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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

Dédicace de la basilique du Latran. Année A.

Imprimer Par Daniel Cadrin

Quand Dieu nous fait confiance

Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. » Ses disciples se rappelèrent cette parole de l’Écriture : L’amour de ta maison fera mon tourment.
Les Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais le Temple dont il parlait, c’était son corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Commentaire :

Le 9 novembre, nous célébrons la Dédicace de la basilique du Latran. Cette église, qui remonte à l’antiquité chrétienne, est le siège de l’évêque de Rome, i.e. du pape. Aussi a-t-elle une valeur symbolique forte puisque son évêque préside à la communion universelle de l’Église, La basilique St-Pierre, construite aux 16-17e siècles, est plus connue et prestigieuse et elle est la plus grande église du monde. Mais c’est celle du Latran qui a la primauté.

Pour cette fête, nous avons un évangile de Jean où des images clés de l’Église sont présentes : le temple, la maison, le corps. Elles s’inscrivent dans un récit chargé de sens qui invite encore à des déplacements majeurs dans notre expérience croyante et ecclésiale.

Dans la première partie, nous sommes au Temple, à Jérusalem, alors que la Pâque juive approche. Le lieu et le moment sont ainsi très significatifs. Et nous y voyons des réalités liées au culte du Temple : les animaux offerts en sacrifice (brebis, bœufs et colombes) et ceux qui en font le commerce, les monnaies de divers pays à changer pour payer les offrandes et les changeurs qui s’en occupent.

Or voici que Jésus, ce prophète de Galilée, se lance dans un grand ménage! Il chasse tout ce monde et leurs affaires, comme si ce trafic n’avait pas sa place en un tel lieu saint, lieu de la présence de Dieu avec son peuple. Son geste prophétique en est un de purification, mais aussi il préfigure la fin d’une approche religieuse et le début d’un nouvel accès à Dieu. Cette scène est présentée dans les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) à la fin du ministère de Jésus. En Jean, elle est placée au commencement, juste après le premier signe de Jésus, celui de Cana et du vin de l’Alliance nouvelle. Elle annonce déjà la finale de l’Évangile : la passion et la résurrection.

À la fin de cette partie, il est question de mémoire. Les disciples se rappellent une parole de l’Écriture (Psaume 69,10), qui les aide à saisir l’événement. Une autre parole (Zacharie 14,21) est suggérée dans les propos de Jésus. Et à la fin de la deuxième partie, la mémoire va aussi être présente : Jean mentionne qu’après la résurrection, les disciples vont se rappeler, cette fois-ci, de la parole de Jésus. On ne peut mieux dire le rôle central des Écritures, de la Première et de la Nouvelle Alliance, pour relire les événements de nos vies et y découvrir un sens plus profond. Cette lumière ouvre notre regard, le rend croyant.

Dans la deuxième partie, un débat s’ensuit entre Jésus et des responsables religieux. Ils lui demandent quelle est son autorité pour poser un tel geste. La réponse de Jésus, sur le temple détruit et relevé, les déroute. Ils la comprennent de façon littérale, immédiate. Ce malentendu est fréquent en Jean : on le voit avec Nicodème à propos de la naissance (3,4), avec la Samaritaine à propos de l’eau vive (4.11), avec une foule à propos du pain du ciel (6,34), avec Thomas à propos du chemin (14,5), et bien d’autres. Il y a dans ce procédé une pédagogie qui invite les lecteurs à dépasser leur première réaction, à voir plus loin que le bout de leurs lunettes et à devenir attentifs au mystère de Jésus, de sa présence et de son don.

Cette réponse de Jésus annonce que le vrai Temple du Dieu vivant, le haut-lieu de sa présence bienveillante parmi son peuple, n’est plus un édifice mais une personne, dans son corps même, mort et ressuscité. Dieu se fait proche dans la croix et la gloire du Verbe fait chair. Et le Christ vivant, uni à tous ses disciples par son Esprit qui nous fait fils et filles du Père, nous rassemble avec lui en ce Temple, cette Maison, ce Corps.

En nous parlant du Temple de son Corps, cet évangile nous ouvre des perspectives sur le mystère de l’Église. Dans sa communion à la croix glorieuse et dans la mutualité qui la constitue Corps du Christ, Temple de l’Esprit, Maison de Dieu, l’Église est signe, sacrement de la présence de Dieu au cœur de l’univers. Ce signe n’est pas d’abord fait de pierres et d’édifices mais de visages, toutes ces personnes, aux quatre coins du monde, réunies en communautés fraternelles et engagées sur des chemins de passion et de compassion, de passages et de résurrections.

Fêter l’antique basilique du Latran, c’est faire mémoire de cette longue histoire d’une communion, à recevoir et à bâtir, qui nous précède et que nous poursuivons dans nos assemblées, entre constructions et relations.

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