Le petit catéchisme de mon enfance m’a révélé qu’il existe sept principaux péchés, des péchés capitaux. L’un d’entre eux s’appelle l’avarice. À l’époque, le mot déclenchait des sourires au Québec à cause d’un roman de Claude-Henri Grignon, Un homme et son péché. La radio et la télévision ont popularisé cette œuvre littéraire. Le personnage principal, l’avaricieux, s’appelle Séraphin Poudrier. Il est devenu tellement populaire au Québec qu’on dit d’un avare : «C’est un séraphin!»
Le péché de Séraphin Poudrier relevait de la caricature. Les «adorations» de l’avare ne nous scandalisaient pas beaucoup. Elles étaient si exagérées que nous ne pouvions pas imaginer que l’avarice soit un péché répandu. D’autant plus que les riches n’étaient pas très nombreux parmi les Canadiens français. Les revenus en général modestes ou inexistants ne permettaient pas de sombrer dans l’avarice.
De nos jours, nous ne parlons plus ou presque de l’avarice. Les reprises de Un homme et son péché à ArtTV attirent moins de téléspectateurs. Mais le péché n’est pas disparu pour autant. Et il est probablement plus répandu qu’on ne le laisse paraître. Les spectaculaires détournements de fonds de Bernard Madoff, Earl Jones et Vincent Lacroix ne sont peut-être que l’infime pointe émergeante d’un iceberg que le réchauffement de la planète ne réussira pas à faire fondre.
Engranger n’est pas mal en soi. C’est souvent de la prévoyance. Le patriarche Joseph, fils de Jacob a combattu la famine en faisant des réserves au cours des bonnes années (Genèse 41, 46-57). En soi, faire de l’argent n’est pas une mauvaise entreprise. Pour contrer la pauvreté , ne faut-il pas en produire?
Le mal commence quand on accumule pour accumuler, quand on collectionne pour collectionner. À plus forte raison quand on fait des réserves au détriment des autres, quand on détourne à son profit personnel des biens qui appartiennent à tout le monde dans un partage équitable. Dans le roman de Grignon, Séraphin n’aimait que l’argent. Replié sur lui-même, il entassait son or et oubliait ses semblables. Il était tellement esclave de ses richesses qu’il n’avait aucune compassion pour les autres.
À l’opposé de l’avarice se trouve le partage. Partager est un acte de générosité et d’ouverture aux autres. Bien plus, c’est un acte de justice. Au temps de l’Antiquité chrétienne, on croyait que la nature produisait tout ce qu’il fallait pour venir en aide à tous les humains, et seulement ce qu’il fallait. Ce qui faisait dire à un Père de l’Église : «Ce que tu possèdes et qui ne t’est pas nécessaire, tu le retiens au détriment de ton semblable. C’est le bien d’un autre. Tu l’as volé.»