La samaritaine d’Ain Karim
En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Commentaire :
Marie avait franchi une longue distance, sur une route peu sure, chargée de dangers, creusée de ravins, barrée de collines, marquée de villages aux populations pas toujours sympathiques. Elle arrivait enfin à Aïn Karim, petit bourg à l’ouest de Jérusalem. On y retrouve aujourd’hui de somptueuses verrières de Chagall. Là, autrefois, demeurait une vieille cousine de Marie. qu’elle n’avait pas vue depuis longtemps. La nouvelle de sa maternité lui était parvenue par un messager divin : « Élizabeth attendait un enfant, avait révélé l’ange, elle en était à son sixième mois, elle que l’on appelait « la femme stérile ». Sans tarder, en hâte, Marie « s’était mise en route vers une ville de la montagne de Judée. »
L’évangéliste Luc, écrivain dépareillé, nous permet de revivre la scène imprégné de tendresse, de joie, d’enivrement, un peu comme la répétition de ce dont beaucoup parmi nous auront l’occasion de vivre dans les jours qui vont suivre. Cet événement, la parolier Jean-Paul Fillon l’a traduit en chanson : « La parenté en arrivée ! » C’est toute la maisonnée du petit village de Judée qui tressaille à l’arrivée de Marie : « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? À ta voix, l’enfant que je porte a tressailli de joie au-dedans de moi… Heureuse celle qui a cru ! »
Par ces mots, Elizabeth anticipait l’éloge que le Jésus allait un jour rendre à sa mère : « Plus heureuse encore celle qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique. » Avant de nous élancer vers le ciel dans un geste vertical, l’évangile nous tend vers l’autre dans un geste de paix, de justice et d’amour, tout ce dont chacun peut avoir besoin pour anticiper le bonheur des Béatitudes.
Si la « période des fêtes » comme on dit, pouvait être pour chacun l’occasion d’une visite, d’un rapprochement ! « Le prochain, c’est celui dont je me fais proche ». Nous passons avec l’évangile du Bon Samaritain de l’extériorité de la relation humaine à l’intériorité. Je suis, je deviens le prochain d’un autre si je sais m’en approcher.
Aujourd’hui, en ce jour et chaque jour nous avons le choix entre la distance et la proximité, le rapprochement et l’éloignement. Mais l’une des options requerra de notre part un long cheminement, d’incommensurables dépouillements, aussi bien qu’un simple regard sans a priori, un souvenir sans ressentiment.
Mon prochain, il est là, tout près, il attend, il espère ma visite comme le blessé sur le bord de la route.
Marie, la « samaritaine » d’Aïn Karim, la femme heureuse chez Élisabeth.