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Méditation chrétienne

Les deux vêtements (Oraison XXI)

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Catherine Benincasa naquit dans une famille de teinturiers. Elle se consacra très jeune à Dieu. À l’âge de quinze ans, elle entra chez les sœurs de la Pénitence de saint Dominique (tiers ordre). Auteur mystique (le Dialogue, les Oraisons), elle intervint publiquement dans la vie de l’Église en demandant au pape Grégoire XI de quitter Avignon pour Rome, puis en luttant pour mettre fin au grand schisme d’occident. Elle fut proclamée docteur de l’Église en 1970 et co-patronne de l’Europe en 1999.

Déité éternelle, ô haute éternelle Déité, amour inesti­mable. Dans ta lumière j’aime la lumière, dans ta lumière j’ai connu la lumière ; dans ta lumière on connaît la cause de la lumière et la cause des ténèbres ; c’est-à-dire que tu es cause de toute lumière, et nous sommes la cause des ténèbres ; dans ta lumière on connaît ce qu’opère la lumière dans l’âme, et ce qu’opèrent les ténèbres. Admi­rables sont tes œuvres, Trinité éternelle, dans ta lumière on les connaît parce qu’elles procèdent de toi, lumière.

Aujourd’hui ta vérité avec une admirable lumière montre la cause de la ténèbre, c’est le vêtement fétide de la volonté-propre, et elle manifeste pourquoi on connaît la lumière c’est le vêtement de ta douce volonté. Chose admirable alors que nous sommes dans les ténèbres nous connaissons la lumière, dans les choses finies nous connaissons l’infini, étant dans la mort, nous connaissons la vie. Ta vérité montre que de même que l’homme peut mettre son vêtement à l’envers, de même l’âme doit se dévêtir de sa propre volonté si elle veut se revêtir parfai­tement de la tienne.

Et comment s’en dévêt-elle ? Avec la lumière qui s’ac­quiert en exerçant la lumière que nous avons reçue au saint baptême avec la main du libre arbitre, parce que dans la lumière elle a vu la lumière. Et d’où l’âme reçoit-elle cette lumière ? Seulement de toi, lumière, cette lumière tu nous l’as montrée sous le voile de notre humanité. Et que reçoit l’âme vêtue de cette lumière ? Elle est libérée de la ténèbre de la faim, de la soif et de la mort, parce que avec la faim des vertus elle chasse la faim de la volonté-propre, avec la soif de ton honneur elle chasse la soif de son honneur, et avec la vie de ta grâce elle a chassé la mort de la faute et de sa volonté perverse.

Ô vêtement fétide de notre volonté, tu ne recouvres pas l’âme, au contraire tu la découvres. Ô volonté dévêtue, ô arrhes de vie éternelle ! Tu es fidèle jusqu’à la mort, non au monde mais à ton très doux Créateur ; tu lies ton âme à lui parce que en tout elle s’est séparée d’elle-même.

À quoi l’âme s’aperçoit-elle qu’elle est parfaitement séparée d’elle-même ? Quand elle ne cherche ni temps ni lieu à sa façon mais à la tienne, c’est là le vêtement de lumière. Directement il est un soleil parce que comme la lumière éclaire, réchauffe, fait germer la terre, ainsi cette vraie lumière réchauffe l’âme qui la possède dans le feu de ta charité. Éclairée parce que la lumière lui fait connaître la vérité dans la lumière de ta sagesse, et fait germer en elle, tandis qu’elle est en cette terre mortelle, le fruit de vraies et réelles vertus.

Qui en est cause si elle ne se dévêt pas comme il est dit ? La privation de la lumière, parce qu’elle n’a pas connu ni exercé la principale lumière que tu as donnée à toute créature douée de raison. Pourquoi ne l’a-t-elle pas connue ? Parce qu’elle a obscurci l’œil de son intelligence avec la faute, avec cette faute elle a lié sa volonté, et cette volonté c’est elle qui commet toute faute.

Ô mon âme ignorante, comment ne sens-tu pas la puanteur de la faute ? Comment ne sens-tu pas l’odeur de la vertu et de la grâce ? Parce que tu es privée de la lumière.

Peccavi Domino, miserere mei.

Ô Dieu éternel, dans ta lumière j’ai vu quelle conformité à toi tu as donnée à ta créature, d’où je vois que tu l’as comme placée dans un cercle tel que où qu’elle aille elle se trouve à l’intérieur. Si je me mets à considérer l’être que tu nous as donné, tu nous as donné conformité à ton image et ressemblance, participant à toi, Trinité éternelle, dans les trois puissances de l’âme. Si je regarde dans le Verbe par qui nous sommes recréés à la grâce, je te vois conformé à nous et nous à toi par l’union que toi, Dieu éternel, a faite dans l’homme. Et si je me tourne vers l’âme illuminée par toi, vraie lumière, je vois qu’elle fait sa demeure en toi, suivant la doctrine de ta Vérité, en général et en particulier, c’est-à-dire dans les vertus particulières qui sont acquises par l’amour que l’âme a conçu en toi dans ta lumière. Et c’est toi cet amour même. Ainsi donc l’âme qui par amour suit la doctrine de ta Vérité devient un autre toi par amour. Celle-ci dévêtue de sa volonté est vêtue de la tienne de telle façon qu’elle ne cherche ni ne désire que ce que tu demandes et veux que soit dans l’âme.

