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Méditation chrétienne

A frère Raymond de Capoue, de l’ordre des Frères prêcheurs. Du zèle pour le salut des âmes, et de l’amour des souffrances

Imprimer Par Catherine de Sienne

Catherine Benincasa naquit dans une famille de teinturiers. Elle se consacra très jeune à Dieu. À l’âge de quinze ans, elle entra chez les sœurs de la Pénitence de saint Dominique (tiers ordre). Auteur mystique (le Dialogue, les Oraisons), elle intervint publiquement dans la vie de l’Église en demandant au pape Grégoire XI de quitter Avignon pour Rome, puis en luttant pour mettre fin au grand schisme d’occident. Elle fut proclamée docteur de l’Église en 1970 et co-patronne de l’Europe en 1999.

AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE

A frère Raymond de Capoue, de l’ordre des Frères prêcheurs.*

1. Mon très cher et bien-aimé Père et Fils en Jésus-Christ, que m’a donné la douce Vierge Marie, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir les enfants véritables et les hérauts du Verbe incarné, le Fils de Dieu, non seule­ment par la parole, mais par les œuvres, à l’exemple du Maître de la vérité; qui a fait le bien avant de l’annoncer. C’est ainsi que vous porterez du fruit, et que vous deviendrez le canal par lequel Dieu répandra sa grâce dans le cœur des auditeurs. Apprenez, mes enfants, que nous ne pourrons jamais acquérir la sainteté et la faim de l’honneur de Dieu et du salut des âmes, si nous n’allons pas à l’école du Verbe, l’Agneau immolé et abandonné sur la Croix. C’est là seulement que nous apprendrons la vraie doctrine. Il l’a dit lui-même : « Je suis la voie, la vérité, la vie, et personne ne peut aller au Père, si ce n’est par moi » Que l’œil de votre intelligence s’ouvre donc pour voir ; prêtez l’oreille, et entendez la doctrine qu’il vous donne. Voyez-vous vous-mêmes ; car vous vous trouverez en lui, et vous le trouverez en vous. Vous trouverez en lui qu’il vous a créés, par grâce et non par obligation, à son image et ressemblance ; et vous trouverez en vous l’infinie bonté de Dieu, qui a pris notre ressemblance par l’union qu’il a faite de la nature divine avec la nature humaine.

2. Que nos cœurs se brisent et se fendent en voyant ce feu, ces flammes d’amour. Dieu est uni à l’homme, l’homme à Dieu! Cet amour ineffable, comment l’homme pourra-t-il le comprendre ? C’est à cette douce école, mes enfants, parce que l’amour vous conduira et vous servira de guide. Ouvrez donc l’oreille pour entendre sa doctrine, qui est la pauvreté volontaire, la patience contre les injures. Elle ensei­gne à rendre le bien pour le mal, à être petit, humble, foulé aux pieds, abandonné du monde, à suppor­ter le mépris, les outrages, les injures, les affronts, les calomnies, les murmures, les tribulations, les persécutions des hommes, des démons visibles et invisibles, et de la chair corrompue, qui veut toujours se révolter contre son Créateur et combattre l’esprit. Oui, sa doctrine est de souffrir tout avec patience, et de résister avec les armes de la haine et de l’amour. 0 douce et précieuse doctrine ! Trésor qu’il a choisi pour lui-même, et qu’il a laissé à ses disciples ! Il ne pouvait leur laisser de plus grandes richesses. Si la divine Bonté avait pensé que les plai­sirs, les jouissances de l’amour-propre, les vanités et les frivolités du cœur, fussent des biens, elle les aurait pris pour elle-même. Mais, parce que la sagesse du Verbe incarné a vu et connu que c’était la meilleure part, il l’a prise, et il s’en est revêtu par amour. Ainsi font ses serviteurs et ses enfants qui suivent les traces de leur Père. Je ne veux pas que vous ignoriez ces choses, et que vous quittiez cette douce voie et cette délicieuse école. Il faut, comme des enfants fidèles, vous revêtir de ce vêtement, et y être attachés ; qu’il ne vous quitte qu’en quittant la vie. Alors, nous abandonnerons le vêtement de la peine, et nous resterons revêtus du vêtement du bon­heur, et nous mangerons à la table de l’Agneau le fruit qui récompensera nos travaux.

