tout à l’heure la prière du Psaume 109. Tiens! On apporte un plat d’encens fumant que l’on dépose au pied de l’icône. L’encens? Parfum d’agréable odeur pour l’offrande et que les Mages offrirent au Sauveur pour signifier sa divinité. Elle forme une nuée qui rappelle celle qui guidait le peuple hébreu au désert. N’a-t-il pas été dit aussi: « De la nuée, une voix disait: Tu es mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour, écoutez-le.» (Matthieu 17, 5) Prendre le temps… de communier à l’Invisible.

LA LUMIÈRE

Un cierge est allumé et brille tout près de l’icône. La lumière? Le Christ est là, bien vivant, comme au matin de Pâques. La lumière a surgi des ténèbres, les yeux des aveugles voient et ils le reconnaissent à la fraction du pain. « Je suis la Lumière du monde, celui qui marche à ma suite aura la Lumière de la Vie éternelle.» (Jean 2, 12) Prendre le temps… d’accueillir le Vivant, le Verbe fait Lumière.

Une plante fleurie est apportée et vient compléter le décor. Des fleurs? C’est fête. Nous sommes réunis au nom de Jésus pour proclamer qu’II est le Messie prophétisé, le Fils bien-aimé, le prêtre à jamais et Celui qui a marché sur nos chemins. Prendre le temps… de célébrer ensemble la joie de Celui qui est, qui était et qui vient. Tout est en place maintenant.

Sur un air majestueux, du type «choral», le Psaume 109 est entonné et chanté en deux chœurs. Une impression de grandeur se dégage de la mélodie, intentionnellement d’ailleurs. Le psaume semble habité par un souffle nouveau. Une mise en présence du mystère qu’une simple psalmodie ne réussit pas à créer. Une sorte de dépaysement qui a pour effet de vous étonner et de vous appeler à l’adoration «en esprit et en vérité». Cette disposition du cœur étant créée, un silence s’installe, comme un temps de mûrissement, à la fin de la prière chantée de ce psaume.

UN REFRAIN

Soudain, ce silence est rompu par un refrain interprété par une soliste: «Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.» D’un seul cœur, l’assemblée répond en empruntant la même acclamation. C’est maintenant tout le cantique de Philippiens 2, 6-11 qui est chanté par la même soliste dont la voix a le don de vous intérioriser. Un passage vient de s’effectuer: ce qui était annoncé dans l’Ancien Testament se réalise maintenant dans le Nouveau. Il est bon de nous en souvenir lorsque nous prions les psaumes. Une bonne manière de le faire est justement d’entrer dans la prière du «Christ Jésus qui n’a pas revendiqué le rang qui l’égalait à Dieu mais s’est anéanti, prenant la condition de serviteur» (Philippiens 2, 6-7a).

Toute prière se doit également d’être «lieu d’incarnation». Il était donc tout indiqué de reprendre le psaume en une prière d’intercession pour nous-mêmes et pour le peuple de Dieu.

Originale, n’est-ce pas, cette façon de s’approprier un psaume? Preuve en est aussi que le cœur n’a jamais fini de puiser dans l’héritage psalmique s’il se laisse mouvoir par l’Esprit qui a inspiré de telles prières. De même, l’oraison de conclusion a fait corps avec le psaume tout entier. Une autre façon de demander au psaume de nous parler «maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.»

QUAND LE CŒUR SE RAPPELLE…

… il revoit aussi la paisible joie que les visages livraient comme message au sortir de cette célébration;
… il réentend les paroles d’émerveillement, telle une source à l’intime de l’être qui jaillit librement;
… il perçoit de nouveau l’appel à la prière renouvelée «en Église».

Carmelle Bisson, A.M.J.

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