Tu es énamouré de cette âme et elle de toi, mais tu l’aimes par grâce, parce que tu l’as aimée avant qu’elle soit et elle t’aime comme dû. Elle a connu qu’elle ne peut pas t’aimer par grâce parce qu’elle est ton obligée et non toi à elle et elle a vu que cet amour qu’elle ne peut te rendre, elle doit le rendre à son prochain en l’aimant par grâce et dû en même temps : par grâce parce qu’elle ne cherche pas à en être rétribuée, ni vraiment qu’elle le serve pour une utilité reçue de lui, mais seulement par amour ; et elle l’aime comme dû en tant que tu le lui commandes et elle est obligée de t’obéir.

Quand je regarde quelle conformité tu fais de l’âme à toi quand elle s’élève avec la lumière de l’intelligence acquise de toi, vraie lumière, et avec le désir en toi se plongeant dans la lumière de ta vérité, je vois que toi, qui es Dieu immortel, lui donnes à connaître les biens immor­tels et les lui fais goûter dans le désir de ta charité. Toi qui es lumière tu la fais participer avec toi à la lumière, toi qui es feu tu participes avec elle au feu, et dans ton feu tu unis ta volonté avec la sienne et la sienne avec la tienne. Toi sagesse tu lui donnes sagesse à discerner et connaître la vérité. Toi qui es force tu lui donnes force, et elle devient si forte que ni démon ni créature ne peut lui enlever sa force si elle ne le veut, et jamais elle ne le veut tant qu’elle porte le vêtement de ta volonté car seule sa volonté peut l’affaiblir. Toi infini tu la fais infinie par la conformité que tu as faite avec elle par grâce en cette vie, tant qu’elle est voyageuse, et dans la vie durable dans l’éternelle vision de toi, là si parfaitement conformée à toi que son libre arbitre est lié en tant qu’il ne peut la séparer de toi.

Je confesse donc bien que ta Vérité dit la vérité, qu’en tout la créature est conformée à toi et toi à elle par grâce. Tu ne lui donnes pas une partie de la grâce mais toute. Pourquoi dis-je toute ? Parce qu’il ne manque rien à son salut. Elle est moins et plus parfaite selon que dans ta lumière elle veut exercer la lumière naturelle que tu lui as donnée.

Que dirai-je encore? Rien d’autre que toi Dieu tu t’es fait homme et l’homme est fait Dieu. Qui fut cause d’une telle conformité ? La lumière, dans cette lumière elle a connu ta volonté. La connaissant elle s’est dépouillée de la sienne qui lui donnait ténèbre, nudité et mort, vêtue de la tienne elle est vêtue de toi par grâce, par lumière, par feu et par union. De sorte que tu es la cause de tout bien et la volonté-propre et perverse est cause de tout mal parce qu’elle est vêtue de l’amour-propre, et elle est cause de tant de mal que dans les ténèbres elle fait sauter l’âme hors du cercle de la lumière de la très sainte foi, ce cercle dans lequel de quelque côté qu’elle se tournait, elle te trouvait toi. Et en quelle conformité se trouve-t-elle, et à qui se trouve-t-elle unie, une fois sortie de la lumière ? Elle se trouve exactement conformée aux bêtes qui sont sans la moindre raison, elle suit la loi perverse et la doctrine des démons visibles et invisibles.

Je confesse, Dieu éternel, haute éternelle Déité, et je ne le nie pas, que je suis la misérable cause de tout mal parce que je n’ai pas exercé la lumière dans ta lumière pour connaître ce qui te déplaît et m’est nocif, le mauvais et fétide vêtement de la perverse volonté-propre, et je n’ai pas connu ta douce volonté de laquelle par dû, je dois me vêtir.

Peccavi, peccavi Domino, miserere mei.

Toi Dieu éternel, haute éternelle Déité, dans ta lumière tu fais voir la lumière. C’est pourquoi je te supplie humblement d’infuser cette lumière à toute créature douée de raison, mais singulièrement à notre doux père ton vicaire autant qu’il est de nécessité, et que de lui tu fasses un autre toi ; et rends la lumière aux ténébreux afin que dans ta lumière ils connaissent et aiment la vérité.

Et je te prie encore pour tous ceux que tu m’as donnés pour que je les aime d’un singulier amour avec une singulière sollicitude; qu’ils soient illuminés par ta lu­mière et que soit ôtée d’eux toute imperfection, afin qu’en vérité ils travaillent dans ton jardin où tu les as placés pour travailler. Punis et corrige leurs fautes et leurs imper­fections sur moi, parce que j’en suis la cause.

Peccavi Domino, miserere mei.

Grâce, grâce soit rendue à toi haute et éternelle Trinité qui dans ta lumière as donné réconfort à mon âme par la conformité que j’ai vue de nous tes créatures en toi. Ainsi toi-même te rends grâce en me donnant à moi de pouvoir te louer. Ta volonté te contraint à faire miséricorde au monde, et avec ton aide divine subvenir à ton vicaire et à ta douce épouse.

Peccavi Domino, miserere mei.

Haute éternelle Déité, donne ta douce bénédiction. Amen.

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