3. C’est ce que fit l’apôtre saint Paul, qui se revêtit de Jésus crucifié, et fut privé des douceurs de la divine Essence. Il se revêtit de l’humanité du Sauveur, c’est-à-dire des peines et des opprobres de Jésus cru­cifié ; c’était la seule chose qu’il désirait. Il disait : « Je ne veux me glorifier qu’en la Croix de Jésus crucifié. » Et il l’aimait tant, qu’il disait une fois à une de ses servantes : « Ma douce fille, j’y étais attaché si étroitement par les liens de l’amour, que je n’ai pu m’en séparer qu’en perdant la vie. » Le doux saint Paul montra bien qu’il avait étudié cette doc­trine et qu’il la possédait parfaitement ; car il devint avide et passionné pour les âmes ; il les attirait comme l’éponge attire l’eau. En passant par la voie des opprobres, on trouve l’ineffable charité, la bonté infinie avec laquelle Dieu aime souverainement sa créature. On voit qu’il ne veut autre chose que notre sanctification, l’honneur de son Père, notre salut, et que c’est pour l’accomplir qu’il s’est livré à la mort. Paul reçoit et comprend cette doctrine, et parce qu’il l’a comprise, il se consacre à l’honneur de Dieu et au service du prochain. Il annonce courageuse­ment la vérité ; il ne s’endort pas dans la négligence; mais, plein de zèle, il devient un vase d’élection tou­jours ardent à porter et à répandre la parole de Dieu.

4. C’est aussi le désir de mon âme, et j’ai désiré avec un grand désir faire cette pâque avec vous, c’est-à-dire voir mon désir accompli et consommé. Oh ! Com­bien sera heureuse mon âme, quand je vous verrai plus que tous les autres fixés et affermis en votre ob­jet, en Jésus crucifié, pour vous nourrir et vous ras­sasier de la nourriture de l’âme. Car l’âme ne se voit pas par elle-même, mais elle se voit en Dieu, en tant qu’il est la souveraine, l’éternelle Bonté, si digne d’être aimée. Elle contemple en elle l’effet de son ardent amour ; elle y trouve l’image de la créature, et elle trouve Dieu dans son image. Cet amour, que Dieu lui porte, elle voit qu’il l’étend à toute créature, et aus­sitôt elle se sent forcée d’aimer le prochain comme elle-même, parce qu’elle voit que Dieu l’aime souverainement, en se regardant dans la source de l’océan de la divine Essence. Alors son désir la porte à s’aimer en Dieu, et à aimer Dieu en elle, comme celui qui regarde dans une fontaine où il voit son image ; il aime à la voir, et il se réjouit ; et, s’il est sage, il sera porté à aimer plus la fontaine que son image; car, s’il ne l’avait pas vue, il ne l’aurait pas aimée, et i1 n’aurait pas corrigé les défauts de son visage, qu’il a vu dans la fontaine.

5. Oui, mes enfants bien-aimés, soyez-en bien per­suadés, nous ne pourrons jamais voir notre dignité et les défauts qui détruisent la beauté de nos âmes, si nous ne regardons dans cet océan pacifique de la divine Essence, où nous sommes représentés; car c’est d’elle que nous sommes sortis, lorsque la sagesse de Dieu nous a créés à son image et ressemblance. Nous y trouvons l’union du Verbe avec notre humanité; nous trouvons, nous voyons et nous goûtons la four­naise de sa charité, qui nous a donné notre vie, qui a uni le Verbe à nous, et qui nous a unis au Verbe revêtu de notre nature. C’est le lien puissant qu’il a attaché et cloué sur la Croix. Nous verrons tout cela en nous voyant dans la Bonté divine. Nous ne pour­rons posséder Dieu dans la vie éternelle et le voir face à face, si nous ne le possédons par le désir et l’amour en cette vie. Nous ne pouvons lui montrer cet amour en lui étant utiles en quelque chose, car il n’a pas besoin de nous; mais nous pouvons et nous devons le montrer dans nos frères, en cherchant en eux la gloire et l’honneur de Dieu. Ainsi donc, plus de négligence; ne nous endormons pas dans l’igno­rance, mais que notre cœur ardent et embrasé montre ses doux et tendres désirs, en honorant et en servant Dieu dans le prochain, et en ne se séparant jamais de notre objet, de Jésus crucifié. Vous savez que c’est là le mur sur lequel nous devons nous appuyer pour nous regarder dans la fontaine. Courez donc, courez vous réfugier et vous cacher dans les plaies de Jésus crucifié. Réjouissez-vous, réjouissez-vous; soyez dans l’allégresse ; le moment s’approche ou le printemps donnera ses fleurs parfumées. Ne vous étonnez pas si vous voyez encore arriver le contraire, mais soyez-en persuadés plus que jamais.

