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Nous vivons de ce qui nous manque

Imprimer Par Denis Gagnon

Le printemps s’en vient, j’en suis sûr! La température en dents de scie me dit que le printemps se montre le bout du nez pendant que l’hiver commence ses derniers soubresauts. La saison froide s’entête à vouloir durer alors que le printemps le bouscule pour prendre sa place.

Et nous avons hâte. Nous voulons la chaleur et la lumière. Elles nous ont manqué au cours des derniers mois. Vite, qu’elles reviennent!

Quand le printemps aura fait son tour de danse, nous accueillerons – objet de nos voeux les plus chers – l’été que nous souhaitons ensoleillé. Puis, nous attendrons l’automne aux mille couleurs.

Nous sommes toujours en attente. La liste de nos désirs est longue. Nous n’hésitons pas à accumuler nos soifs. Il nous arrive même d’inventer des désirs en toute gratuité. N’est-ce pas ce que font les spirituels qui pratiquent le jeûne? Ils choisissent d’avoir faim plutôt que d’apaiser les cris de leur estomac.

Pourquoi les jeûneurs s’imposent-ils la souffrance? Uniquement pour reconnaître les motifs profonds de leurs désirs, pour les faire porter sur des bien supérieurs. «L’homme ne vit pas seulement de pain…», rappelait Jésus, l’homme aux désirs sans fond (Cf. Matthieu 4, 4).

Un jour, on me servit un savoureux dessert. Des couleurs chatoyantes, une odeur exquise. Une cerise couronnait le chef-d’oeuvre. Je la déposai délicatement sur le bord de l’assiette. Me penchant vers mon voisin, un garçon de neuf ans, je lui dis: «Je garde la cerise pour la fin». Et le jeune homme de me rétorquer sans hésiter: «Mais t’en n’aura pas plus!»

Je me trouvais devant un futur homme d’affaires. Cet enfant risquait de calculer le reste de sa vie. Il alignerait des chiffres, des additions, des soustractions. Les tables de multiplications trôneraient dans son salon à la place des Jean-Paul-Lemieux ou des Borduas.

Mon homme courait le risque de passer à côté d’une expérience essentielle. Le désir accroît la valeur de ce que nous désirons. Le désir donne de la densité à ce que nous attendons. Nos rêves inventent la valeur de ce que nous espérons. On peut même enjoliver la réalité, lui en faire promettre plus qu’elle est capable d’en donner. Ici, le désir n’est pas réaliste.

Par contre, le manque fait découvrir la densité de ce qui nous manque. L’absence fait goûter avec plus d’intensité la présence. Les ex-prisonniers des camps de concentration manipulent la nourriture avec respect. Ils savent ce qu’elle vaut pour en avoir manqué et pour avoir souffert de la faim.

La tradition judéo-chrétienne met en scène un Dieu qui se laisse attendre. L’espérance est au coeur de l’expérience spirituelle des fils et des filles d’Abraham comme des disciples de Jésus de Nazareth. Ils espèrent contre toute espérance. Pour eux, le salut n’est pas ailleurs que dans cette attente constante de Dieu et de son messie. Juifs et chrétiens vivent de ce qui leur manque. Singulier paradoxe! Étonnante, l’espérance, cette espérance qui étonne Dieu lui-même, au dire de Péguy.

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