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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

7e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Le péché et sa grâce

Jésus était de retour à Capharnaüm, et la nouvelle se répandit qu’il était à la maison. Tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, même devant la porte. Il leur annonçait la Parole. Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes. Comme ils ne peuvent l’approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » Or, il y avait dans l’assistance quelques scribes qui raisonnaient en eux-mêmes : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » Saisissant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu’ils faisaient, Jésus leur dit : « Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu’est-ce qui est le plus facile ? De dire au paralysé : ‘Tes péchés sont pardonnés’, ou bien de dire : ‘Lève-toi, prends ton brancard et marche’ ? Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l’ordonne, dit-il au paralysé : Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. » L’homme se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu, en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »

Commentaire :

Après une introduction triomphale, l’histoire de Jésus telle que racontée par Marc s’engage dans une allure de controverses. Jésus va devoir affronter le harcèlement d’adversaires mêlés de façon épars dans la foule, mais passés maîtres d’une opposition insidieuse. Cinq récits en sont comme les témoins (2,1 – 3,6). L’épisode évoqué en ce dimanche assaisonne le miracle de l’attaque sournoise de scribes dont Jésus devine le raisonnement. Relisons-le, il pourra donner à notre perception de Jésus, responsable de l’instauration du Règne de Dieu, une dimension difficile à atteindre. Nous sommes tellement enlisés dans notre façon de ne voir en Dieu qu’un « être utile ». Et de plus, le péché dans nos vies prend aujourd’hui bien peu de place.

Dans la narration du miracle, Marc abonde en détails descriptifs. Il importe d’attacher un grand prix à cette narration de Marc. Mais l’importance du fait réside plus encore dans l’enseignement que l’auteur veut donner » : « Voyant leur foi ». Dans la pensée de Marc, la foi conditionne le miracle. À Nazareth, Jésus ne pourra faire aucun miracle à cause du manque de foi de ses compatriotes (6,5-6). Ici, la foi suscite un grand étonnement : « Stupéfaits, les témoins de la guérison glorifient Dieu en disant : Nous n’avons rien vu de pareil ». Mais le passage de l’étonnement à la foi peut être long et difficile. La marche sur les eaux et la multiplication des pains laissent les disciples au niveau de l’étonnement. Pour passer à l’acte de foi, il faut un cheminement intérieur et une lumière divine (8, 27-29 ; 9, 22-24). La guérison du paralytique comporte ici plus d’admiration que suscite le pardon des péchés.

« Mon fils, tes péchés te sont remis ». C’est précisément ce message de Jésus qui fait scandale auprès des scribes et demeure sans importance pour la foule. Versés dans les Écritures, les scribes connaissent bien les principes susceptibles d’apprécier ou de déprécier Jésus. Le péché, pour eux et les Juifs, constituait une offense à Dieu : « Contre toi et toi seul, j’ai péché » confessait David coupable d’adultère (2 S. 12,13). L’aspect sociologique et social de la faute n’importait guères. À cet aveu, le prophète avait répondu : « Yahvé te pardonne » (2 S.12,13). Nathan ne remet pas la faute, mais c’est Dieu qui pardonne. Ici, Jésus ne se compromet pas : « Tes péchés te sont remis », déclara-t-il. Mais dans l’esprit des scribes, il était bien évident que la pensée de Jésus allait plus loin, puisqu’il revendique aussitôt le pouvoir de remettre les péchés. Trois fois en quelques lignes, Jésus affirme clairement ce pouvoir.Comment un homme peut-il s’arroger ainsi un pouvoir divin, murmurent les scribes ? Paroles blasphématoires, pensent-ils.

Cet épisode de contestation donne au miracle une portée plus grande que celle qui remplit la foule d’admiration. Il donne au miracle sa pleine signification. C’est un pas de plus que Jésus permet de faire à ses disciples dans la révélation de qui il est. Outre les signes précédents, la guérison du démoniaque et celle de l’homme à la main desséchée, qui se présentait comme preuve de l’autorité avec laquelle parle Jésus, la guérison du paralytique s’inscrit dans ce même contexte. La contestation qui débute avec ce miracle ne porte certes pas sur le pouvoir de faire le miracle demandé, mais sur sa révélation : le mystère de la personne de Jésus. L’enseignement porté par cet épisode et la contestation qu’il soulève vont marquer un tournant : la route de Jésus, son chemin s’oriente alors vers la Passion. L’objet de la contestation va constituer ici un élément capital de la foi en Jésus.

L’apôtre Paul l’avait bien compris lorsqu’il écrit aux Colossiens : « Le Père nous a arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col. 1,14) La pensée de l’apôtre se situe donc dans la fidélité à sa conception du salut : « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde » (Rm. 11)

De quoi pouvoir dire ou presque : le péché est grâce ; ou avec l’évêque d’Hippone, saint Augustin : « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! ».

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