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Comprendre et être compris

Imprimer Par Denis Gagnon

Au cours des audiences de la commission québécoise sur les accommodements raisonnables, il arrive souvent qu’on oppose raison et foi. Les uns diront que la grandeur de l’être humain se trouve du côté de la raison. Tout doit passer au sas de la rationalité. Je me souviens d’une conversation où mon interlocuteur m’affirmait ne croire qu’en ce qu’il pouvait toucher et vérifier par ses sens. À l’autre extrême, je rencontre parfois des gens qui méprisent l’intelligence et qui voient en son usage le danger de perdre la foi. À trop étudier, on finirait par nier Dieu.

Deux extrêmes; entre les deux, des degrés divers de partisans de la raison sans la foi ou de la foi sans la raison. Parmi ceux qui opposent raison et foi, je constate qu’il y a aussi des chrétiens. Et cela me surprend beaucoup. L’histoire du christianisme témoigne pourtant d’un mariage heureux entre la raison et la foi. Le développement de la théologie dépend en grande partie de la place que les penseurs accordent à l’intelligence.

Mon dictionnaire définit la raison: «la faculté pensante et son fonctionnement, chez l’homme; ce qui permet à l’homme de connaître, de juger et d’agir conformément à ce principe.» (Dictionnaire Robert. édition de 1973) Un chrétien, si profondément convaincu de sa foi qui soit, peut-il biffer de sa vie une réalité aussi importante? Penser est le propre de l’être humain. Réfléchir, juger des situations, agir selon ce que l’intelligence nous dicte: pouvons-nous vraiment passer à côté dans l’aménagement de la vie quotidienne comme dans les grandes circonstances de la vie?

Y compris dans notre recherche de Dieu. Les théologiens de l’antiquité chrétienne et ceux du Moyen-Âge considéraient que la foi était en quête d’intelligence. Saint Thomas d’Aquin affirmait que les êtres atteignent Dieu par ce qui les caractérise par rapport aux êtres qui leur sont inférieurs. Or, disait-il, l’intelligence distingue l’être humaiin des animaux . Pour Thomas, l’être humain doit donc croire intelligemment! «Le fait même de croire est l’acte d’une intelligence qui adhère à la vérité divine sous l’empire d’une volonté que Dieu meut par sa grâce.» (Somme théologique 2a 2ae, qu.2, art. 9) L’affirmation se présente sous des apparences vieillottes, mais la réalité qu’elle exprime est d’une profonde actualité. Toute vérité mérite que l’intelligence humaine se penche sur elle. Et si Dieu est vérité, plus que tout il mérite, si je puis dire, que j’applique mon intelligence à essayer de le comprendre.

Cela ne diminue pas pour autant la foi de l’homme ou de la femme qui se tourne vers Dieu. Si l’intelligence veut comprendre Dieu, la foi permet de se reconnaître compris dans le mystère de Dieu. Être compris, se retrouver dedans. Comprendre et être compris, savoir et croire, connaître et être reconnu: l’être humain vit de ces deux mouvements comme le coeur bat dans l’alternance de la dilatation et de la contraction (diastole et sistole).

Chercher Dieu en prenant le chemin de l’intelligence et le chercher dans l’abandon à la foi: ces deux mouvements nous sont absolument nécessaire. Même le bébé dont l’intelligence n’est pas développée cherche à voir et à comprendre. Il veut saisir la réalité. Même l’athée croit; s’il ne croit pas en Dieu, il croit au moins en lui-même, il croit à l’inconnu de sa vie et de son mystère personnel comme à l’inconnu du mystère des êtres qui l’entourent. Le savant, même le plus rationnel qui soit, croit sinon en Dieu, du moins dans sa recherche scientifique, il croit dans ce qui habite l’infiniment grand comme il croit aux découvertes que les autres savants peuvent faire. Personne n’échappe à la foi comme personne ne peut échapper à la raison. L’intelligence humaine tout comme la foi sont en quête de lumière.

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