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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

23e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

L’Évangile du disciple

De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. Quel est celui d’entre vous qui veut bâtir une tour, et qui ne commence pas par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, s’il pose les fondations et ne peut pas achever, tous ceux qui le verront se moqueront de lui : ‘Voilà un homme qui commence à bâtir et qui ne peut pas achever !’ Et quel est le roi qui part en guerre contre un autre roi, et qui ne commence pas par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui vient l’attaquer avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander la paix. De même, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.

Commentaire :
Emporté avec le Christ dans sa montée vers Jérusalem (9,51 – 18,14), l’évangéliste nous propose quelques grandes réflexions sur les exigences de cette marche à la suite de Jésus et les conditions de vie d’un authentique disciple. Toute la section pourrait s’intituler « L’Evangile du disciple ». Celai n’empêche pas l’auteur de donner sa pleine mesure d’historien en apportant moult informations sur les événements qui tissent la trame du récit. Il faut tout de même admettre que le lien entre ce qui précédait, « Les propos de tables », et ce qui va suivre, le texte de ce jour ne comporte pas tellement de liens. Ici même, les divers éléments indépendants à l’origine les uns des autres se rapportent au même sujet. Une brève introduction précède deux petites paraboles invitant l’auditeur à ne jamais prendre à la légère son état de disciple du Christ. Demeure frappante l’incohérence entre la possibilité de choix que laissent l’une et l’autre parabole et la conclusion, qui pourtant, dans la ligne de pensée des premiers versets (26-27), ne laisse aucun choix. Comme on pourrait dire : il y a du saint Luc, mais non moins une pensée de la première communauté chrétienne.

La popularité de Jésus ne cesse d’augmenter : de grandes foules se mettent à sa suite et le poursuivent. Besoin de guérisons, d’exorcismes ou d’enseignements ? « Voyant les foules, Jésus avait pitié d’elles parce qu’elles étaient abattues, fatiguées comme des brebis sans bergers. » (Mt. 9) Cela ne l’empêche pas cependant pas de prendre ses distances : « Si quelqu’un vient à moi »… Jésus se refuse de céder à la tentation du succès ou de la facilité, comme il l’avait fait au désert (Mt 4). « Si quelqu’un veut le suivre, il devra se renoncer » (9,23) et bien marquer ses préférences. Certains traducteurs ont utilisé le terme « haïr ». Dans la littérature sapientielle, le mot « haïr » signifie une relativisation voulue et non un refus égoïste de relation humaine. Les valeurs de ce monde doivent passer après Dieu. Amour absolu, loyauté totale, dévotion sans partage. L’auteur de l’évangile évoque ici sans contredit la situation concrète des premiers chrétiens : pour eux, suivre le Christ impliquait l’aliénation au plan de la foi de sa propre famille, la marginalité.

D’autre part, ces propos « Porter sa croix » nous réfèrent sans aucun doute à une catéchèse d’après Pâques. La croix signifie entrer dans les intentions divines et accepter avec générosité tous les événements de la vie comme moyen d’avancer dans le royaume de Dieu; tout supporter à cause du Christ, même la mort. A vingt quelques années de distance des événements de la Passion, l’expression évoque davantage l’image du Christ et sa fidélité au Père, plutôt que le supplice ignoble infligé par les Romains aux condamnés à mort. C’est à ces conditions que « marcher à la suite du maître et devenir son disciple » s’avèreront possibles.

Mais pareil engagement exige réflexion : commencer par s’asseoir et calculer la dépense; renoncer ou consentir aux sacrifices nécessaires. La deuxième parabole contraste avec cette première, car dans le cas d’une éventuelle bataille, il vaut mieux, dans l’impossibilité, envoyer une ambassade et engager des pourparlers de paix. La « sequela Christ » souffre-t-elle d’une quelconque médiation ou ambassade, l’une et l’autre dans le but d’éviter une grande et honteuse confusion ou risquer une débâcle complète.

La conclusion chez Luc ne concerne pas la démarche pour devenir disciple, mais davantage ce qui caractérise sa manière d’être, sa condition de disciple.

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