6. Hélas! hélas! que mon âme est malheureuse! Je ne voudrais vivre que pour me voir égorgée pour l’honneur de Dieu, et pour que mon sang fût ré­pandu dans le corps mystique de la sainte Église. Hélas! hélas! je meurs, et je ne puis mourir. Je n’en dis pas davantage. Pardonnez, mon Père, à mon ignorance, et que votre cœur se brise et se consume à un si ardent amour. Je ne vous écris pas les œu­vres que Dieu a faites et qu’il fait; la langue et la plume sont insuffisantes. Vous m’écriviez de me réjouir et d’être dans l’allégresse, et vous m’avez donné des nouvelles qui m’ont causé une grande joie, Le lendemain du jour où je vous ai quitté; la douce Vérité suprême a voulu faire pour moi ce que le père fait pour la fille, et l’époux pour son épouse ; il ne peut souffrir qu’elle ait le moindre chagrin, mais il trouve toujours des moyens nouveaux pour lui donner la joie. Pensez, mon Père, que la Vérité éternelle a fait de même. La Majesté divine m’a inondée d’une telle joie, que les membres de mon corps semblaient se dissoudre et se fondre comme la cire dans le feu. Mon âme faisait alors trois stations. Elle était avec les démons par la connaissance de moi-même, et par les attaques, les tentations et les me­naces de l’ennemi, qui ne cessait un instant de frap­per à la porte de ma conscience ; et alors je me levais avec une haine qui me faisait descendre en enfer, en désirant vous faire une sainte confession; mais la Bonté divine me donnait plus que je ne demandais. Je vous demandais, et Dieu se donnait lui-même; il m’accordait l’absolution et la rémission de mes péchés et des vôtres; il me rappelait les leçons qui m’avaient été dites en d’autres temps, et il me cou­vrait tellement des flammes de son amour, et m’inondait d’une telle paix, d’une telle clarté, que la parole le pourrait jamais l’exprimer; et, pour mettre le comble à ces douceurs, il me fit habiter avec le christ de la terre.

7. J’allais comme on va par un chemin, et il semblait que c’était le chemin de la Majesté suprême, de l’éternelle Trinité, où on reçoit une lumière et une connaissance ineffables de la bonté de Dieu. Je voyais les choses futures, je marchais et je conversais .avec les bienheureux, avec la famille choisie du Christ sur la terre, et je voyais arriver la paix et des sujets de grandes joies. J’entendais la douce voix de la Vérité suprême, qui me disait : Ma fille, je ne méprise pas les vrais et saints désirs; je les satisfais, au contraire. Courage donc, et deviens un bon instrument pour annoncer généreusement la Vérité; je serai toujours avec vous. Il me semblait voir le triomphe de notre archevêque ; et quand j’en eus assurance par la lettre que vous m’avez écrite, ce fut une joie ajoutée à ma joie. 0 mon doux fils, il faut que je vous dise l’obstination et la dureté de mon cœur, pour que vous en demandiez vengeance et justice, car il ne s’est pas brisé, consumé d’amour. Hélas! ce qui était étonnant, c’est que ces trois rap­ports existaient sans se nuire; l’un aidait l’autre, comme le sel aide l’huile à bien préparer les aliments. Mes rapports avec les démons, par l’humilité, la haine et la faim qu’ils me donnaient; mes rapports avec la sainte Eglise, par l’amour et le désir qu’ils m’inspiraient, me faisaient goûter la vie éternelle avec les bienheureux. Je ne veux plus rien dire. Pensez que mon cœur se fend, et ne peut se fendre davantage.

8. Je vous donnerai des nouvelles de mon Père, frère Thomas, dont la vertu, par la grâce de Dieu, a triomphé du démon. Il est devenu un tout autre homme qu’il était, son cœur se repose maintenant dans l’amour. Je vous prie de lui écrire quelquefois en vous faisant connaître à lui. Réjouissez-vous, car mes enfants qui étaient perdus sont retrouvés et rentrés au bercail; ils ont quitté les ténèbres, et aucun maintenant ne s’oppose à ce que je veux faire. Votre indigne petite Catherine vous demande votre bénédiction, et je vous recommande tous mes fils et mes filles. Prenez bien garde que le loup infernal ne me ravisse quelque brebis. Je pense que Néri viendra ici, parce qu’il me semble qu’il serait bien de l’envoyer à la cour. Dites-lui ce qu’il faudrait faire pour rendre la paix à ces membres corrompus qui se sont révoltés contre l’Église; je ne vois pas de plus doux moyen pour pacifier l’âme et le corps. Occupez-vous avec zèle de cela, et de tout ce qui sera nécessaire, recherchant toujours l’honneur de Dieu, rien autre chose; et, quoique je vous parle ainsi, faites ce que Dieu vous fera faire et ce qui vous semblera le meil­leur, de l’envoyer, ou de ne pas l’envoyer. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

* Le frère dominicain Raymond De Capoue fut un des confesseurs de Catherine de Sienne et fils spirituel.

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